Le nouvel Observateur a eu accès à des sources proches du palais pour mener son enquête sur Mohammed VI. Pas tendre pour la monarchie et pour les élites du pays. Extraits. (Les intertitres sont de la rédaction de Lakome) Mohammed VI et son image …En Occident il incarne la modernité et l'ouverture. Mais dans son royaume, il est l'objet d'une étrange vénération. « Faire un portrait du roi, vous n'y pensez pas! C'est impossible. Le rencontrer ? Il serait plus facile de rencontrer Dieu.. » s'exclame un diplomate proche du palais .. ..Mohammed VI et C'était le jour le plus important de son règne. Mais, comme souvent, il donnait l'impression de vouloir être ailleurs…Ce soir là, vers 20 heures, le commandeur des croyants s'engage à limiter ses pouvoirs et à instaurer une monarchie parlementaire. Un discours historique. Mais le roi avale péniblement sa salive et se lance dans une récitation fastidieuse des articles de loi, les yeux rivés sur ses papiers… ..Comme le seigneur des ténèbres dans « Harry Potter », Mohammed VI est celui dont on ose à peine prononcer le nom.. Mohammed VI, Hassan II et Moulay Hicham ..Pour le former au métier de roi, Hassan II a appliqué les méthodes héritées de son père Mohammed V…Mais Hassan II y a ajouté une dose de cruauté. Il convoque son fils à cinq heures du matin pour le sermonner, l'humilie publiquement... …C'est cette violence exercée par le père à la fois haï et admiré, qui a façonné le futur roi et son rapport au pouvoir. « Comme si Hassan II avait voulu faire payer à son fils le fait qu'un jour il allait lui succéder », explique un proche. La perversité du monarque est inépuisable. Ainsi il laisse entendre au prince héritier qu'il pourrait bien céder le trône à son cousin, le prince Moulay Hicham.... Dans cette rivalité d'enfance vont naître les prémices d'une dissidence d'autant plus nocive pour le futur roi qu'elle vient du cercle le plus intime du palais. Plus tard Moulay Hicham qui appelle de ses vœux une réforme de la monarchie, ne ménagera pas ses critiques contre Mohammed VI… Les pièges du Pouvoir et les mœurs du Makhzen …M6 rattrapé par le fantôme d'Hassan II. Les lourdeurs de la monarchie et d'une courtisanerie d'un autre âge. Comment résister lorsque vos anciens amis se prosternent devant vous, que vous vivez dans un monde où l'on dore à l'or fin les sabots de vos chevaux et que vous pouvez d'un froncement de sourcils décider des fortunes ou du malheur de vos sujets ?.. …« Mais le pire, c'est quand vous n'êtes même pas congédié. Vous l'apercevez encore, mais lui ne vous voit plus. Vous faites anti-chambre en vous gavant de clubs-sandwichs au homard, vous prenez du poids, malheureux en espérant regagner ses faveurs. Cela peut durer des mois » un membre du sérail qui a fait les frais des bouderies royales. Ces disgraciés, on les croise, mal peignés, presque en deuil, dans les salons de la haute bougeoisie marocaine. Il y a même une série de noms pour désigner leur triste condition : Le Moharem, le roi ne le voit plus ; le Penek, il ne lui parle plus…les bannis sont privés de fêtes nomades et de voyages officiels… Le roi et l'argent …Le roi des pauvres qui voulait pourtant rompre avec les habitudes de son père grand amateur de bijoux et de Rolls, ne cache désormais plus ses goûts de luxe. Il a ses habitudes dans les boutiques de la rue Saint Honoré à Paris et de Madison Avenue à New York... …Sa dernière folie ? La construction du magnifique hôtel Royal Mansour à Marrakech, qu'il a supervisée lui-même jusqu'aux plus infimes détails. Les suites les plus luxueuses, vitrines des chefs-d'œuvre de l'artisanat marocain, abritent souvent la famille royale et sont facturées plusieurs dizaines de milliers d'euros la nuit… ...« Hassan II se servait de son argent pour consolider son pouvoir, M6 maximise ses richesses, il est de son temps » selon un grand banquier marocain... ...Selon les calculs de Forbes, l'entretien et la maintenance des palais royaux coûteraient 1 million de dollars par jour... Mohammed VI et la bourgeoisie marocaine ..Cette captation des richesses par le palais a exaspéré « le makhzen économique », autrement dit la grande bourgeoisie marocaine. L'un de ses représentants enrage : « Les nouveaux conseillers bling-bling du roi ont pété les plombs. Nous au moins, nous avons l'argent discret. Un peu comme la bourgeoisie lyonnaise, si vous voulez. Et ils nous ont fait honte. ». ...Pour l'instant, "son peuple" lui a fait la politesse de croire que seuls ses deux conseillers (Majifi, El Himma) étaient responsables des maux dont souffre le Maroc. Jusqu'à quand? Et l'Homme d'affaires de la vieille école de paraphraser Giuseppe Tomasi, qui décrit dans "le guépard" une Sicile aux prises avec les tourments de la révolution: « Aujourd'hui, au Maroc, pour que rien ne change, ce que nous voulons tous, il faut que tout change. La constitution, mais surtout la redistribution des richesses »…