Venezuela. Festival des jeunes du Monde Il est 20h30 heures locale, ce lundi 8 août à Caracas, quand le président du Venzuela, pays organisateur du 16ème Festival mondial de la Jeunesse et des étudiants lève haut le drapeau marocain. Un instant, une éternité. Voyage au cœur du Festival, et en compagnie des 150 jeunes marocains qui y ont participé. Abdellah B n'est pas un habitué des stades. Pourtant, ce lundi à Caracas, il s'est vite laissé emporter par les slogans saluant le président vénézuélien. “Hu, Hu, Chavez, Chavez !” scandaient les quelque 150 jeunes, et moins jeunes marocains présents à l'inauguration du 16ème congrès mondial de la Jeunesse et des étudiants. Hugo Chavez méritait bien une fougue juvénile marocaine. À bon droit : il a simplement levé haut le drapeau marocain. Pendant un instant, le monde entier avait les yeux rivés sur “el commandante” avec, à la main, le drapeau marocain. Il est 20h30, heure locale (16h30, GMT), quand les participants à cette grande messe internationale, dédiée cette année à la solidarité et la lutte contre l'impérialisme et la guerre, déguste leur première victoire. Première, car il y en aura d'autres. Pour l'instant, ces jeunes Marocains représentant l'USFP, le PI, le PPS et la GSU, laissent de côté leur fatigue, les moments de tensions et les mauvaises péripéties d'un long voyage. Très long voyage qui les a amenés de Rabat à Caracas. Très enthousiasmés, ils se sont surpassés, lutté contre le contre-temps, et leur course contre la montre a été admirablement, merveilleusement récompensée. Ce moment, ils ne le savent que trop, ils le doivent à l'un d'entre eux. Membre du comité préparatoire mondial du Festival, Youssef Meggouri (voir entretien), également membre du PPS de My Ismaïl Alaoui a créé la très bonne surprise. Car, c'est lui qui a osé, au moment où ses compatriotes défilaient devant “el présidente”, marchait vers l'estrade. Saluer Chavez et lui remettre le drapeau. Seuls quatre jeunes du monde entier, parmi les 25 mille festivaliers ont fait le pas. Il n'en fallait pas moins pour que la jeunesse, marocaine s'enflamme, exulte et reprenne toutes ses forces. A peine quelques instants passés, et les invités marocains, eux-mêmes invités du président, se rejoignent aux jeunes. Salem Latafi, membre du bureau politique du PPS, Hassan Abdelkhalek, responsable au sein du Comité exécutif, l'ambassadeur du Maroc à Caracas, tous ont quitté leurs chaises d'honneur pour embrasser les jeunes venus des quatre coins du pays. Il y a de quoi d'ailleurs. Le soir même, le geste de Y.Meggouri prendra toute son ampleur : ni l'Algérie ni le Polisario et en dépit de tous les efforts et gesticulation n'ont réussi l'exploit. Car, c'en est un. Rarement, en effet, une délégation marocaine aurait réussi à s'imposer avec une telle force, un tel brio. Les conditions, aussi fâcheuses que pénibles, dans lesquelles s'est déroulé le voyage, auraient tout fait rater. Le voyage forme la jeunesse Mais regrette un jeune de la Chabiba Ittihadia, “il peut saper le moral”. Et pour cause. Prévu pour le vendredi 5 Août 2005, le déplacement de la délégation Marocaine sera, incessamment et chaque fois, reporté jusqu'à lundi 8 août. Toute la journée du dimanche, les heures de décollage n'ont pas eu cesse de changer. A chaque fois, on avançait un argument, un contre-temps ou une raison dont on ne s'attardait pas à troquer contre une autre. Le comble du comble : au début de la soirée, dimanche 7 août, tout le monde est prié de regagner la salle d'embarquement à l'aéroport Rabat-Salé “le décollage, assure-t-on aura lieu au plus tard à 22 heures, heure locale”. En fait, le pire est à venir. Le vol n'aura lieu qu'à 9 heures du matin du jour suivant, quand atterrira l'avion libyen et à son bord la délégation de la Jamahiriya. S'en suivra un long chemin, un vol de 12 heures sans escales et avec les moyens de bord (c'est le cas de le dire !). Arrivée à Caracas, la délégation marocaine sera conduite à une résidence de presque 2 heures 30 minutes de l'aéroport. On est à Miranda, à quelques kilomètres de Caracas. Déjà, les autres jeunes des autres pays sont sur les lieux. Sur le chemin, les drapeaux et autres fanions algériens attirent l'attention. Cependant, ce qui donnera (déjà) une image de ce que sera "le voisinage" avec nos frères-ennemis, c'est plutôt une tente caïdale sur laquelle flottaient les couleurs de la pseudo-Rasd. Sur les lieux, les jeunes Marocains se rendent compte que "la maisonnette" qui leur a été réservée est loin d'héberger tout le monde. A bout de rouleau, les jeunes marocains dont les prochains instants prédestinaient à une euphorie sans égale ont dû faire bons cœurs devant une mauvaise fortune. C'est que l'essentiel était ailleurs. Choix temporaire: ramasser les bagages et partir pour "l'Academia", la fameuse académie militaire des officiers où aura lieu l'inauguration. Ni la fatigue, ni l'incertitude des lieux, ni même le contrôle long et ennuyeux des militaires n'entamera cette volonté. A l'académie, on est pris de court. Commencé à 18 heures locale, le défilé compte ses derniers marcheurs. Classées par ordre alphabétique, les délégations ont, au moment où les jeunes Marocains arrivent à "la plazza", fait leurs marches. On en est à la Lettre "S". Toute cette épreuve ulyssienne pour rien ? Non, certes. Commencent alors les négociations, l'attente et l'espoir. Enfin, les Marocains vont marcher. Tous vêtus de t-shirt blanc, ornés de la carte de leurs pays, ils scandent, à l'unisson, l'hymne national. Les déceptions du moment et la fatigue, plutôt physique, laissant la place à l'enthousiasme. Ce moment où seul parmi 114 des autres pays, flotte le drapeau haut, vaut bien cette pérégrination. Le plus beau voyage, se fait, sans doute aucun, pour lever haut les couleurs nationales. Voir un jeune Marocain a côté du chef suprême du pays hôte de la cérémonie, a fait oublier ces heures de détresse ou presque. Chemin de croix Une fois fini le discours de l'inauguration, exclusivement dédiée à la hargne américaine, Chavez annonce, à minuit exactement, le début des travaux du 16° Festival. Les jeunes marocains, eux, devaient revenir à leur "résidence momentanée". À deux heures du matin, on vient les informer qu'un autre lieu a été aménagé à leur profit. Sommeil, décalage horaire, courbatures autant de facteurs démoralisant prennent le dessus. Commence à nouveau le chemin de croix. Deux heures de route dans des bus du transport communs. Flanqués de "voluntarios" (volontaire), ces membres appartenant à des milices, liés corps et âme à Hugo Chavez, les chauffeurs poussent la musique, par ailleurs, très rythmique et sensuelle, au top de son volume. Presque anesthésiés par le sommeil, hors d'état de réagir, les jeunes ne rêvent que d'une seule chose : dormir. On est dans un moment de paradoxe, et d'effacement où le rêve précède le sommeil. L'aube pointait quand les bus s'arrêtent devant un grand portail où des militaires, mitraillettes en main, sont en faction. Des jeunes, presque imberbes. Re-contrôle, les bus redémarrent. De l'enseigne trônant à l'entrée, on se rend compte qu'on est au "Fuerte de Guayapuro" ; une vraie caserne. Un dortoir de 160 lits, en double, s'étend devant les yeux mi-clos, mi-ouverts des jeunes "embarqués" ! On est sauvé ! Le lendemain matin, on découvre les lieux et les voisins : il y a les Dominicains, les jeunes du Suriname et … des militaires en treillis. Le paysage, dans lequel baigne une batisse de type austère, est agréable. On y passera, bon gré, mal gré, une semaine. Une vie de voyageurs s'entend. Cette semaine sera, remarquablement marquée des affrontements, prise de bec où même de quelques moment de dialogue avec la délégation du Polisario. Face à face D'ordinaire, le Festival mondial de la Jeunesse et des étudiants est un espace "acquis" à la thèse séparatiste. Avec le Venezuela, le pays organisateur de surcroît. Le Polisario pourrait conclure que la chose était entendue. C'était compter sans la détermination de ces jeunes marocains, socialistes, de gauche ou nationaliste. Nous sommes mercredi 10 Août, au " parqué central", en plein Caracas. En face, l'Etat major de la délégation du Polisario, "le ministre" de la coopération en tête, ne se doute de rien. Dans la salle des conférences, les représentants de la Palestine, de l'Irak, de Chypre et… du Polisario sont au programme du jour. À peine le sujet est-il officiellement décliné que commence les contestations des jeunes Marocains. Les raisons de leur colère est évidente : mettre sur le pied d'égalité les peuples palestiniens et irakiens et les séparatistes du Polisario est nul et non avenu. Donc, "no-pasaran". Une position qui donnera lieu à des heurts, sans gravité certes, mais qui n'en finissent pas moins de suspendre l'audience. Il aura fallu attendre l'intervention, manu militari des membres de la Guardia national pour reprendre, pour finir, les travaux de la séance. Le jour même, l'après-midi, les séparatistes tenaient une conférence de presse. On reconnaît l'ambassadeur du Polisario et son représentant permanent sur le plan étranger Mustapha Mahfoud. Débitant des mensonges grotesques, les deux, le premier interprétant les propos de l'autre, seront vite démenti par les interventions de Khalil Boucetta, Hassan Abdelhaq (du PI) et Mchij Karkri (USFP). A quoi, les Algériens, venus nombreux et en chaperons déclarés, répliquent par de la provoc. La tension s'installe. L' " ambassadeur " du Polisario, refusant par la suite de donner la parole à d'autres marocains, y met du sien. Par décision, il fait preuve de la propagande, certes. Mais il laisse le soin de créer la zizanie aux Algériens. Qu'ils soient journalistes ou simples participants, ils s'engagent dans la pure provocation. Indécemment, malhonnêtement. "L'encadrement " officiel algérien, on le verra après, ira jusqu'à surveiller les Polisariens. D'ailleurs, l'écrasante majorité, sinon la totalité des membres de la délégation du Polisario a été formée de jeunes étudiants venus de Cuba, Venezuela, ou de l'Espagne. Une anecdote : prises à part par les jeunes marocains, des jeunes Sahraouies ont prétendu venir de Tindouf. "D'où exactement ?". Elles donnent le nom d'un lycée qui n'existe pas ! Alors, sans sourciller, elles ajoutent ceci: "Nous venons de Cuba". A la réponse" connaissez-vous la réalité de ce qui se passe à Tindouf ", elles répondent, non sans gène : "Pour l'instant on se contente de ce qui se passe ici". À Cuba ? Le Jeudi 11 août, c'est le jour des séquestrés de Tindouf. A la même salle 4. On se presse pour assister à l'intervention du capitaine Ali Najab, qui a passé 25 ans dans les geôles des séparatistes, de Salem Latafi et de Hassan Abdelkhalek. Les membres du Polisario tentent la sape. Peine perdue. Ils quittent la salle. Les témoignages continuent… Le festival aussi. Dernière mesure " préventive " : le comité préparatoire sous l'impulsion des cubains, algériens et polisariens, prend une décision " unilatérale ". Prévue pour le vendredi 12 août, une conférence organisée par le Polisario, est interdite à la délégation marocaine. La jeunesse de l'USFP adresse une lettre de protestation au comité mondial mais, d'ors et dejà, le Polisario compte ses défaites. La plus retentissante aura lieu le lundi 15 août. Ce jour là, le festival prend fin et l'heure est à la déclaration finale. Contrairement à celle de la 15ème session du FMJE, tenue en Algérie, celle Caracas ne suggère même pas le nom de la république à Abdelaziz. À Alger, c'est un point en arrière, donc une offense. Qu'à cela ne tienne! Invités Outre les jeunes membres de l'USFP, le PI, le PPS et la gauche socialiste unifiée, la délégation se composait également d'invités d'honneurs. De l'Istiqlal, on reconnaîtra Chiba Mae Al Aïnine, Hassan Abdelkhalek et Khalil Boucetta, tous membre du comité exécutif du parti. Du bureau politique de PPS, seul Saïd Saâdi et Salem Latafi ont été du voyage. Nabil Benabdellah et Larbi Messari, respectivement membre de la direction du PPS et du PI, ont décommandé à la dernière minute. Du côté de l'USFP, c'est Abdelhamid Jmahri, membre du Conseil national qui a accompagné la délégation. Younes Moujahid, le secrétaire général du syndicat national de la presse marocaine et membre du CN, s'est, lui, excusé pour des raisons syndicales.