Algériens, souvenez-vous ! Le Maroc aura, décidément, pris tous les risques politiques et diplomatiques pour soutenir la révolution armée de Novembre. Des témoignages et documents attestent formellement de la ténacité de la ligne de conduite tracée par le Sultan Ben Youssef dans sa solidarité agissante avec la lutte algérienne de libération. Un de ces documents émanant de l'ambassadeur de France à Varsovie, daté du 14 décembre 1957, faisait savoir la réponse du gouvernement français à l'offre de bons offices du Maroc et de la Tunisie pour la solution de la guerre en Algérie. “Le gouvernement français ne saurait retenir l'offre de bons offices dans la mesure où elle s'applique à des négociations devant amener à la concrétisation de la souveraineté du peuple algérien”. En plus de ce refus, la France coloniale harcelait les deux pays maghrébins pour “ user de toute leur influence pour amener les chefs de la rébellion à un cessez-le-feu non assorti de conditions politiques”. Deux chefs d'Etat maghrébins l'ont fait bien savoir au plus fort de la crise ouverte avec la puissance occupante : “Bourguiba et Mohammed V ont justement conditionné leur médiation par la contrepartie d'accession de l'Algérie à son indépendance”. Les rapports secrets de la puissance coloniale ont abouti au constat définitif que “le gouvernement français rejette toute solution du problème algérien pouvant aboutir à détacher l'Algérie de la souveraineté française. En outre, une offre de bons offices implique la stricte neutralité de ceux dont elle émane, ce qui n'est pas le cas puisque le Maroc et la Tunisie ont pris par avance parti en faveur de la thèse du FLN”. Le courage politique du Maroc institutionnel est de renier le qualificatif de “terroriste” au FLN que le colonisateur s'acharnait à en faire la propagande.. “Le fait d'avoir recouru à la violence et à la terreur ne saurait qualifier les responsables du FLN à représenter la volonté des populations, laquelle ne peut s'exprimer valablement que par la voie d'élections libres”, persistait et signait la métropole. Pour l'indépendance totale du Maghreb La déclaration commune du 21 novembre 1957 a précipité l'engagement total du Royaume, auprès de la Tunisie, “pour une action spectaculaire en faveur de l'indépendance algérienne”. La visite historique du Roi aux Etats-Unis a ébranlé la France coloniale car elle comportait la perspective de mobiliser les instances internationales: “en effet, plus que dans une politique véritablement concertée du Maroc et de la Tunisie, c'est dans la perspective d'une action conjointe à l'ONU et auprès de nos alliés anglo-saxons que la rencontre de Rabat et la publication du communiqué commun risquent d'avoir leurs principaux effets”. Non sans avoir appuyé la lutte sur le terrain à partir du bastion de la Wilaya 5 que formait Oujda qui, malgré le constat des occupants qui y voyait “une sérieuse reprise en main par l'autorité marocaine en vue de faciliter d'éventuelles négociations algéro-françaises, continuait son organisation clandestine''. “Néanmoins, il est incontestable qu'une aide à la rébellion a continué de provenir du Maroc, sous forme de trafics d'armes ou de passage de fellagahs”, soulignaient les documents secrets. C'est dans le communiqué du Palais Royal de Rabat du 20 juillet 1957, à l'issue de la Conférence des ambassadeurs, qu'apparut pour la première fois le vocable “d'indépendance” à travers une déclaration officielle sur l'Algérie. Le communiqué révélait en substance que “le Maroc, son Souverain et son peuple sont solidaires du peuple algérien. Sa Majesté a mis l'accent sur l'urgence de mettre fin à l'effusion du sang et de trouver une solution pacifique au problème algérien par la reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie dans le respect des intérêts des Français et de la France”. Cette attitude ferme dans le soutien diplomatique et politique du Trône à la cause algérienne connaissait ses prolongements sur le terrain par un soutien efficace et ininterrompu aux combattants des maquis dont le Maroc était devenu leur base arrière de retrait, de repos, de formation et de ravitaillement. Ce fut même la base politique du FLN pour préparer les structures dirigeantes de la future république indépendante. Dans son discours du 17 septembre de cette la même année à Tanger, Mohammed V réaffirmait la position intangible de solidarité du Royaume à l'égard de l'Algérie combattante: “Il ne saurait y avoir d'indépendance véritable du Maroc comme de la Tunisie sans l'indépendance de l'Algérie”. Autrement dit, le Maroc, par la voix la plus autorisée, celle de son Sultan Mohammed ben Youssef, liait le sort politique des pays limitrophes qui ont conquis leur indépendance à l'avènement de la libération de l'Algérie du joug colonial. Mieux encore, les préalables à toute solution de la question algérienne étaient constamment rappelés par le Maroc qui mettait en avant que “ l'affaire algérienne ne peut se régler dans le cadre d'un statut octroyé par la France. Sa solution ne peut résulter que de négociations directes entre la France et le FLN, seul représentant valable du nationalisme algérien ”.