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L'héritage de Mohammed V
Publié dans La Gazette du Maroc le 21 - 11 - 2005

La célébration du cinquantenaire de l'indépendance est focalisée sur la figure tutélaire de Mohammed V.
À travers l'invocation du symbole et de l'héritage du Père de la nation, c'est le choix de l'ouverture, de l'évolution consensuelle et de la modération qui sont mis en valeur.
Le cinquantenaire de l'indépendance est commémoré à partir du 16 novembre, date du retour d'exil de Mohammed Ben Youssef devenu le roi Mohammed V porté sur la cause nationaliste. La commémoration est ainsi centrée sur cette date symbolique et sur celle du 18 novembre 1955 qui coïncidait avec la fête du Trône et où dans son discours, Mohammed V annonça victorieusement « l'avènement d'une ère de liberté et d'indépendance ». La convention d'abolition du protectorat français n'est signée cependant que le 2 mars 1956, suivie par l'abrogation du protectorat espagnol sur la zone nord le 7 avril. Rétrospectivement, le demi-siècle écoulé apparaît fort contrasté. La commémoration officielle retient les lignes de force et les acquis malgré la part d'ombre et les écueils du parcours. Le nouveau règne veut se placer surtout dans la dimension positive et y conforter des raisons pour aborder avec confiance la perspective et les défis de l'avenir.
C'est ainsi que la figure de Mohammed V est particulièrement rehaussée, retrouvant ainsi le lien chaleureux avec le peuple qui a marqué son règne et qui avait redonné toute sa plénitude à la légitimité de la monarchie, après les périls encourus à la veille et au lendemain de la domination coloniale. La mémoire est ici sollicitée pour raviver les symboles.
Le lien nationaliste
C'est la rencontre entre une personnalité particulièrement sensible et le mouvement national qui est au cœur de la légende de Mohammed V. En le choisissant pour succéder à Moulay Youssef, le 18 novembre 1927, le résident de l'époque, Jules Steeg considérait que le jeune Sidi Mohammed, âgé seulement de 18 ans et qui n'était que le troisième fils du sultan défunt, serait tout à fait docile et confiné dans un rôle de façade.
Le système colonial, après le départ de Lyautey, s'orientait alors vers l'administration directe concentrant tous les pouvoirs au mépris de la lettre du traité du protectorat, laquelle conservait la souveraineté au sultan. Steeg misait sur l'éducation incomplète du jeune Sidi Mohammed, son isolement et son caractère réservé pour le garder totalement en marge. Lorsque le 16 mai 1930, elle lui fit signer le dahir berbère sans qu'il puisse songer à s'y opposer, la résidence était convaincue de tenir le sultan idéal pour elle. On sait que le dahir berbère marqua un tournant dans la montée du mouvement nationaliste. Des manifestations de protestation se propagèrent et les jeunes nationalistes commencèrent à s'organiser. En 1932, la première publication nationaliste, « Al Maghreb », éditée à Paris écrivait : « Nous sommes convaincus que le jeune souverain n'a pas saisi la lourde responsabilité qu'on lui a fait endosser ». Les jeunes nationalistes qui étudiaient alors en France exprimaient déjà l'espoir que le jeune roi partagerait leurs aspirations et serait le symbole de la nation renaissante. Le 8 mai 1934, Sidi Mohammed assistait à une cérémonie de parade organisée par la Résidence à Fès. C'est alors qu'il fut surpris de voir la foule le saluer avec un retentissant «Yahya al Malik» (Vive le Roi). C'était la première fois qu'une telle acclamation se produisait et que le titre de «Malik» était prononcé. Les autorités coloniales perçurent cela comme une manifestation de révolte et mirent aussitôt fin à la cérémonie pour ramener leur jeune « sultan » au palais. Sidi Mohammed avait été très ému par cet événement et ses liens avec le mouvement national allaient se nouer et se développer rapidement. Il se montra dès lors de plus en plus réceptif à la radicalisation de la cause nationale malgré sa propension naturelle à la modération. Lorsque les dirigeants nationalistes, Allal al Fassi, Mohamed al Ouazzani, Omar Ben Abdeljalil, présentèrent en 1934 le plan de réformes, simultanément au gouvernement français et au sultan, la convergence devenait bien réelle.
Un mythe fondateur
Malgré l'intermède d'une coexistence avec la résidence du général Noguès qui se voulait «réformateur» et s'était montré relativement plus respectueux du jeune roi, ce dernier a assez vite pris ses distances et exprimé, pendant la deuxième guerre mondiale, auprès du président américain Roosevelt, lors de la rencontre d'Anfa en juin 1943, l'aspiration marocaine à l'indépendance. C'est cette même année qu'est fondé le parti de l'Istiqlal et la convergence avec Mohammed ben Youssef n'allait pas cesser de se raffermir. Il y eut le discours de Tanger en 1947 où ce dernier invoqua l'appartenance du Maroc au monde arabe dans un contexte où la répression sévissait brutalement à Casablanca.
Puis ce fut la crise ouverte avec la nomination du général Juin à la résidence, lequel s'employa à manifester une attitude agressive envers le roi et très répressive dans tout le pays. Mohammed ben Youssef, face à l'exacerbation du régime colonial, entra en résistance. Il exerça plus souvent la grève du sceau, refusant son aval aux décrets de la résidence. Celle-ci organisa alors un complot qui aboutit le 20 août 1953 à la déposition du roi et son exil. La lutte de libération allait alors se radicaliser jusqu'en 1955 et déboucher sur les négociations d'Aix les bains, le retour du roi en novembre 1955 et la proclamation de l'indépendance. Le mythe légendaire du roi dont l'image avait été perçue dans la lune et du «père de la nation» n'a pas été terni par les péripéties des premières années de l'indépendance. Figure incontestée et politique portée à la modération et à la conciliation, malgré son attachement à un modèle traditionnel de pouvoir et de relation avec ses sujets, il a cherché à maintenir l'équilibre entre les différentes forces en présence et entre les différentes tendances du mouvement national. Sous son règne, les clivages et les antagonismes politiques et sociaux entre forces conservatrices et forces progressistes se manifestaient nettement. Tout en veillant à garder à la monarchie la prééminence et le contrôle des forces armées, il avait évité les confrontations et cherché à préserver un subtil dosage entre ces composantes. C'est ainsi que sans opérer de bouleversements profonds, le pays s'est engagé, notamment avec le gouvernement Abdallah Ibrahim, dans un début de planification pour amorcer le développement économique. Un début de réforme agraire, un plan de renforcement des infrastructures, une politique industrielle parrainée par la création de banques de développement, une politique sociale comportant l'adoption d'une législation du travail et la création de la CNSS, la promotion de l'éducation de l'alphabétisation et de la formation professionnelle : autant d'orientations qui ont constitué un véritable tournant. Celui-ci est allé de pair avec une politique d'indépendance monétaire, le Maroc ayant quitté la zone franc, créé sa propre monnaie avec le dirham et nationalisé la banque centrale. Sur le plan international, le Maroc se situait en tête des pays anti-colonialistes et pan-africanistes. Le groupe de Casablanca comprenait les pays dits « progressistes », opposés à l'alignement sur l'Occident et au colonialisme. En janvier 1961, un mois avant le décès de Mohammed V, se tenait à Casablanca la conférence des pays africains qui ont préparé la création de l'organisation de l'unité africaine. Mohammed V soutenait les mouvements de libération, à commencer par celui de l'Algérie, et avait décoré le leader congolais Patrice Lumumba. Néanmoins, cette orientation était largement tempérée par le contre-poids des forces conservatrices qui allaient finir par prendre le dessus après la mort de Mohammed V. En excluant le système du parti unique, ce dernier avait ainsi contrebalancé le poids considérable qu'avait le parti de l'Istiqlal et assuré «l'arbitrage» prééminent de la monarchie. Les forces les plus conservatrices et les plus rétrogrades en profitèrent pour fomenter des rebellions dirigées contre l'Istiqlal : celle de Addi Ou Bihi dans le Tafilalet en janvier 1957 puis celles du Rif en 1958 et 1959.
Référence permanente
Les ingrédients de l'évolution qu'allait vivre le pays sous le règne de Hassan II étaient réunis. Mohammed V avait fait coexister des forces et des tendances opposées et inconciliables grâce à son immense popularité, son aura et sa modération ainsi que son flair et son habileté tactique. Il y avait là autant de chances que l'évolution soit conflictuelle ou non. L'histoire en aura décidé autrement après sa mort en février 1961. Il y eut à la fois l'âpreté des luttes pour le pouvoir, les incompatibilités personnelles, la logique de la polarisation. Ceci dans un contexte international marqué par la guerre froide et la division Est-Ouest.
En réorientant l'alliance du pays vers l'Occident et en confortant les forces conservatrices autour du pouvoir, Hassan II avait en quelque sorte tranché. Cependant l'héritage de Mohammed V est demeuré l'objet d'une vénération constante. Hassan II s'y est tout le temps référé pour appuyer la dimension « non-alignée » de sa politique étrangère. La référence à Mohammed V a, dans les pires moments, permis de garder la mesure, de ne jamais rompre tout à fait avec les forces d'opposition et de rechercher des rééquilibrages. Mohammed V est ainsi resté un repère fondamental auquel Hassan II avait recours dans diverses situations délicates et pas seulement par rhétorique. Qu'il s'agisse d'invoquer la légitimité historique de la monarchie, les choix traditionalistes ou encore le substrat nationaliste consensuel et les exigences du développement, Hassan II puisait dans le référentiel de Mohammed V une grande variété de thèmes et de symboles, même en apparence contradictoires. Après les longues années marquées par les conflits et les crises mais aussi par une évolution contrastée dans tous les domaines, le règne de Hassan II a eu pour épilogue une révision de soi qui a permis l'apaisement et l'ouverture des dernières années, notamment après 1992. L'invocation de l'héritage de Mohammed V a gagné en ampleur avec l'avènement du règne de Mohammed VI. L'image du roi populaire, humain, proche, modéré, patient, recherchant les compromis est plus que jamais objet de vénération. Dans le Maroc de Mohammed VI où la réconciliation est un thème majeur et où la mémoire est sollicitée pour surmonter les phases conflictuelles et pour prôner une évolution progressive et consensuelle, le symbole de Mohammed V prend sa pleine mesure.


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