Professeur de littérature française à la faculté des lettres de Rabat, Abdelfattah Kilito livre à travers son essai «Le cheval de Nietzsche», une projection fantasmatique du fin fond de sa bibliothèque aux rayons lumineux. Commençant par énoncer avec une exquise simplicité des faits puisés dans la vie de son auteur, le récit s'achemine nonchalamment vers le thème plus ambitieux de l'importance de la littérature dans la vie de tout un chacun. Jouant des mots avec une virtuosité d'artificier, Abdelfattah Kilito retrace, dans un ouvrage de près de 180 pages, son histoire avec les mondes de l'écriture et de la lecture. Optant pour des phrases fluides, il réussit dès les premières pages à créer une complicité avec son lecteur. Il explique ainsi sa méthode de travail : jeune, il recopiait bon nombre de chefs-d'œuvres conseillés par son professeur de français. «La seule façon pour moi de lire était de recopier». Ainsi, il a recopié «Le Rouge et le Noir» de Stendhal, en 40 jours. Mais Kilito ne pouvait se contenter de recopier. Il est donc passé à l'écriture. «Il est vrai que j'attendais le moment où je passerais naturellement à la rédaction de mes propres livres. Je situais cependant dans un avenir lointain la réalisation de ce projet. J'avais l'impression que je ne méritais pas d'écrire, et l'idée de prétendre à l'originalité m'effrayait, comme si j'allais commettre une action condamnable...». L'écrivain explique aussi que «tout ce qui se présentait à moi, c'étaient des phrases de livres que j'avais recopiés. J'étais habité par des paroles d'autrui. Incrustées dans ma mémoire, elles constituaient une richesse encombrante dont je n'arrivais pas à me débarrasser». Et Kilito s'est mis à écrire et eut la reconnaissance de ses pairs. Toutefois, l'écrivain hésita longtemps avant d'adopter la langue de Molière. «Le Cheval de Nietzsche», qui a déjà reçu en 1996 le prix de l'Académie française, se veut donc un voyage à travers des chefs-d'œuvres confirmés qui ont marqué des générations de lecteurs à travers le monde.