Mastra A partir de ce numéro, La Gazette du Maroc ouvre ses colonnes à tous les leaders et dirigeants de partis politiques, syndicats et autres associations. Il va de soi que leurs articles et contributions n'engagent que leur personne. Autant donc rêver, bouger et m'évader tout au fond des horizons bleutés par l'éloignement et me faire la grande faveur de m'intégrer dans leurs nuances. Et c'est ainsi que la brise remue les palmes et la bourrasque secoue la forêt. La terre, sous le soleil, subit son tourniquet tout autant que la misère des hommes. Et tout autant que la falaise, l'océan que j'admire, fasciné, la sublime fureur qui ne cesse de me donner une autre image du temps, une autre donne, un autre espace où la vie foisonne, fusionne, malaxe, unit et sépare en une infinité de couleurs vivantes, de teintes, de tons forts, de formes bizarrement faites, uniques en elles-mêmes, riches de la richesse du riche qui ne calcule que pour rendre à la création son dynamisme ou sa force illimitée dans l'art d'être, la fiction qui se mêle, intimement, à la vélocité des flots, à leur maîtrise débridée, à leur élan conçu pour demeurer une évasion dans toute chose exprimée au large de l'envolée, à cheval sur l'échine des vagues et le flux et le reflux des marées. Oui, j'aime m'imaginer au cœur de cette joie prise au lasso, de cette sensation qui émane de cette nature, forcément mouvante avec, en son dedans, un peuple issu de sa propre consistance. Oui, un autre peuple, une autre dimension de la nature dont rien n'altère cette existence échevelée où les poissons, grands, gros, petits, beaux, minces, perpétuellement en chasse, se dévorant les uns les autres, et, au cœur de tout cela, que de feintes, de tours joués, et pour tout dire quelle belle intelligence !… Là, le temps se charge de donner aux choses une autre signification même momentanée, dans la douceur de vivre, ne serait-ce qu'un moment. Oui, un monde, un autre monde de toute merveille, mais hélas ! dans la cruauté des espèces au même titre que notre pauvre humanité, avec ses barbus et ses barbouzes, ses tueurs et ses victimes, ses falsificateurs et ses traîtres et encore, il faut le dire, ces mendiantes qui, de tout, prennent prétexte pour exiger la dîme et transformer n'importe quel jour en “Aouacher Mabrouka”. La marmaille jetée dans la mêlée dit bien, par ses simagrées, ce que seront les générations à venir. Oh, Dieu ! Quelle drôle de pagaille qui donne l'image insensée de notre monde futur si rien n'est fait. Oui, triste pays que le nôtre où la bride sur le cou, n'importe quel quidam défait ou refait notre histoire, où n'importe quel écrivaillon touche, à la une de n'importe quel journal, aux choses les plus sacrées du Royaume, au point de me demander où allons-nous donc ? Oui, où allons-nous à cette allure lente ou précipitée selon l'humeur du temps, ou l'humeur tout court d'individus payés pour cela. Officiellement payés… Oui, et oui, bien sûr, après l'avoir été par des potentats dont personne aujourd'hui n'ignore le nom. Nous voici donc encore, une autre fois, face-à-face avec nous-mêmes. Autrement dit, nous revenons de manière inattendue à la case départ comme au temps où le parti unique, par tous les moyens, menaçait par l'activité de ses éléments subversifs, et la stabilité du pays et la tranquillité des esprits. Mais au moins, à l'époque, l'empoignade, simple et directe, était bien plus appropriée que maintenant. L'adversaire avait une autre allure, une existence prononcée, un objectif plus précis et, ma foi, c'était de bonne guerre. Mais aujourd'hui, comment répondre à ce défi inconséquent dont la responsabilité incombe, sans conteste, à l'acceptation ou à la passivité de l'on ne sait quel pouvoir qui encourage, il faut le dire, cette sorte de propagande insidieuse et cette révolte mimée qui ne correspond nullement, ni à notre manière de riposter, ni à notre attente de ce que devra devenir demain la patrie des ancêtres. Avec cela, le temps veille ou dort, mais jamais ne fait de cadeaux sur nul plan… avec ces rues pleines de déséquilibrés qui, chacun à sa façon, mange le macadam avec les dents de ses talons. On oublie toujours que le pouvoir est comme le feu. On ne l'approche jamais, à moins de tenir à brûler des meules de foin. Et l'on passe ainsi des nébuleuses aux trous noirs avaleurs des lunes à moudre. Là où notre terre tourne au hasard, perdue qu'elle est, dans des nuances fictives d'un arc-en-ciel lui-même inventé. Le ciel lui-même est mis en cause. Son bleu n'est pas assez fin pour les pupilles raffinées de quelques rares bonhommes qui trouvent leur morve grattée d'une précieuse essence. Oui passe qui veut sa route, ici, la sente ne mène nulle part quand même le ton reste acerbe et superbe à cause des roses et rosaces des situations qui agacent. Oui, fugace fut le bonheur d'être libres, ivres depuis, les idées s'offrent à tout passant pour s'acheter des dessous à dix sous la passe. Et évidemment, c'est l'impasse, nous dit l'ombre de mille fautes. Oui l'on se souvient des salamalecs, des bonjours, les doigts de pieds dans les babouches faites avec la peau des grosses mouches. L'on se souvient également des draperies de toutes couleurs et des dîners flamboyants en l'honneur des gringalets et bien sûr des gammes de notre drame quand aujourd'hui l'on constate que le bon cheval des quatre sabots boîte. Se rappeler paraît déplacé, je sais, mais que faire des souvenirs et comment vraiment tenir pour ne pas vite finir une fête qui dure depuis si longtemps. Cette bonne question devrait se poser en prose rimée même si le monde entier la croit périmée… Car elle est là à la porte, de sorte qu'un matador peut tuer d'un coup de fusil son taureau. Notre pays en est là, mais a-t-il cessé de faire appel à ses jambes car il s'était fait voler par un soir étoilé les ongles des doigts de pieds avant de lui bander les genoux pour faire de ses membres des sortes de cannes pour le faire sans nul doute, asseoir sur ses fesses, afin de donner dans cette pose, ses joues à qui veut les gifler, et chose étrange, il ne manque ni de flatteurs, ni de filous à la solde de l'étranger, ni de rien en fin de compte si ce n'est de lui-même. Oui, mon pays, tant présent dans l'histoire n'existe pas par lui-même. Il est ci, il est ça, il est africain, il est arabe, capitaliste et socialiste en même temps. Oui toutes ces épithètes qui s'annulent, s'affrontent, sans que le pays réel soit intéressé ou consulté par ceux-là mêmes qui se croient ses représentants. Il vit de la vie végétative des plantes aquatiques, il plonge mais accepte-t-il de servir de carpette, de descente de lit et même de rien du tout. Mais peut-on se demander jusqu'à quand ? Oui, bien sûr que tout le monde attend la suite de ce qui vient après quand rien n'annonce l'arrivée de quelque chose qui doit relancer ou stimuler notre destin ? Oui mais, et mais oui se succèdent sans pour autant s'annuler et c'est déjà quelque chose car nous attendons beaucoup de l'inattendu. Le miracle, dit-on, est dans notre destinée et l'on ne peut que l'accepter avec nos manies d'enfants gâtés. Mais l'on qualifie de goujat le destin, tout simplement, parce qu'il ne peut rien garantir à l'avance. Comprendre est bien facile, mais ne pas admettre… car en laissant couler la barque, ces bons messieurs disent qu'ils n'y sont pour rien tout en fabriquant tous ces riens qui laissent l'initiative à qui vous savez dans le but d'assumer leurs erreurs et leurs fautes. A lui d'essuyer la glace avec son propre désenchantement et celui de son peuple en même temps, c'est-à-dire le nôtre… Toi, moi, et de proche en proche jusqu'à l'horizon. Et comme on dit, c'est mon souhait le plus ardent, il y a lieu de reprendre tout à zéro en chassant ces salopards. C'est ceci ou cela, mais non les deux à la fois.