Quand la musique trouve une belle chambre à Essaouira, cela donne un Printemps des alizés des plus inspirants. La 14e édition pleine de moments forts et riche d'une programmation triée sur le volet, fait du festival de musique classique un rendez-vous unique et savoureusement incontournable. Il fait bon de se balader dans les rues d'Essaouira, avec des airs de grands maitres de la musique de chambre dans la tête. Essaouira accueille toutes les musiques mais a surtout ouvert les bras à la musique classique du 24 au 27 avril. C'est une aubaine pour les amateurs, venus de divers horizons pour côtoyer les virtuoses, une découverte pour les curieux subjugués par la qualité et la rigueur de ce monde. Lors de cette édition, il est important de saluer le travail et la transmission de connaissance des maîtres, qui ont laissé leurs chefs d'œuvre comme le plus bel héritage qui soit ou encore des professeurs, qui ont marqué, encadré, révélé des talents. Une relation vieille de la nuit des temps, qui a aussi vu des élèves dépasser leurs maîtres...C'est donc dans cette ambiance que les festivités ont commencé, ce jeudi 24 avril, avec un exceptionnel concert d'ouverture signé par trois grands musiciens du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, à savoir Claire Désert au piano, Patrice Fontanarosa au violon et Yovan Markovitch au violoncelle à Dar Souiri, pour donner le ton à cette quatorzième édition du Printemps des alizés. Le trio parcourt ainsi le répertoire de Haydn, Beethoven et Brahms avec beaucoup de grâce et de cœur, prédisant ce qu'allaient réserver les jours suivants. «Bienvenue dans ce Maroc de toutes les musiques, ce Maroc de modernité et de diversité que vous ne rencontrez pas souvent dans vos journaux. Soyez donc ses meilleurs ambassadeurs». Tels auront été les premiers mots d'André Azloulay, conseiller du roi et président de l'Association Mogador, pour annoncer le début des festivités. «Essouira veut être le navire amiral des musiques qui le méritent. Tous ces grands que l'on écoute à Dar Souiri donnent un autre sens à la musique, une autre émotion. Le reste du monde sera à l'écoute de nos musiques». Et le reste du monde l'a été pendant 4 jours, en effet. Toutes les nationalités, tous les âges, tous les profils, se donnaient rendez-vous à Dar Souiri, dans la salle comble, pour découvrir le programme du jour. Avec beaucoup de respect, ils ont vu défiler le concert des solistes de l'Orchestre philarmonique du Maroc, souvent fondu dans la masse, que l'on a pu découvrir un à un, nous montrant ainsi l'étendue de leur talent. C'est ainsi que le public souiri a pu confirmer les talents d'Eléonore Guillaume au piano, de Gibril Bennani et Omar Echorfi au violon, Christophe Boney et Anwar Saidi au violoncelle, Abdessamad El Azrak à la flûte, Mohammed Joumaa à la contrebasse et Ayoub Sarhroute au cor, avant que la directrice artistique Dina Bensaid prenne les commandes aux côtés de son père Farid au violon et de leur ami Réné Benedetti au violoncelle, pour une danse macabre mais somptueuse de Chostakovitch. Ce concert en amène un autre, celui des frères Benabdallah, avec Marouan au piano et Yanis à la voix. C'est un moment fraternel des plus savoureux rejoint par un trio familial, avec les sœurs Michel. Aude-Liesse au piano, Gaelle- Anne au violon et Laure-Hélène au violoncelle font voyager dans un tourbillon de Ravel, qui ne laissera personne de marbre. Pendant ce temps la, l'église vibrait aux sons du trio Humana porté par Igor Bouin (baryton), Martial Pauliat (ténor) et Yann Rolland (contreténor) en parallèle au concert de Dar Souiri avec le Quatuor Girard avec Paloma Kouider (piano), Agathe Girard (violon), Odon Girard (alto) et Lucie Girard (violoncelle), pour un voyage du côté des pièces de Schumann et de Brahms. Le vendredi s'achève en beauté à la Salle Omnisport avec le concert du soir, sublimé par l'Orchestre philharmonique du Maroc, avec Claire Désert (piano), Dina Bensaïd (piano), Olivier Holt (direction) et Bruno Membrey (direction) en proposant du Mozart, du Liszt, du Dvorak et des musiques de film. Une mise en bouche des plus satisfaisantes, qui donne le ton à un samedi pour la jeunesse et par la jeunesse avec la matinée jeunes talents où le public a pu découvrir Axelle Fanyo (soprano) et Tokiko Hosoya , Lina Berrada, Nour Ayadiet Maha Fakkour, au piano. Ces révélations ont ému et révèlent que les générations futures ont aussi leur mot à dire. Ce cadeau matinal sera suivi d'un cadeau tout court, avec la belle prestation de la Fondation West-Eastern Divan, dont le quatuor à cordes s'est produit pour la première fois au Maroc avec Michael Barenbaim (violon), Asaf Levy (violon), Sindy Mohamed (alto) et Nassib Ahmadieh (violoncelle). Un pur moment de musique accentué par le concert du soir à la salle omnisport, afin de boucler la thématique de l'année du «maître et l'élève» avec Dina Bensaid (piano), Yovan Markovitch (violoncelle) et Hugues Girard (violon). C'est certain, Essouira s'est encore dépassée et a su se montrer sous son meilleur jour. La ville qui accueille bien la musique en général, peut se féliciter d'avoir un festival unique et authentique, le seul dédié à la musique classique au Maroc, probablement l'un des meilleurs rendez-vous des mélomanes, des belles âmes et des passionnés au monde...