La valse des missions économiques espagnoles à destination du Maroc se poursuit de plus belle. «L'engouement pour la destination Maroc en Espagne est incontestable. Tant comme pays attractif pour l'investissement, que comme marché d'exportation et de débouché pour les produits espagnols et aussi pour certains secteurs comme pays fournisseur ou pour la sous-traitance», nous déclare Yassine Khatib, conseiller économique à l'ambassade du Maroc à Madrid. Depuis le début de la crise en Espagne, plusieurs Chambres de commerce et entités affluent en masse à la mission économique marocaine de Madrid en quête d'informations pour venir investir au Maroc. Le label marocain a le vent en poupe sur la péninsule ibérique. «Un pays à la mode», selon Yassine Khatib. Les entrepreneurs espagnols se ruent vers les secteurs où la crise a fait des ravages en Espagne. À commencer par la construction, par qui le malheur est arrivé. «C'est non seulement le secteur de la construction mais toutes les activités annexes qui suivent leur sillage. Au vu des entreprises que nous recevons, nous sentons aussi que l'intérêt reprend du côté du secteur automobile et tout dernièrement une reprise de l'intérêt pour le secteur de la confection et l'habillement», étaye le responsable marocain. Pour faire valoir ses attraits, le Maroc a plus d'une corde à son arc : proximité, réactivité, coût de transport et savoir-faire des entreprises de la confection, sont tous des atouts considérables aux yeux des entrepreneurs espagnols. Mis à part la construction et les travaux publics, le tourisme, l'agriculture ou les énergies renouvelables sont également en ligne de mire. Sur le terrain, Tanger arrive en tête des zones où l'entrepreneur espagnol souhaite fructifier son business. Ce choix est dicté par des raisons de proximité, mais aussi pour toute cette course au développement que connaît la zone avec Tanger-Med et ses zones franches. Toutefois, Casablanca continue de taper dans l'œil de nos voisins entrepreneurs. «Notre effort vise à faire prendre conscience à l'investisseur espagnol que réellement aujourd'hui chaque région de notre géographie offre des opportunités, que ce soit les différents agropoles d'Agadir, de Berkane ou du Gharb, les zones franches qui se créent à Nador, Kénitra ou Laâyoune, le développement touristique à Essaouira ou El Jadida et Saidia ou le développement urbanistique à Fès et Tanger, sans oublier les villes nouvelles et les axes routiers qui désenclavent et rapprochent les distances et les destinations», énumère Khatib. Atouts et avantages Pour vendre au mieux le Maroc, les atouts ne manquent pas. «L'élément sur lequel nous capitalisons auprès de l'entrepreneur espagnol est qu'aujourd'hui chaque pan de notre économie et chaque secteur productif disposent d'un plan de développement qui est autant de feuilles de route qui définissent quels sont les objectifs, les opportunités à saisir et les calendriers de réalisation», affirme le responsable. Les entrepreneurs espagnols se sont familiarisés avec des noms comme Plan Emergence, Envol, Maroc Vert, Plan solaire, Logistique. De plus, ils se sentent rassurés de l'existence de plans sectoriels clairs et ficelés. Pour mieux accompagner les entrepreneurs, Yassine Khatib assure de l'existence d'une palette d'organismes officiels dédiés à l'accompagnement de l'entreprise, comme l'Agence marocaine de développement de l'investissement laquelle a récemment ouvert une représentation à Madrid, en passant par les Centres régionaux d'investissement, sans omettre les diverses Agences et Offices comme, à titre d'exemple, l'Agence de développement agricole ou l'Agence de l'Oriental. «L'entrepreneur espagnol bénéficie en plus de la présence au Maroc d'un grand nombre d'organismes officiels ou privés, tels les organismes de promotion extérieure des régions autonomes, Extenda pour l'Andalousie ou IVEX pour la Communauté de Valence, en plus des Chambres de commerce, bureaux de conseils juridiques ou financiers, de telle façon que de part et d'autre l'entrepreneur puisse bénéficier d'informations et d'accompagnement essentiels à une conduite saine et sans risques de ses affaires». Opportunités pour les entrepreneurs nationaux À en croire le conseiller économique, cet enthousiasme pour faire des affaires au Maroc de la part des Espagnols peut aussi créer de véritables opportunités pour leurs homologues marocains. «Si du point de vue juridique l'investisseur étranger a toute la latitude de détenir 100% du capital de la société qu'il entend créer au Maroc, il est vrai que beaucoup d'entrepreneurs envisagent une association avec des partenaires locaux», assure Khatib. De fait, un certain nombre d'investisseurs espagnols voient le Maroc non seulement comme attractif en soi mais aussi comme plateforme de production pour l'extérieur et ce filon pourrait être mieux exploité, faisant valoir les accords de libre-échange que le Maroc a signés ou la pénétration de certains secteurs marocains dans la région subsaharienne. «La perception que nous avons aujourd'hui et que nous essayons de partager avec nos interlocuteurs espagnols est que l'entrepreneur marocain est aujourd'hui assez mûr et confiant en ses propres capacités et en l'attractivité du Maroc, pour se positionner sur une proposition win-win dans laquelle chaque partenaire apporte à cette joint-venture une valeur ajoutée pour construire ensemble un projet qui va tenir la route», souligne le responsable marocain. Dernier exemple en date, le projet Ditema, lancé à l'origine par un groupement d'entreprises de Grenade. Cette association de plus d'une centaine d'entreprises andalouses pour créer une petite ville industrielle à proximité de Settat est, selon le conseiller économique, le fruit d'un travail de plus de 2 ans qui a coïncidé avec un contexte difficile, mais qui drainera à coup sûr plus d'investissement. Partenariat win win Lors d'une rencontre avec la presse européenne, le ministre du Commerce et de l'industrie, Ahmed Réda Chami, a révélé que 800 PME espagnoles opèrent au Maroc. Chami a souligné que ce chiffre connaîtra un trend haussier de plus de 20% en 2015 et ce, dans les secteurs de l'automobile, la céramique et le textile. D'après Yassin Khatib, cette présence espagnole dans notre tissu économique peut générer plusieurs avantages et tirer notre économie vers le haut. L'un des apports clés de l'entrepreneuriat espagnol à l'expérience marocaine est cette capacité qu'ont eue les PME espagnoles à évoluer, passant d'une petite entreprise ou une entreprise familiale à de grandes firmes modernes, occupants, dans certains cas, des places de leader dans leur secteur. La présence espagnole dans notre économie peut aussi être un moteur pour certaines entreprises désireuses de s'associer avec des entreprises et des secteurs qui ont fait de l'Espagne un leader mondial, dans des secteurs de grande importance comme celui des énergies renouvelables, le tourisme, l'agroalimentaire et même les technologies liées à la santé. En outre, souligne Khatib, l'entrepreneur espagnol, en dépit de sa taille, est connu par sa capacité à travailler avec d'autres entrepreneurs, pour se mobiliser et faire du lobbying et dont les retombées ne peuvent qu'être positives pour le secteur ou la région. «C'est le cas d'une coopérative de producteurs de fruits et légumes d'Almeria, devenu un acteur incontournable au niveau européen. À l'origine de cette coopérative de petits producteurs avec des superficies réduites dans une des régions les plus arides d'Europe qui ont compris l'intérêt à travailler de concert, à s'allier, à faire du lobbying et qui aujourd'hui sont un acteur clé dans les fruits et légumes», déclare le responsable marocain.