Même si l'équilibre économique et financier du secteur de l'eau potable est «menacé», le gouvernement n'envisage pas une augmentation des prix. Le ministre camerounais de l'Eau et de l'énergie (MINEE) a publié dans la presse, le 29 décembre dernier, un communiqué pour démentir une rumeur persistante faisant état d'un projet de révision à la hausse des tarifs de l'eau potable produite et distribuée par la Camerounaise des eaux (CDE), filiale de l'Office national de l'eau potable (ONEP) du Maroc. Dans ce communiqué, Basile Atangana Kouna martèle qu'«aucun dossier d'augmentation des tarifs de l'eau au Cameroun n'est en cours d'examen au niveau du gouvernement». Dans son communiqué pourtant, le MINEE reconnaît qu'«une révision des tarifs restés bloqués depuis plus d'une quinzaine d'années déjà, pourrait effectivement s'expliquer». En effet, dans un article paru le 23 décembre 2014 dans les colonnes de Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, Basile Atangana Kouna indiquait déjà que «l'équilibre économique et financier du secteur est aujourd'hui menacé». Mais, rassure-t-il dans son communiqué, «le gouvernement qui est soucieux du pouvoir d'achat des populations trouve qu'il est, pour le moment, inopportun d'ouvrir des discussions relativement à une éventuelle restructuration tarifaire de l'eau au Cameroun». Pour autant, l'on sait que les réunions se sont multipliées ces derniers temps entre les différents acteurs intervenant dans le secteur de la production et de la distribution de l'eau potable au Cameroun. La communication du MINEE est d'ailleurs la seule information émanant d'une session du Comité de suivi des contrats d'affermage et de concession du secteur de l'eau potable, qui a eu lieu le 22 décembre 2014 à Yaoundé sous la présidence du ministre lui-même. Selon le Cameroon Tribune, l'ordre du jour de cette réunion comportait, entre autres, l'évaluation des coûts de production des entreprises du secteur ; mais aussi «la situation des impayés de l'administration, idem pour les dettes croisées entre l'Etat, la Camwater (Cameroon water utilities corporation) et la CDE, ou encore le rapport final d'une commission chargée d'apprécier l'impact du surcoût de la convention collective». Cette réunion intervient dans un contexte marqué par la mobilisation d'une organisation de la société civile contre la hausse des tarifs. En effet depuis le début du mois d'octobre 2014, la Ligue camerounaise des consommateurs (LCC), présidée par Delor Magellan Kamseu Kamgaing, a lancé une pétition afin de recueillir le maximum possible de signatures des citoyens s'opposant à une revue à la hausse des prix de l'eau potable. Le plaidoyer de la LCC repose sur le prix actuel de l'eau qui est de 364 FCFA (0,76 dollar) le mètre cube. «Ce qui est déjà très élevé par rapport à la tranche sociale de l'électricité qui est de 100 FCFA (0,2 dollar)». Cette organisation dénonce aussi les frais de coupure qui se chiffrent à 4.590 FCFA (9,18 dollars) et qui sont jugés «exorbitants». Sans oublier les 780 FCFA (1,56 dollar) de frais d'entretien du compteur, «alors que le compteur n'est jamais entretenu». Mais, l'organisation s'insurge surtout contre le faible taux d'accès à l'eau potable. À titre d'exemple, d'après ses propres statistiques, la CDE ne totalise qu'un peu plus de 90.000 abonnés à Douala, ville principale du Cameroun, avec près de 3 millions d'habitants. Dans sa pétition, le leader de la LCC menaçait enfin d'engager une grève de la soif au cas où le gouvernement ne renoncerait pas à son projet au 31 décembre 2014. Le communiqué du MINEE est donc intervenu à temps pour empêcher cette grève de la soif ; même s'il est vrai que le gouvernement n'avait jamais reconnu officiellement l'existence de ce projet de révision du prix de l'eau potable. Laissant à Camwater (société de patrimoine chargée de rechercher les financements et de réaliser les investissements dans le secteur de l'eau) le soin de démentir une information qui court depuis plusieurs mois. Thierry Ekouti, Dir. pub - Le Quotidien de l'Economie (Cameroun) Conditions prohibitives Des efforts considérables et indéniables ont été réalisés ces derniers temps dans le secteur de l'eau potable au Cameroun. À Douala par exemple, le niveau de production a été augmenté de 100.000 m3 il y a à peine deux semaines à la faveur de la fin des travaux d'augmentation des capacités de la station de captage de Yato sur le fleuve Moungo. Dans certains quartiers, des populations dont les robinets n'avaient jamais vu passer de l'eau depuis leur installation ont poussé un ouf de soulagement en voyant couler le précieux liquide. À Yaoundé, ce sont 50.000 m3 supplémentaires qui sont venus s'ajouter à l'offre en avril 2014. Pour autant, il ne faut pas s'attendre à voir s'estomper les plaintes et les critiques à l'endroit du service de l'eau potable au Cameroun. Car, ces réalisations ne représentent en réalité rien à côté de la gravité du problème. En ne considérant que les populations effectivement connectées au réseau, la faiblesse de l'offre par rapport à la demande est telle que dans certains quartiers, l'eau ne coule que pendant quelques minutes par jour. Ailleurs, elle ne coule même pas ; c'est le cas de Yaoundé où des camions citernes sont souvent réquisitionnés pour distribuer de l'eau dans les quartiers. La situation est encore pire si l'on regarde du côté des citoyens ayant accès à l'eau. En effet, la CDE compte à peine 500.000 abonnés dans un pays de plus de 22 millions d'habitants. Les conditions d'abonnement jugées prohibitives y sont pour quelque chose.