Mastra Il était une fois, un monde qui n'avait de compte à rendre qu'à lui-même. Les règles qu'il s'était fixées imposaient d'être un être d'obligation, capable d'évolution, au cœur d'une communauté, agissante et solidaire, en tant qu'unité dont l'action s'inscrivait dans l'obligation, justement, de servir et non de se servir. Autrement dit la liberté, effectivement, exercée dans le giron d'une coutume qui donnait l'opportunité d'agir pour le bien de chacun comme pour le bien de tous. L'équilibre était parfait sur le plan du comportement en des époques où l'on pouvait défendre son droit comme les droits de la collectivité par les armes. C'était l'âge où la démocratie n'était pas affaire de mots, semés, à profusion, sur les antennes du monde, ni de phrases ciselées, ni même de plaintes auprès des organismes spécialisés pour cela, mais de valeurs à faire respecter par toute société vivant l'expérience de tout un passé que l'on appelle la tradition. Les choses étaient, ainsi, traduites dans les faits au contraire de maintenant où l'on entend, à longueur d'années, parler des droits de cet homme isolé dans son propre milieu, de cet homme offensé, méprisé parce que cassées les structures qui, debout, tenaient sa société. Je sais que les temps ont changé mais devons-nous changer dans le sens dégressif pour autant. Evoluer avec le temps, oui, mais non devenir ses automates. Les droits de l'homme se doivent de nous permettre de garder notre stature d'hommes libres qui font de la dignité leur bien le plus sûr au lieu d'en parler comme d'une marchandise à vendre dont on évalue le prix, la provenance et même les qualités digestives – On les élève ces droits, pour le moment, au rang d'une croyance, et, en même temps, d'une idée à asseoir, à effeuiller par “conseil” dont les divergences, constatées, ne peuvent qu'accentuer, dans le meilleur des cas, la tendance à tout un compromis qui va jusqu'à faire passer des condamnés pour menées subversives pour victimes à dédommager. C'est, peut-être, bien politiquement parlant, mais à examiner de près les choses l'on ne fait que davantage ouvrir la brèche pour un tas d'autres compromis qui, à coup sûr, finissent, toujours, par compliquer les données au lieu de les aplanir. Je ne critique pas, je constate, tout simplement, constate, au même titre que tant d'autres qui n'en finissent pas de constater que nous nous trouvons, une fois de plus, et pour longtemps, face-à-face avec nous-mêmes, non, uniquement, pour une question des droits de l'homme qui, à tout prendre, vont leur bon chemin sans savoir jusqu'où vont aller les pas, mais pour bien des choses difficiles à résoudre. Avec cela, l'on laisse se défaire, dans l'incapacité la plus totale, toutes les structures vraies qui, depuis toujours, ont tenu debout, notre Nation, tout en cherchant à asseoir un modèle qui n'a rien à voir avec notre manière d'être… partagés que nous sommes, entre la réalité navrante et la fiction miroitante, sans réaliser, forcément, ce que sera notre demain ? J'exagère, peut-on croire, mais y a-t-il exagération plus grande que ce que nous vivons maintenant ? Ceci dit, je reviens, malgré moi, à la vie communautaire, à l'essence magique de notre société, que jamais ne pourra remplacer l'esprit associatif moderne dont on essaye de combler, inconsciemment, le vide qui se creuse, de plus en plus, profondément, dans nos traditions et dans nos mœurs – jusqu'au moment où l'on va définitivement, enterrer, sans épitaphe et sans regrets, les droits légitimes de notre société, assise constante du peuple et garante de la pérennité de nos valeurs sacrées ? Oui, les droits sont inscrits, en filigrane, dans son organisation tribale qui, nécessairement, nous maintenaient, solidement, ensemble, dans la joie et dans la peine, dans l'entraide et le soutien, dans la guerre et la paix au lieu qu'aujourd'hui l'on ne cesse de fabriquer ce “chacun pour soi !” J'ajoute, à cela, le côté navrant d'une situation, apparemment, sans remède, en voyant des ruraux devenir, des émigrés, à la périphérie des villes au point de s'agglomérer, par esprit de nostalgie, au cœur de minibidonvilles dont la force d'expression sur le plan des noms, exprime le tragique des populations laissées pour compte. Lisons pour savoir - douar El Kelb ou “douar du chien” - douar sehb El Khanz ou “du Talweg puant”. Qu'aurais-je à dire d'autre si ce n'est comment évaluer ou concevoir “les droits de l'homme” de ce monde arraché, par la misère des temps, à sa fierté d'être, sans évidemment, oublier le droit à l'éducation comme à l'instruction de sa progéniture… et même des liens, à garder, avec toutes les tribus abandonnées ! Les droits de l'homme ont, sans aucun doute, une bonne résonance, mais doivent être, obligatoirement, englobés dans les droits de notre société à rester cohérente pour demeurer, bien entendu, forte ! Allons, un peu plus loin, et écoutons ce qu'en dit un jeune cadre de ceux que l'on nomme, pompeusement, l'élite, du monde rural s'entend ! Il interroge : - Est-ce vrai tout ce qu'on dit des droits de l'homme ? - Pourquoi non du moment qu'on en parle ! - Oui, parler c'est bon, mais, sur mon plan personnel, vais-je être considéré comme tous ceux auxquels on attribue des postes ? - Je ne puis te répondre ! dis-je , car la chose dépend du Gouvernement qui doit veiller sur la bonne marche des choses. Ton tour viendra peut-être, un jour, tu n'as qu'à patienter ! - Oui, bien sûr, attendre, jusqu'à la fin des temps. Mais que l'on cesse de me faire passer pour ce que je ne puis être. Je suis Amazigh et rien d'autre et que je gagne, au moins, ce titre ! - Peut-être un jour ? - Pourquoi, peut-être, et les droits de l'homme ? - Oui. Mais tu vois bien ce qui se passe ! - Oui, je vois, mais comment encore vont devenir les droits de notre terre ? La toponymie va-t-on la rétablir dans sa vraie signification ? – Que “Tizi” ne soit plus “Frej” - Comme par exemple Tizi N'Toulghoumt ou “ Frej ” Tichka – Ou même Ifrène au lieu d'Ifrane. Une aberration qui va jusqu'à faire des Aït Saïd, “Beni” Saïd, ou des Aït Amar “Beni” Amar. - Il y a plus que cela… Mais les droits ça se réclame. - Oui mais à qui ? A l'Etat qui ferme son œil de verre dès qu'il nous regarde ? - C'est vrai ce que tu en dis, mais la bataille ne fait que commencer. - Oui, nous avons toute l'éternité pour rêver de notre lendemain. - Si évidemment nous continuons à nous taire au lieu de réclamer, haut et fort, pour sauver de la désintégration définitive ce qui reste de bien valable dans notre société ! - Oui, mais les prénoms de nos enfants dont on interdit la connotation amazigh ? Dis-moi, assimilation ou bien colonisation ? - Il y a tellement à dire dans ce domaine… sachant que “les droits de l'homme” concernent, dans leur totalité, le peuple aussi bien dans la valorisation de sa culture que dans la dignité de sa vie sociale ! - In Chaa Allah ! m'a lancé le jeune cadre, en se tenant la tête, tu ne fais que répéter, toi-même, ce que j'ai entendu déjà ! Je ne critique pas, je constate, tout simplement, constate, au même titre que tant d'autres qui n'en finissent pas de constater que nous nous trouvons, une fois de plus, et pour longtemps, face-à-face avec nous-mêmes, non, uniquement, pour une question des droits de l'homme qui, à tout prendre, vont leur bon chemin sans savoir jusqu'où vont aller les pas, mais pour bien des choses difficiles à résoudre.