À quelques semaines de la tenue des deuxièmes Assises de la fiscalité, les opérateurs économiques retiennent déjà leur souffle. Les axes principaux de la réforme sont déjà tracés : compétitivité, équité et relation avec le contribuable devraient être les sujets phare des débats. À quoi faut-il concrètement s'attendre ? Le lobbying bat son plein depuis quelques semaines au sein des milieux d'affaires. Agro-industriels, textiliens, promoteurs immobiliers... les opérateurs balisent en effet le terrain à quelques semaines de la tenue des tant attendues Assises de la fiscalité. Cette deuxième édition depuis celle de 1999 est aujourd'hui promise pour le mois d'avril prochain. Dans les couloirs du ministère des Finances, on parle de la première semaine du mois. Pour l'heure, le directeur des impôts, Abdellatif Zaghnoun, enchaîne les rencontres avec les opérateurs en vue de les sensibiliser d'une part aux apports fiscaux de la loi de finances 2013, mais aussi et surtout pour les mobiliser en vue des Assises. La liste des institutions concernées semble être bien longue: la CGEM, l'ASMEX, l'Ordre des experts comptables, l'ANMA, les universitaires, les cinq syndicats les plus représentatifs, le GPBM, Transparency Maroc, certains départements de l'administration concernés, notamment celui de l'Agriculture, en plus de certains organismes étatiques tels que l'Office des changes et Bank Al-Maghrib, sans oublier la Commission des finances au Parlement... ont tous reçu la visite du fisc. C'est d'ailleurs cette multiplicité des parties prenantes qui avait été avancée comme raison du premier report des Assises, vu que l'enjeu pour la DGI et le ministère des Finances est d'arriver à forger une vision commune sur les principaux aspects qu'il faudra traiter lors des Assises, pour finalement arriver à des pistes de réforme concrètes. «Durant les Assises, l'objectif n'est pas de se contenter de débattre de la politique fiscale mais de sortir avec des recommandations cohérentes en vue de la réforme», insiste Abdellatif Zaghnoun. L'enjeu est grand et les attentes aussi, puisque la réforme fiscale d'un système devenu désuet est prévue pour ces Assises. Cet évènement sera-t-il pour autant celui de la dernière chance ? Que faut-il en attendre ? «Les Assises constituent un chantier important pour le Maroc et nous souhaitons en sortir avec des orientations et des recommandations claires, qui constitueront des chantiers de mise en œuvre et déboucheront sur des projets de réforme à analyser et à proposer pour les prochaines lois de Finances», souligne Abdellatif Zaghnoun, directeur général des impôts. Chantiers cruciaux Les préoccupations majeures qui sont fixées à l'ordre du jour de ces rencontres peuvent ainsi être synthétisées en trois thématiques importantes. La première et non des moindres, concerne la relation entre la fiscalité et la compétitivité. Concrètement, les différentes parties avec lesquelles s'est réunie la DGI insistent aujourd'hui sur la nécessité de faire de la fiscalité un levier de compétitivité pour le tissu productif. Certes, il n'est pas question ici d'inonder le marché d'exonérations ou de carottes fiscales, mais plutôt de réduire au mieux la pression fiscale et de mettre la fiscalité à niveau avec les pratiques internationales. Rappelons à ce titre que le Maroc est ressorti à maintes reprises, dans des classements internationaux, comme l'un des pays où la pression fiscale est des plus importantes, ce qui entrave largement la compétitivité des entreprises. De plus, dans le contexte économique actuel, beaucoup d'entreprises nationales se voient concurrencées par des entreprises étrangères soumises dans leur pays à une fiscalité plus avantageuse. C'est ce qui devrait donner encore plus d'importance à ce chapitre dans le cadre des débats des Assises, avec l'espoir que la réforme fiscale puisse corriger la donne. Le deuxième grand axe que devraient traiter les Assises est lié à l'équité fiscale. Il s'agit entre autres de trouver le schéma qui permet d'instaurer une certaine équité entre les contribuables. Cela devrait passer certes par l'élargissement de l'assiette fiscale, mais surtout par la lutte contre l'informel, ainsi que par la révision des exonérations fiscales et l'assurance que celles-ci soient réellement un encouragement au développement économique et social du pays. Le troisième volet paraît pour sa part celui qui est le plus avancé à ce jour. Ils s'agit de l'amélioration de la relation entre l'administration fiscale et les contribuables et que les pouvoirs publics, à travers la DGI, ont déjà commencé à assainir depuis deux années déjà. Concrètement, les Assises de la fiscalité devraient contribuer à l'amélioration des mesures visant le respect des droits des contribuables, la clarification des textes, le contrôle juste et équitable ainsi que la facilitation de l'accès à l'information fiscale. «Nous avons créé un comité scientifique qui travaille sur toutes ces thématiques pour préparer les ateliers des intervenants et je souhaite que ce moment fort pour le pays puisse connaître un grand succès», note Abdellatif Zaghnoun. En attendant, il faut dire qu'à travers les lois de finances 2012 et 2013, les pouvoirs publics ont donné un avant-goût des contours de la réforme fiscale. En effet, pour les trois volets qui seront traité lors des Assises, certains ont déjà fait l'objet de mesures concrètes. Il s'agit notamment du volet lié à l'informel. Pour y remédier, l'Etat a en effet introduit l'amnistie fiscale pour les entreprises qui se convertissent au formel et a introduit un taux d'IS spécifique pour les petites structures en vue de les décourager de l'évasion fiscale. Pour ce qui est de la relation entre le fisc et le contribuable, la facilitation de quelques procédures et l'introduction de la catégorisation sont les mesures phare qui ont jusque-là vu le jour. Ces dispositifs devraient donc être renforcés lors de la prochaine réforme de la fiscalité. C'est du moins ce que promettent les officiels marocains.