S'incrivant dans la logique du nouveau concept d'autorité de SM le Roi, de la régionalisation, de la déconcentration et de la décentralisation, Kerdoudi Kolali Chawki expose sa vision sur les actions à entreprendre afin de développer la région de Rabat-Salé Zemmour-Zaer. Profitant du congrès régional des force citoyennes, l'ancien vice-président de la BAD, ancien directeur central de la BNDE et Fellow de l'IDE à Washington, passe en revue l'ensemble des secteurs en donnant un avis de l'expert et du consultant qu'il est. Pour mettre en valeur lesdites orientations dans la réalité de notre région, nous allons nous attacher dans notre exposé à résumer les spécificités de notre région avant de présenter quelques recommandations et selon les différents secteurs. La région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer est urbanisée à 84 % environ ; selon les projections démographiques on y dénombre en 2002, 2.011.000 urbains pour 378.000 ruraux dont 84 % habitent la province de Khémisset. C'est donc une région du Maroc où la part de la population rurale régionale (l5,8) est inférieure à la moyenne nationale (49 %), ce qui ne veut pas dire qu'il faille négliger l'agriculture au niveau régional et dans la province de Khémisset en particulier. La production agricole n'est plus tributaire des superficies agricoles utiles comme dans le temps, elle est devenue beaucoup plus capitalistique, utilisant des techniques de pointe et des ressources humaines très diverses et très compétentes ouvrant des possibilités aux générations d'agronomes formés heureusement dans nos instituts nationaux. L'intensification de l'investissement privé dans cette agriculture de pointe pourra ouvrir de nouvelles perspectives aux spécialistes agricoles et écarter le spectre du chômage des diplômés nationaux ou de leur expatriation. Si les marchés à l'exportation des produits agricoles classiques du Maroc connaissent des difficultés, l'objectif de l'autosatisfaction des besoins nationaux et de la sécurité alimentaire du pays en viandes, lait, céréales et oléagineux doit pouvoir orienter la politique agricole à appliquer. La population rurale de la région doit pouvoir lutter, grâce à cette politique contre le sous-emploi et continuer à résider dans les campagnes en bénéficiant de l'eau potable, de l'électricité, de l'école, des services de santé et de tous les autres bienfaits qu'ils viennent chercher dans les villes grossissant les bidonvilles autour des villes. Le secteur primaire L'agriculture La surface agricole utile est de 528.900 ha dont 92% sont des terres bour. Les zones irriguées (2,2 % de la SAU régionale)dont les 2/3 soit 6.000 ha sont localisés à Salé et Skhirat-Témara et le reste dans la province de Khémisset (3.800 ha). La partie réservée à la céréaliculture dans la région est importante puisqu'elle couvre une superficie de 250.000 ha. Les cultures légumineuses concernent une étendue de 25.500 ha dont la production annuelle est de 114.000 qx. La superficie réservée aux cultures oléagineuses, concentrée dans sa totalité à Khémisset ne dépasse guère les 1.800 ha. Les cultures maraîchères occupent 3.600 ha principalement à Témara. L'utilisation de cultures modernes et des techniques culturales nouvelles à Rabat-Salé, a permis d'avoir de bons rendements, surtout avec la pratique des cultures sous-serres. La part de l'arboriculture (22.900 ha) est relativement importante. La diversification fruitière dans la zone a vu l'entrée de l'avocat, de l'ananas, de la banane, de la fraise, des goyaves, des annoniers et d'autres variétés. La structure foncière diverse et complexe est la principale contrainte au développement agricole. Les terres melk avec une superficie d'environ 408.733 ha sont les plus importantes et sont menacées par la faiblesse des rendements due à l'extrême parcellisation causée par le partage des terres entre les héritiers (rendement moyen de 11,2 qx/ha de céréales entre 1992 et 1997 ). Les terres de l'Etat et collectives qui ont une superficie respectivement de 45.082 ha et 21.912 ha, connaissent de sérieux problèmes de gestion. Pour une agriculture qui sauvegarde la fertilité des terres, il est recommandé de généraliser les bonnes techniques et les moyens modernes pour améliorer les productions et les rendements. En matière d'utilisation d'engrais de fonds et de couverture, il est recommandé de respecter les normes et les besoins réels des terres exploitées. Il est également recommandé que l'Etat se désengage de l'exploitation directe des terres et ceci en faveur des lauréats des écoles d'agriculture qui présentent les meilleurs projets de développement et de les encourager par des financements adéquats. Des possibilités existent au niveau de la diversification des cultures fruitières, maraîchères et des élevages comme elles existent pour les gibiers, la pisciculture, et les cultures biologiques. Les Marocains ne manquent pas d'audace quand ils lancent dans la région l'élevage d'autruches ! L'élevage La région a un cheptel de 630.900 têtes de mouton, 168.800 têtes de bovins et 123.200 têtes de caprins. Il est estimé que le 1/3 des besoins fourragers de ce cheptel est procuré par la forêt C'est une des causes de sa grave dégradation qui appelle à une production accrue des fourrages à l'échelle de l'exploitation comme les choux fourragers déjà recommandée par le projet Sebou, FAO en 1970, appel resté hélas sans réponse. L'aviculture Dans la préfecture de Skhirat-Témara le secteur de l'aviculture par son dynamisme a pris de l'importance grâce à la création d'une trentaine d'unités, générant une production de l'ordre de 60 millions de têtes, soit 35 % de la production nationale. Ce secteur qui a transformé l'économie de la région se doit d'être encouragé sur le plan fiscal étant un secteur d'élevage et d'agriculture et sur le plan du coût de l'aliment pour volaille, notamment en diminuant les droits de douane à l'importation du maïs, ceci afin de mettre à disposition de la population des protéines animales bon marché tant au niveau de la chair que de l'œuf. La forêt La région se confirme comme étant à vocation forestière puisque la forêt occupe 26% de la superficie totale régionale, dont 87% sont situés dans la province de Khémisset (219.000 ha). Les recettes tirées de cette production forestière dans la région sont importantes dont plus des 2/3 sont assurés par la province de Khémisset. En effet celles-ci procurent plus de 25% des recettes fournies par les produits forestiers au niveau national. Cette forêt qui constitue le poumon de la population et notamment urbaine (les 2/3 de la population de la région sont concentrés à Rabat-Salé) court un grave danger de destruction à cause du surpâturage, des incendies, des prélèvements de sol arable, des prélèvements de bois de chauffe et du développent en son sein des dépôts d'ordures ménagères. Il est recommandé de prendre d'une manière urgente toutes les mesures pour sauver la Mamora en développant des activités économiques en faveur des populations rurales vivant dans sa proximité (aviculture, unités d'aliments pour le bétail, développement des cultures fourragères, apiculture, artisanat rural, tourisme équestre, repeuplement des réserves de chasse grâce au développement des élevages de gibier etc .... ) Il est recommandé, dans le cadre de la protection de l'écosystème régional, de multiplier les efforts pour permettre l'assainissement du milieu naturel. C'est une condition sine qua non d'une importance incontestable pour permettre la préservation de l'environnement et du patrimoine naturel. Il est instamment recommandé de multiplier les projets de reboisement, de lutter contre la dégradation des sols et de protéger et de contrôler les zones de parcours. Ce sont autant d'éléments incitatifs pour permettre la régénération des groupements végétaux d'une part et l'alimentation du bétail en produits fourragers d'autre part. Le secteur secondaire Avec 25,2 % le secteur secondaire occupe, après celui du tertiaire, la 2ème place dans l'activité économique régionale. L'industrie Le nombre des établissements opérant dans la région est de 486 unités en 2000 (dont 61 de grande taille)en régression de 7 % comparativement à 1999. Ce qui souligne la gravité de la situation du secteur car au lieu de s'accroître il régresse ! Malgré cela les performances réalisées sont malgré tout positives. En effet la production réalisée s'est élevée à plus de 8,1 milliards de DH soit 5 % de la production industrielle nationale, enregistrant malgré tout une croissance de 1 % par rapport à 1999. Les secteurs qui ont atteint les taux de croissance les plus élevés de production sont le secteur chimique et parachimique (8%), le secteur mécanique et métallurgique (11 %). Quant au secteur électrique et électronique, il a enregistré une baisse importante de 13 %. Les branches qui ont le poids le plus important dans la production de la région sont les industries de la confection (branche 14) et les autres industries agroalimentaires (branche 11) avec respectivement 17 % et 15 %, les produits de l'industrie alimentaire (branche 10) et les produits issus de minéraux (branche 18) avec 14% chacune. Le chiffre d'affaires des entreprises s'est établi en 2000 à plus de 9 milliards de DH, enregistrant une hausse de 2 %. A part le secteur chimique et parachimique et le secteur textile et cuir qui ont enregistré une hausse de 8 % et 2 %, les autres secteurs ont enregistré des baisses de 2% pour le secteur agroalimentaire, de 3 % pour le secteur mécanique et métallurgique et de 19 % pour le secteur électrique et électronique. Les exportations réalisées par les établissements de la région sont évaluées à près de 3 milliards de DH (7 % des exportations totales) enregistrant une hausse importante de 36 %. Cette hausse est attribuée principalement aux secteurs textile et cuir et chimique et parachimique. Ces deux secteurs qui représentent 67 % et 32 % des exportations de la région, ont réalisé des hausses de 4 % et 240 %. 74 % des exportations sont réalisées uniquement par la branche confection et la branche papier et carton. Quant à l'investissement, il a connu une hausse remarquable de 341 %. Elle est attribuée principalement aux secteurs agroalimentaire, chimique et parachimique, textile et cuir et mécanique et métallurgique qui ont progressé de 92 %, 32 %, 11 % et 10 %. Le secteur électrique et électronique a enregistré une régression importante de 58 %. 77 % de ce montant d'investissement ont été réalisés par la branche des produits issus de minéraux (3 1 %), la branche boisson et tabac (l7 %), la branche de confection (16 %) et la branche des produits de la chimie et parachimie (13 %). La part du PIB industriel revenant à la région est de 5 %, soit une valeur de 3 milliards de DH en hausse de 7 %. Les secteurs les plus créateurs de richesse sont le textile et cuir (36 %) et le chimique et parachimique (42 %). Le chimique et parachimique a enregistré la plus forte hausse de la valeur ajoutée avec 23 % suivi du textile et cuir avec 6 %. L'emploi de près de 42.000 personnes a régressé de 5 %. Ce nombre a évolué de 5 % dans l'agroalimentaire et de 2 % dans l'électrique et électronique, alors qu'il a régressé de 8% dans le textile et cuir et de 4% dans le secteur chimique et parachimique. Pour permettre au secteur de l'industrie d'investir et de créer des emplois, il est instamment recommandé de lui créer un cadre plus incitatif qu'il n'est actuellement tant sur le plan fiscal que sur le plan des relations entreprises-salariés par l'adoption de la réforme du code du travail et de la réglementation du droit de grève que sur le plan de l'aménagement des coûts des facteurs de production. Les procédures administratives à la création de l'entreprise restent très contraignantes décourageant les meilleures volontés. L'aménagement de zones industrielles demeure vital. Au niveau de la Préfecture de Rabat les lots des zones industrielles Vita, Douar Doum (Bouregreg), Fadila sont tous attribués. Idem pour les Préfectures de Salé Médina et Sala Al Jadida au niveau des Z.I. de Tabriquet, Z.I. Hay Rahma, Z.I. Azzahra ; Idem pour la Préfecture de Témara-Skhirat, la Z.I. de Attasni. Par ailleurs l'entreprise citoyenne se doit de se préoccuper de la formation de ses salariés et en particulier de la formation continue. Elle se doit de se préoccuper de sa mise à niveau en vue de l'échéance 2010 en comptant avant tout sur elle-même, sur ses cadres et de ne pas attendre que ce soit fait avec l'aide de l'union européenne car elle risque d'être surprise, de disparaître à l'échéance, remplacée par une unité technologiquement plus avancée, suivant des principes de gouvernance plus moderne et plus efficiente. L'artisanat L'artisanat est l'un des secteurs piliers de l'économie régionale par sa contribution à l'emploi, aux exportations et à l'investissement privé. Les exportations depuis Rabat-Salé ont réalisé des recettes de près de 204 millions de DH, plaçant la Wilaya au premier rang au niveau national du produit artisanal exporté. La surface des tapis estampillés en 1997 étant de 178.500 m2. Ce secteur est en déclin depuis 1995 et cela revient principalement à la concurrence des tapis industriels à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Le secteur de l'artisanat se doit d'être encouragé d'une manière particulière en le faisant bénéficier de crédits à taux bonifié, en veillant à faire respecter des normes de qualité et de prix. Le tourisme Bien que la région ne dispose pas de possibilités de secteur touristique de la même grandeur que celles offertes par Marrakech et Agadir, elle bénéficie tout de même de nombreux éléments attractifs se rapportant à sa position géographique, son patrimoine historique et culturel, mais aussi au rôle que joue la capitale en tant que pôle administratif pour l'hôtellerie d'affaires. En effet, la capacité hôtelière (toutes catégories confondues) est au nombre de 91 hôtels, représentant 5,8 % du total national. Sur le plan des nuitées, on remarque que la part de la région au niveau national, est non négligeable puisqu'elle représente 5 % du total national ; Au niveau intra-régional, la Willaya de Rabat-Salé accapare la quasi-totalité, avec 99 % contre 1 % pour la province de Khémisset selon l'année 1997.Le tourisme au niveau de la Willaya de Rabat-Salé génère 15. 100 emplois (soit 6 % en termes relatifs par rapport au niveau national.) La région comprend plusieurs sites d'intérêts biologiques et écologiques (SIBE) qui présentent une biodiversité importante à savoir la Mamora, El Harcha, Kharrouba, Oued Korifla et Tisli qui méritent que des mesures de conservation soient prises en leur faveur et leurs soient appliquées La région dispose également d'un patrimoine historique riche et varié, comprenant 128 monuments et sites inventoriés. Les plus célèbres parmi eux : à Rabat la Kasba de l'Oudaya, le Chellah, la Tour Hassan où se trouve le mausolée Mohamed V ; o Le tourisme de découverte et notamment équestre est à développer. Le festival de Rabat, la semaine du Cheval et le Moussem de Chraga doivent pouvoir être utilisés pour attirer beaucoup plus de touristes qu'ils n'attirent actuellement ; ce sont des manifestations uniques dans le monde qui doivent pouvoir bénéficier d'un marketing touristique plus mordant! Conclusion L'exode rural soit de l'intérieur de la région soit de l'extérieur constitue la principale raison de la formation des bidonvilles qui ceinturent Rabat-Salé, Skhirat-Témara et les autres villes. La paupérisation rurale due à la démographie, à l'extrême parcellisation des terres, à une politique agricole qui a montré ses limites, à un équipement insuffisant des centres ruraux en eau, électricité, soins de santé et aux années de sécheresse a contribué à accentuer l'exode rural vers les villes des paysans à la recherche de moyens de subsistance et d'emplois. A l'évidence, le développement industriel connu au niveau des centres, du secteur artisanal, du tourisme et des services ne répond pas à la demande d'emplois et c'est ce qui est à l'origine d'un taux de chômage important (l2,7 % en 2001 en milieu urbain), chômage qui touche également les diplômés qui manifestent devant le parlement exigeant le droit au travail. L'agriculture, 11,3 % à l6,4 % du PIB, pour la période 1997-2000 selon la pluviométrie de l'année, employant la moitié de la population sur le plan national est appelée inéluctablement à voir son importance sur le plan de l'emploi diminuer suivant en cela ce qui existe dans les pays développés (3 à 5 %) d'où la nécessité de développer les autres secteurs productifs pour faire face à la crise que connaissent et la région et le pays. La région de Rabat-Salé-Zemmour- Zaer bénéficie de plusieurs capacités et atouts qui peuvent être développés et exploités davantage ; en effet la région dispose de grandes potentialités pour développer les activités liées aux ressources naturelles : l'eau, caractéristiques bioclimatiques, ressources marines, forestières, paysages, tourisme chasse et sport. Il est recommandé, dans le domaine du tourisme, d'améliorer l'offre touristique et de développer l'infrastructure d'hébergement qui s'avère d'une importance majeure pour le redressement socio-économique de la région. Kerdoudi Kolali Chawki,Consultant en agro-industrie, ancien vice-président de la BAD - E-mail : [email protected]