SOS Villages d'Enfants Maroc Cette association reconnue d'utilité publique, qui a pour vocation initiale de venir en aide à l'enfance en détresse, a accru, au fil des ses vingt ans de présence au Maroc, son champ d'intervention. Elle est devenue un acteur de tout premier plan contribuant au développement durable. Entretien avec Béatrice Beloubad, directrice du Bureau national de SOS villages d'enfants Maroc La Gazette du Maroc : vingt ans de présence au Maroc de SOS Villages d'Enfants, c'est déjà une longue histoire… Béatrice Beloubad : oui, c'est l'histoire d'une Association dont la vocation est de venir en aide aux enfants en détresse. Des enfants orphelins que des familles vivant dans le dénuement le plus total ont été contraintes d'abandonner. C'est une histoire qui n'est pas propre au Maroc, mais il faut bien constater que l'abandon d'enfants – le plus souvent par des mères célibataires - est une triste réalité qui perdure. Et cela, malgré la volonté royale clairement affirmée de changer la condition féminine et de lutter contre la misère sous toutes ses formes. C'est pour cela qu'en 1985, nous avons ouvert le premier Village d'Enfants SOS à Aït Ourir, dans la région de Marrakech. Vous avez déjà une longue expérience au sein du secteur associatif. Quelles sont selon vous les spécificités, la « griffe » de SOS Villages d'Enfants Maroc ? Je dirai sans hésiter que c'est le professionnalisme des membres de cette association. Il ne faut pas se voiler la face : il y a un réel problème au Maroc qui est celui de la formation du personnel du secteur associatif. Les volontés, la générosité, l'enthousiasme existent bel et bien. Mais trop souvent cette formidable énergie est mal canalisée précisément à cause de ce manque de formation. Nous sommes très conscients de cette problématique et c'est pourquoi SOS Villages d'Enfants Maroc – suivant en cela les grandes orientations de SOS Kinderdorf International – attache autant d'importance à la formation initiale et continue de chacun de ses collaborateurs, à quelque niveau hiérarchique que ce soit. En deux mots, il s'agit, sans brider les bonnes volontés et la spontaneité, de professionnaliser notre activité pour lui assurer toutes ses chances de succès. Mais la « griffe » SOS, pour reprendre votre expression, c'est aussi un mode de fonctionnement, une architecture qui nous est propre et dont nous souhaitons qu'elle ait valeur d'exemple. Celle de l'accueil familial à long terme. Vous êtes sur le point d'ouvrir, après Aït Ourir, Imzouren et Dar Bouazza un quatrième Village à El Jadida. Puisque vous avez mis l'accent sur les spécificités de votre mode de fonctionnement, pouvez-vous nous décrire ce qu'est précisément la vie au sein d'un Village ? Les Villages SOS qui accueillent des enfants en détresse, répondent à des critères très stricts, internationalement reconnus. Ils ont pour but de permettre à ces enfants de grandir entourés de l'affection qui leur manque, d'avoir toutes leurs chances de s'épanouir harmonieusement et de devenir, un jour, des adultes autonomes. Bien sûr c'est toute une équipe pluridisciplinaire qui y contribue. Mais je voudrais tout particulièrement insister sur le rôle essentiel de celles qui sont au cœur du dispositif qui est le nôtre. Je veux parler des mères SOS qui ont l'immense responsabilité d'élever, au sein des maisons familiales, ces enfants que les premières années de la vie ont cruellement blessés, de leur donner, bien entendu, toute l'affection dont ils ont grand besoin. Mais le rôle des mères SOS est bien plus vaste que cela. Il est aussi de donner des repères forts à ces enfants, de déceler leurs potentialités et de les mener sur le chemin d'une vie d'adultes responsables. C'est pourquoi nous attachons autant d'importance, lorsque nous procédons au recrutement des mères SOS, à leurs aptitudes et à la force de leur engagement. Il va de soi que là encore, la formation continue de ces femmes est de rigueur et qu'il n'y a aucune place pour l'amateurisme. C'est la raison pour laquelle nous revendiquons pour ces femmes qui sont au centre de notre action, la reconnaissance de leur statut professionnel, avec tous les droits que cela implique. Mais la vie des enfants dans les Villages n'est pas éternelle… Bien sûr, mais l'action de SOS Villages d'Enfants Maroc ne s'arrête pas à la porte des Villages. Elle a, comme je vous l'ai dit, pour objectif ultime de permettre à ces enfants d'acquérir leur pleine et entière autonomie. Cela passe par l'accès au savoir, à l'école et plus tard à une formation professionnelle ou universitaire conséquente. Les Villages sont les premières pierres posées sur ce chemin. Mais la route vers la vie d'adulte est longue et c'est pourquoi SOS Villages d'Enfants Maroc a bâti un important réseau de foyers destinés à accueillir les adolescents issus de nos Villages. Ils y trouvent un cadre propice à la poursuite de leurs études et à leur apprentissage de leur vie d'adulte. Mais il n'y a pas que les foyers et notre fierté a été très grande, au début de l'été, de fêter la réussite au baccalauréat de plusieurs jeunes filles qui vivent au Centre Social de Immouzer Kandar. L'Association continuera à les soutenir jusqu'à leur insertion dans la vie professionnelle. Je voudrais ajouter, ce qui est fondamental, que nous ne nous contentons pas de panser des blessures. Mais que nous agissons en amont : notre politique est avant tout préventive. Ce que nous cherchons, c'est contribuer à créer les conditions pour que cette triste réalité qu'est l'abandon des enfants ne se conjugue plus qu'au passé. L'image que vous donnez de SOS Villages d'Enfants Maroc est à l'opposé de celle qu'on se fait d'une association purement caritative. En effet. SOS Villages d'Enfants Maroc n'a rien d'un organisme replié sur lui même, mais est, au contraire, largement ouvert sur son environnement. Nous avons créé nos propres écoles qui ne sont d'ailleurs pas uniquement destinées aux enfants des Villages, mais aussi des ateliers de formation professionnelle pour les jeunes filles et les femmes des localités où nous sommes implantés. Nous avons, en partenariat avec d'autres associations, ouvert des classes d'éducation non formelle. Nous avons également créé à Dar Bouazza, un Lieu de Vie destiné à accueillir des handicapés mentaux dans un cadre favorable à leur épanouissement et pourquoi pas à leur réinsertion progressive dans la vie sociale et professionnelle. Autant d'actions et d'autres à venir qui témoignent de notre volonté de contribuer à un développement durable dans notre pays. En parfaite adéquation avec l'Initiative nationale pour le développement humain impulsée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Tout cela a forcément un coût… Bien évidemment et nous ne pouvons pas faire tout tous seuls. C'est tout le sens des conventions de partenariat que nous avons conclues avec de grandes entreprises qui nous permettent de développer nos projets et d'étendre notre champ d'intervention. Mais il y a aussi, dans la “philosophie” SOS, la notion de parrainage. C'est, de la part de celles et ceux qui nous font confiance, un engagement à soutenir financièrement un enfant pendant une durée suffisamment longue pour lui donner toutes les chances d'acquérir son autonomie. C'est aussi, au-delà de l'aspect purement financier, l'expression d'une solidarité active.