Projet MedWetCoast Commencé en 1999, le projet MedWetCoast devait - selon l'échéance fixée - prendre fin cette année. Cinq ans plus tard, cet ambitieux projet de conservation et de valorisation des zones humides du littoral méditerranéen commence à porter ses fruits. Les zones humides comptent parmi les milieux naturels les plus productifs au monde et abritent une diversité biologique exceptionnelle. On nomme zone humide une région où l'eau est le principal facteur qui contrôle le milieu naturel et la vie animale et végétale associées. Elle apparaît là où la nappe phréatique arrive près de la surface ou encore, là où des eaux peu profondes recouvrent les terres. Malgré leur importance incontestée, ces milieux restent parmi les écosystèmes les plus menacés du monde que ce soit par le drainage, l'assèchement, la pollution, le développement urbain ou la surexploitation des ressources. Les zones humides du littoral méditerranéen marocain n'échappent pas à ces menaces, et c'est pour tenter d'assurer leur conservation que le projet MedWetCoast a été entrepris en 1999. Une initiative internationale impliquant six pays (Maroc, Tunisie, Egypte, Palestine, Liban, Albanie), et cofinancée par le Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM) et le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). Avec un budget de plus de six millions de dollars US dédié au Maroc, les responsables du projet espèrent assurer la conservation de cinq sites d'intérêt biologique et écologique (SIBE) situés sur la côte méditerranéenne orientale. “Il faut savoir qu'aujourd'hui, plus de la moitié des zones humides méditerranéennes a disparu et que, sur ce qui reste, un tiers est sérieusement menacé”, explique le Dr. Erik Mahé, scientifique français ayant dirigé en 1994 les recherches conduisant à l'identification de 154 SIBE au Maroc - parmi lesquels cinq zones ont été sélectionnées dans le cadre du projet MedWetCoast. “ Il s'agit d'un projet pilote susceptible d'être reconduit sur d'autres zones côtières ou humides”, explique Youssef Slaoui, gestionnaire du projet MedWetCoast au Maroc. Faux départ Le projet, qui devait durer cinq ans à l'origine - et donc se terminer en 2004 - est aujourd'hui loin de tirer à sa fin. “Le projet a pris au moins deux ans de retard au départ”, explique Slaoui. “Le schéma institutionnel était trop compliqué pour être appliqué, il y a eu un retard et le budget n'a pas été dépensé”, précise-t-il. La gestion du projet avait d'abord été confiée au Département de l'Environnement du gouvernement marocain qui, ne disposant pas de service extérieur capable d'agir sur le terrain, avait dû faire appel au ministère des Eaux et Forêts. Slaoui explique que certaines “inadaptations administratives” ainsi que l'absence de personnel dédié strictement au projet MedWetCoast ont freiné sa progression. “Tous les pays ont eu un démarrage plus lent et laborieux que prévu”, confie Sylvie Goyet, coordonatrice régionale de MedWetCoast. “Le projet prévoyait une mobilisation quasi immédiate des équipes, des accords d'opération entre les partenaires [s'effectuant] sans problèmes, etc. Et de ce fait, cela arrive rarement”. En janvier 2002, la direction de MedWetCoast décidait donc d'engager, pour son volet marocain, un gestionnaire indépendant qui prendrait le projet en main tout en dépendant du Secrétariat d'Etat chargé de l'Environnement. “Depuis, on a des résultats qui sont honnêtement très intéressants”, explique Slaoui, qui tient depuis les rênes de MedWetCoast Maroc. Le projet comporte deux phases : une première phase d'étude - déjà complétée - visant à déterminer si les sites sélectionnés valent la peine d'être protégés, puis une phase de réalisation sur le terrain, au cours de laquelle les mesures concrètes doivent être mises en place. Bonnes et mauvaises nouvelles “Les sites, suite aux études de diagnostic, se sont révélés d'une part encore plus beaux qu'on le croyait, et d'autre part encore plus menacés qu'on le pensait”, affirme Slaoui. “On a trouvé des espèces d'oiseaux qu'on pensait complètement éteintes depuis des années. On a trouvé de la loutre, alors qu'on pensait que c'était fini pour la loutre au Maroc”, ajoute-t-il. Si les travaux réalisés dans le cadre du projet MedWetCoast ont permis de rendre compte de l'exceptionnelle richesse des zones humides, ils ont, dans d'autres cas, mis en évidence la gravité de la situation. “La lagune de Nador, par exemple, est une catastrophe au niveau de la gestion des eaux usées”, souligne Slaoui. “ La zone est extrêmement urbanisée, mais urbanisée dans un désordre incroyable”. Goyet explique que chacune des zones sélectionnées fait face à des défis spécifiques, ce qui rend impossible la mise en place de solutions globales. “Chaque pays et même chaque site est confronté à des problématiques particulières”. Une approche coopérative En se rendant compte de l'ampleur du problème sur certains des sites sélectionnés, les responsables du projet MedWetCoast ont dû ajuster leurs objectifs de façon plus réaliste. “Si on arrive à stabiliser la situation, à arrêter le développement, c'est déjà énorme”, explique Slaoui en parlant de la lagune de Nador. Il ajoute que les solutions au problème existent, mais dépassent largement le budget du projet. “C'est aux municipalités locales de prendre en main la gestion de leurs zones humides”, soutient Slaoui. Des séances de formation et des rencontres entre les élus ont déjà été organisées pour permettre les échanges et démontrer l'importance de la protection des zones humides. “Je pense qu'on a fait un bon travail au niveau de la sensibilisation”, affirme Slaoui. “On a réussi à convaincre les élus que [les zones humides] représentaient pour eux un capital”. Le projet MedWetCoast préconise une approche où les zones humides, plutôt que d'être complètement isolées en y interdisant l'accès, sont exploitées de façon à assurer leur préservation. “ L'une des grandes difficultés est qu'on ne nous demande pas de mettre les zones sous cloche, mais de les protéger tout en les laissant ouvertes”, explique Slaoui. “ Il est nécessaire aujourd'hui au Maroc, mais aussi dans tous les pays méditerranéens, de comprendre que seule l'intégration de la dimension protectionniste dans la gestion territoriale des espaces et des ressources, pourra permettre d'atténuer - et non pas d'effacer - les effets dévastateurs des modifications climatiques en cours et annoncées”, explique le Dr. Mahé. Selon lui, les conséquences à court terme de la concentration des populations sur les franges côtières méditerranéennes pourraient être dévastatrices si des mesures de gestion territoriale ne sont pas mises en place rapidement. “Il n'est pas évident pour un pays comme le Maroc d'avoir des préoccupations d'ordre écologique, compte tenu de son niveau de développement”, affirme Slaoui. “Cependant, il faut reconnaître, que les départements des Eaux et Forêts et de l'Environnement déploient des efforts considérables pour aboutir à une stratégie nationale des aires protégées”. Les sites MedWetCoast au Maroc Moulouya : Surface de 3.000 hectares qui comprend principalement l'embouchure de la rivière Moulouya. Menaces : Dégradation rapide due à l'utilisation des terrains. Erosion des dunes côtières. Infiltration de sel due au sur-pompage. Déchets solides. Disparition des ressources à cause de la chasse, la coupe de bois, le surpâturage, etc. Développement rapide induit par la nouvelle route qui traverse la réserve. Beni Snassen : surface de 6.500 hectares qui comprend principalement des forêts, grottes et vallées. Menaces : Pollution de la rivière par l'agriculture et par les déchets urbains solides et liquides. Pressions accrues dues au développement urbain et au tourisme. Disparition des ressources à cause de la chasse, le surpâturage, etc. Potentiel de tourisme élevé menant à la pollution du bassin versant. Nador, Sebkha Bou Areg / Gourougou : surface de 15.000 hectares qui comprend principalement la lagune du Sebkha Bou Areg et des environnements de Nador (180 km2) et la forêt de Gourougou, deux sites étroitement reliés de par leur proximité. Menaces : Dégradation rapide de l'eau de la lagune due à l'aquaculture et à la pollution urbaine. Perturbation de l'équilibre hydrologique due aux échanges limités avec la mer. Développement urbain et agricole gagnant les régions sensibles. Erosion des dunes. Chasse illégale. Le Cap des 3 Fourches : Surface de 8.000 hectares qui comprend principalement une zone côtière rocheuse. Menaces : Constructions illégales et tourisme non planifié. Surpâturage et chasse ayant des impacts forts sur les ressources naturelles. Le développement potentiel de la fréquentation (amélioration des voies de circulation, tourisme non maîtrisé...) entraînerait une augmentation des impacts négatifs.