Le numéro deux du PSU mène la bataille dans la «circonscription de la mort» : Rabat-Océan. Des poids lourds pour adversaires, un budget très serré, Sassi joue sur son appartenance au quartier. Dimanche 26 août, 11h. Branle-bas de combat au siège du PSU (Parti socialiste unifié) à Rabat. Remporter la «circonscription de la mort» (Rabat-Océan) ne va pas être facile pour le candidat Mohamed Sassi : en face de lui se trouvent des candidats rodés au processus électoral. Cela étant, Najib Akesbi, n°2 de la liste, tempère : «Je suis confiant. Le PJD que nous redoutions a choisi un candidat autre que celui plébiscité par sa base, l'USFP a procédé à un changement de candidat à la dernière minute et l'image du MP est brouillée. Je pense que nous aurons au moins assez de voix pour faire passer la tête de liste.» Dans l'appartement qui fait office de QG de campagne, les militants sont fébriles. Ce deuxième jour est déterminant car la campagne ne comprend que deux week-ends où les partis peuvent toucher le maximum de citoyens. De plus, une équipe de télévision est attendue aujourd'hui. Sur le terrain, le programme de la journée se résume à une seule action : distribuer des tracts. Une première équipe va se diriger vers un souk et fera les cafés et les grandes surfaces, tandis qu'une deuxième organisera une marche sur les grands boulevards du quartier Agdal. «Lors de cette première phase, notre objectif est de faire circuler l'information. Il faut que, dans les deux jours qui viennent, notre liste soit connue de tous», explique M. Sassi. Le reste de la campagne sera consacré au porte-à-porte, en petits comités. Pour y arriver, l'équipe s'est scindée en trois groupes. Le premier opère à Yacoub El Mansour, où se concentrent les deux tiers de la population votante, le second à Rabat-Agdal et le dernier au quartier l'Océan. 13 heures. L'équipe de télévision est enfin là. M. Sassi adresse ses directives aux militants, non sans encouragements : «Nous progressons vers la victoire. Mais soyez très prudents. Si vous croisez d'autres candidats, cédez-leur la place. Soyez courtois envers les citoyens, n'insistez pas si quelqu'un déchire les tracts ou vous insulte. Gardez votre sang-froid, quoi qu'il arrive». Les jeunes désabusés et agressifs Après cette mise au point, direction Souk Laghzel, le très fréquenté marché aux puces de la capitale, dans le quartier Yacoub Al Mansour. Postés à l'entrée du souk, les militants distribuent les tracts et engagent parfois la discussion avec les citoyens. «Votez pour nous. Vous connaissez Mohamed Sassi ? Il est du quartier, c'est un oueld douar, comme nous tous», tentent de convaincre les militants. Ici, Sassi joue la carte de la notoriété locale, même s'il martèle que sa campagne n'est pas personnalisée. «Il est vrai que dans les quartiers les plus populaires, nous sommes obligés d'avoir recours à ce type d'arguments, mais jamais aux dépens de notre programme. Si je peux faire passer les idéaux de notre parti grâce à ma popularité, c'est tant mieux», avoue-t-il. D'autant plus que Yacoub El Mansour est le quartier natal de Mohamed Sassi, où il jouit d'une côte de popularité certaine. La réceptivité des citoyens varie selon leur âge et le quartier où ils habitent. De l'aveu des militants, les habitants de l'Agdal, de Hay Ryad et des quartiers moyens sont réceptifs, tandis que ceux des quartiers pauvres et les jeunes le sont beaucoup moins. Si la pauvreté et le faible niveau d'instruction expliquent la réaction des habitants des quartiers populaires, qu'en est-il des jeunes ? «Ils ont des préjugés sur tous les partis politiques parce qu'ils ont une mauvaise image de l'homme politique marocain. Ont-ils tort ? J'ai bien peur que non. Les jeunes sont désabusés à cause de l'opportunisme, des promesses en l'air (éradication du chômage, par exemple), du clientélisme, etc.», analyse M. Sassi. Et, parfois, ils deviennent même agressifs, comme le confie un militant : «Hier, c'était le premier jour de campagne, des jeunes m'ont insulté et jeté les tracts à la figure». Un budget de 200 000 DH ! Le reste de la population se partage entre sceptiques (très nombreux) et personnes acquises à la cause du PSU – peu nombreuses. Dans le lot, un certain nombre sont des déçus de l'USFP ; si cela peut jouer en sa faveur, cela peut parfois être un handicap. Pour preuve, le témoignage de ce militant qui assure s'être fait rabrouer par un citoyen à la vue du mot «socialiste» sur le tract ! 15 heures. Les militants font une pause déjeuner. «Ils se prennent totalement en charge. Nous ne les payons pas 100 ou 200 dirhams comme le font certains partis. C'est contraire à nos principes», assure Fatim-Zahra Chafiîi, responsable du budget. Une question de principe, donc, mais également de moyens. Le compte bancaire destiné à financer la campagne contient à peine 108 844,75 DH. On table sur quelques promesses de dons pour atteindre 200 000 DH mais c'est tout. Un budget très faible qui pénalise énormément la campagne de M. Sassi, selon les dires de sa trésorière. Pour boucler le financement, tous les moyens sont bons : le candidat aurait même proposé de vendre sa voiture. Mais, en attendant, il faudra se serrer la ceinture: les tracts sont distribués avec parcimonie, les militants ont acheté des téléphones portables à 75 DH et profitent d'une offre de gratuité des communications. On leur propose même de payer le tee-shirt portant le logo du parti qu'ils utilisent pour la campagne. 17 heures. L'équipe se retrouve au QG du parti. Avec leurs tracts, les militants se dirigent vers les grandes surfaces. M. Sassi a prévu de rencontrer quelques sympathisants qui jouissent de la confiance de leurs voisins et qui pourraient les convaincre. Ses arguments pour les séduire ? Sa réputation avant tout. En chemin, il s'arrête pour s'enquérir du travail des militants et s'entretenir avec les citoyens qui ont demandé à le rencontrer. 21h10. Tout le monde se retrouve au siège du parti pour la séance de débriefing. Au menu, un récapitulatif des activités menées la journée et quelques propositions pour rendre la campagne plus efficace. Le lendemain sera consacré encore une fois à la distribution des tracts, puis viendra l'étape du porte-à-porte. C'est encore la phase tranquille de la campagne, nous dit-on au QG. A compter du 27 août, les actions vont s'intensifier.