Malgré ses nombreuses lacunes, l'université publique continue d'attirer le gros des étudiants. Hormis ceux qui y atterrissent par manque de choix, de plus en plus de personnes l'intègrent volontairement. Et pour cause, l'offre de formation s'enrichit et la qualité du corps professoral s'améliore progressivement. Avec la multiplication des écoles supérieurs et des universités privées et compte tenu de l'image assez négative que traine l'université publique, l'on peut être tenté de croire que cette dernière n'a plus la cote auprès des étudiants. Sauf qu'entre la perception et la réalité, il y a un grand gap. En effet, l'enseignement supérieur privé ne regroupe qu'une infime partie de l'effectif global des étudiants du cycle supérieur. Chiffres à l'appui, Abdellatif Komat, doyen de la Faculté Hassan II et ex-président de l'Université Hassan II, assure que seulement 5% des étudiants suivent une formation dans les entités privées. Et cette part est en quasi-stagnation depuis une vingtaine d'années. «Ce secteur est encore très loin d'atteindre le poids de 20% prévu par l'Etat au début des années 2000». Il est vrai que l'université publique est depuis longtemps considérée comme une fabrique à chômeurs. Il n'en demeure pas moins qu'elle continue à attirer la majorité des étudiants qui, par choix ou par manque de choix, s'orientent vers cette institution. Il faut dire aussi que l'offre de formation s'est tellement diversifiée et spécialisée qu'actuellement, l'université publique offre des cursus qui n'existent nulle part ailleurs. «Allusion faite à la criminalité financière et à toutes les thématiques liées aux risques financiers», détaille M.Komat. Cela, à côté d'une formation riche et en adéquation avec les besoins de l'entreprise, comme l'actuariat, l'audit et le contrôle de gestion, le droit de l'environnement, le droit des affaires... Ces conditions font même que certains étudiants abandonnent l'enseignement privé pour trouver refuge chez son concurrent, le public. D'autant que même le corps professoral a évolué. «Aujourd'hui, l'université publique et surtout la faculté publique n'est plus un établissement renfermé sur lui-même. Plusieurs intervenants qui font partie du monde professionnel interviennent chez nous comme enseignants». Ce qui permet, d'une part, de jauger le niveau des étudiants et, d'autre part, de les rapprocher du monde professionnel. Autre élément de taille qui permet d'affirmer que l'enseignement public attire toujours, c'est bien le taux d'insertion des étudiants dans le monde professionnel. Tous les établissements composant l'écosystème d'une université publique ne disposent certes pas d'un taux d'employabilité élevé, mais il n'en demeure pas moins qu'il peut dépasser 95% dans des entités comme l'ENCG, l'ENSEM, l'EHTP, l'Ecole Mohammadia des ingénieurs... Les facultés de médecine, la FST..., elles, affichent un taux d'insertion appréciable. En revanche, les entités qui éprouvent encore des problèmes sont les facultés de droit, de lettres et de sciences. «Ce qui est un peu normal, puisque ce sont des facultés à accès ouvert et nous ne pouvons prétendre à l'excellence avec un effectif d'étudiants assez élevé», exlique M. Komat. Et même dans ces établissements à accès ouvert, des disparités existent, puisque les étudiants qui figurent dans les listes d'excellence du droit français sont recrutés avant même leur diplomation. Par contre, le droit en langue arabe n'offre pas beaucoup de perspectives. [tabs][tab title ="Le taux de réussite aux examens de licence est de 40%"]L'université publique souffre de plusieurs lacunes dont le manque de moyens financiers et humains. Selon Driss Frej, ex vice doyen de la faculté Mohamed V de Rabat et professeur de l'enseignement supérieur, «la faculté est considérée comme un refuge des enseignants pour s'assurer un salaire fixe. Ce qui dégrade la qualité de l'enseignement dispensé». Il faut donc doter l'université de plus de moyens, augmenter le taux d'encadrement des étudiants et renforcer son autonomie. Ceci afin de régler le problème de la déperdition et améliorer le rendement interne, car il faut savoir que «le taux de déperdition se situe entre 25% à 30% la 1ère année. En revanche, le taux de réussite des étudiants au bout des 3 années de licence s'établit en moyenne à 40%» détaille M. Komat. Par ailleurs, le système LMD tant critiqué n'est pas aussi catastrophique que cela. En fait, il a fait ses preuves dans certaines conditions et moins dans d'autres. En effet, «il est adapté aux facultés des sciences du fait de l'effectif réduit des étudiants et du taux d'encadrement élevé, mais moins dans les filières juridiques, économiques et sociales», explique M. frej, car le système modulaire repose sur des évaluations et des contrôles continus qui font perdre beaucoup de temps aux étudiants. [/tab][/tabs]