Dans une intervention remarquée aux Réunions annuelles de haut niveau des autorités et institutions financières arabes, qui se sont tenues samedi 29 avril à Rabat, la ministre des Finances a mis en avant la centralité de la question du financement dans la réussite de la transition verte. Une série de recommandations en la matière ont été émises par la ministre. «Des stratégies ambitieuses pour faire face au changement climatique nécessitent des investissements importants», a affirmé l'argentière du Royaume, devant un parterre de ministres et responsables des autorités monétaires des pays arabes, venus dans la capitale discutée des défis de la finance climat, sous l'égide de la Banque mondiale et du FMI. La ministre a d'emblée rappelé que ce sujet a été au cœur des initiatives de développement durable au niveau international, où des initiatives majeures ont été prises principalement dans le volet climat, telles que la mise en place du Fonds vert pour le climat, le développement de la taxe carbone, etc. «Pourtant, ces initiatives restent insuffisantes pour relever les défis actuels», a-t-elle déploré. Pour Nadia Fettah, «la question du financement climatique est centrale et l'une des contraintes les plus importantes auxquelles plusieurs pays sont confrontés, dont le Maroc». Citant un rapport de la Banque mondiale, elle a estimé que l'investissement total nécessaire pour mettre le Maroc sur une voie à faible émission de carbone et résiliente atteindra environ 78 milliards de dollars d'ici 2050. Par conséquent, l'adéquation du secteur financier est donc «un levier crucial pour la réussite de la transition verte en mobilisant efficacement l'épargne et en l'orientant efficacement vers des activités respectueuses du climat». Pour qu'une telle démarche puisse aboutir, des prérequis sont nécessaires. Nadia Fettah en a cité trois. Le premier concerne la prise en compte des risques climatiques sur la stabilité financière, ainsi que des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui affectent directement ou indirectement la performance des portefeuilles d'investissement. Le deuxième porte sur le développement des mécanismes de financement innovants pour les projets verts, ainsi que le développement des partenariats entre les secteurs public et privé «comme un moyen prometteur pouvant offrir des solutions pratiques compte tenu des contraintes actuelles sur le budget public». La ministre a cité en troisième lieu la nécessité de développer une vision intégrée et globale qui concerne le secteur financier avec toutes ses composantes pour répondre aux besoins des acteurs économiques dans la transition vers l'économie verte. Il s'agit aussi de mettre en place des incitations pour renforcer le rôle du secteur privé dans ce domaine. Refonte de la feuille de route du secteur financier marocain Conscient de cette nécessité, le Maroc avait pris les devants, lors de la COP22, en élaborant une feuille de route visant à aligner le secteur financier, dans toutes ses composantes, sur les enjeux du développement durable, a rappelé la ministre. Cette feuille de route décrit les actions et les engagements des différents acteurs du secteur financier, pour soutenir le rôle du secteur dans les projets d'atténuation et d'adaptation au changement climatique. «Il y a une volonté de revoir cette carte à la lumière des développements rapides dans ce domaine», a révélé Nadia Fettah. L'argentière du Royaume a par ailleurs posé le problème de l'accès au financement concessionnels pour les pays: «Au niveau international, étant donné que les ressources financières locales seules ne pourront pas remplir les engagements pris en matière de mise en œuvre de projets d'atténuation ou d'adaptation, l'appui financier international et la mobilisation de financements concessionnels permanents revêtent une grande importance. Ici se pose le problème de l'accès à ces financements, et la nécessité de développer des mécanismes plus souples, ainsi que le renforcement des capacités dans les domaines financier, réglementaire, institutionnel, de suivi et d'évaluation pour permettre l'accès à ces fonds». Nadia Fettah, a soulevé, enfin, la question du marché du carbone. Ce dernier peut, selon elle, jouer un rôle important dans la réalisation d'une transformation durable et motiver divers acteurs», en particulier dans les secteurs de l'industrie et de l'énergie, à réduire les émissions. Ce marché offre plusieurs avantages, a-t-elle affirmé, «dont la génération de revenus ou de revenus supplémentaires pour les entreprises qui contribuent à la réduction des émissions». Cependant, a-t-elle conclu, pour assurer le succès de ce mécanisme, les conditions nécessaires doivent être réunies en ce qui concerne l'infrastructure et la structure de ce marché, ainsi que les ressources humaines qui en assureront la gestion.