Mastra Qui n'a vu la “joute” entre l'homme et la bête, entre un matador et un taureau n'a, vraiment, rien vu de sensationnel sur le plan des réactions épidermiques des hommes. L'Espagne en fait une religion tout autant que la culture d'une chevalerie hors temps. Oui, un jeu de mort, un spectacle d'une autre époque, une passion qui habite les hommes de l'Ibérie où le combat, dans l'arène, représente non seulement un divertissement d'une fin de semaine, au sens sensibilité du terme, mais une consécration. La consécration du matador chargé de la mise à mort d'un taureau et qui, dans sa tenue de “lumière”, brave la mort en même temps que les huées et les vivats des spectateurs. Il se mesure à la furie d'une masse de muscles et de chair, aux cornes chargées de haine perforante, armé d'une simple épée, camouflée dans les plis d'une muleta de couleur rouge. Le duel est non seulement un assaut où l'homme joue de toute sa taille cambrée, creusée ou offerte, mais un jeu de feintes et de bravade calculée, opposé à la force brute, provoquée, menaçante à tout propos, au bout d'un temps dont les spectateurs vivent l'exaltation que provoque une émotion qui fuse des entrailles. Je dis mal les choses, peut-être, mais mon avancée sur le terrain privilégié de l'affrontement me sert d'approche pour aborder l'idée qui me fait prendre la plume afin de parler de la fougue des temps que nous vivons, avec aux pieds de deux équipes, une bulle d'air comprimé au cœur d'un ballon de cuir. Oui, le match dont je cite les faits a eu lieu en Tunisie où le Maroc, dans sa totalité, presque !, a dû suivre les passes des jeunes joueurs de son équipe et, au-delà de tout cela, il a pu vivre un sentiment d'une rare acuité, ou plutôt, d'une autre essence, avec, au cœur, une pensée de revanche, peut-être, sur le sort, cet interprète incontournable de toutes les désillusions anesthésiantes qui ont fait dire : “au Maroc le patriotisme n'a plus cours ”. Erreur, bien sûr, puisqu'il a suffi d'un match, d'un corps à corps de deux équipes, sur lesquelles, avait veillé, sur chacune, le drapeau de son Pays, pour faire d'une confrontation sur un terrain de sport l'affaire de tous. Il n'y a pas de quoi s'étonner car notre pays, on l'oublie, est la Patrie des symboles. Nous l'avons constaté dans le temps, lors du retour de Madagascar, de Sa Majesté Mohammed V et de la Famille Royale. La Marche Verte pour la récupération du Sahara, elle-même, en est un. Et même, sur un autre plan, l'enterrement de Sa Majesté Hassan II à l'occasion duquel le peuple avait exprimé, par son affliction, son attachement porté au plus haut point. Trois faits significatifs, trois chocs dont l'analyse ne peut donner, dans les grands moments, que la manière de se comporter d'un peuple à l'épiderme sensible, au courage indomptable, à la fierté légendaire. L'histoire s'en est mêlée et la rancune, aussi, forcément, au point de faire d'une rencontre normale une sorte de guerre dont l'honneur n'accepte, ni ne tolère, ni défaite, ni échec. Là, j'évoque l'exemple du Samouraï qui se fait “hara-kiri” tout autant que le marin qui coule à la barre de son bateau. Cela n'a rien à voir, mais, c'est pour dire que le paroxysme des sentiments exacerbés qui a fait, cette fois, du sport, une sorte de toile de fond, face à l'équipe de l'Algérie. L'Algérie des coups bas, du Polisario et de Tindouf. Je laisse de côté Bechar, Gourara et Tidikelt. La hargne des deux équipes n'avait qu'un pas à faire pour faire d'un stade un champ de bataille. Nous connaissons le résultat, l'Algérie battue, des milliers d'Algériens venus soutenir leur équipe ont dû saccager, sous l'effet de la colère, tout ce qui s'est trouvé sur leur passage. Certains ont dû trouver exagéré, l'accueil réservé à l'équipe des “Lions de l'Atlas” tant face aux Algériens, qu'à son retour de Tunisie. Cette Tunisie à qui revient la palme. Là, la forme cède le pas à la sensation affective des masses qui, poussées par le succès sur l'Algérie lors de la précédente rencontre, ont fêté, à leur manière, le retour de l'équipe, pratiquement composée de jeunes footballeurs nés à l'étranger. Une première qui mérite d'être marquée et remarquée, ne serait-ce que pour l'union des cœurs exprimée, à l'arraché, dans toutes les villes, petites et grandes, par des manifestations spontanées. Ces jeunes de grande classe ont été honorés, valablement, par Sa Majesté le Roi avec, dans ses bras le Petit Prince, avec quelle affection au Palais Royal d'Agadir. En fait, le peuple a, au vol, saisi une occasion, pour, dans la rue, exprimer son ras-le-bol de la façon la plus belle, en portant, haut et fort, le sens du drapeau, à bout de bras porté, avec bien entendu, sur les lèvres un seul cri “Vive le Maroc, vive le Roi”. Mais, disons que le vrai bénéfice de cette ultime mobilisation, reste que, durant toute une semaine, grâce à la “muleta en bulle d'air” et pour la première fois depuis longtemps, les Marocains n'ont parlé que du Maroc ni d'Afghanistan, ni d'Irak, et bien plus encore, ni de toutes ces sacrées causes qui leur ont fait souvent oublier le mal de vivre de tout un peuple – le Nôtre, qui a, tellement, besoin de rappeler ses gouvernants à l'ordre. Voici un résumé de mon sentiment. Mais maintenant que faire ? Allons-nous compter sur le football pour arrimer à sa queue notre destin et faire de nous des spectateurs qui attendent, impatiemment le week-end pour applaudir la marque d'un but ou protester pour un simple “hors-jeu” ? Ce fait est là, mais n'y a-t-il rien d'autre à faire pour, comme on dit, attraper la balle au vol en stimulant par les actes cet amour viscéral que nous portons à la patrie des ancêtres ?. Nous l'avons vu et vécu, le peuple est tout présent pour répondre à l'appel du devoir mais, comment, sans attendre, lui en donner et l'opportunité et l'occasion car, un jour ou l'autre, passera la passion du football, qui pourrait nous donner ce que signale ce proverbe : “Jeu de mains, jeu de vilains”. Que Dieu fasse qu'il n'ait pas à attendre trop longtemps !