Dans le monde entier, les femmes marocaines sont réputées pour leur savoir-faire traditionnel et millénaire qui trouve de plus en plus de succès dans le milieu de la mode et des cosmétiques. Experte en soins du corps et dans l'art de se mettre en valeur, cette image pourrait même servir de support à une activité économique à part entière. On entre dans la période de l'année où les ventes de produits de beauté et les soins esthétiques en tous genres sont en hausse. A peine sorties du mois de Ramadan, les femmes cherchent souvent à effacer les marques de la fatigue et des privations.Sur le chapitre de la beauté, on observe un curieux phénomène. Les Marocaines ne jurent plus que par les cosmétiques importés, vus à la télé et les grandes marques internationales à la mode : Vichy, l'Oréal, Maybelline, symboles et garantie de raffinement et de qualité.Or on constate, de façon contradictoire, qu'en Europe et aux Etats-Unis, sanctuaires de référence dans ce domaine, là où soit disant se “fait la mode”, les produits les plus in et les plus recherchés sont ceux estampillés “à l'orientale”. En ce qui concerne les cosmétiques, on revient de plus en plus aux produits traditionnels, naturels, voire biologiques. A ce titre, il existe une forte demande en savoir- faire et en produits exotiques, orientaux. Le Maroc apparaît alors comme un pays privilégié du Maghreb en tant que porte sur l'Afrique. Il tient une place toute particulière lorsqu'il s'agit de fournir ces éléments requis pour les soins du corps. En outre, les Marocaines possèdent à l'étranger une réputation qui n'est plus à faire en ce qui concerne les soins de beauté et leur maîtrise, leur connaissance pour la mise en valeur du corps. Dans le monde occidental, elles apparaissent comme une référence pour les “secrets de beauté”. La Marocaine reste entourée d'un certain mystère et chargée d'une sensualité dont s'inspirent en force le monde de la mode et celui des cosmétiques. Des chaînes de magasins en Europe font la promotion avec succès de produits typiques et on peut trouver sur Internet des réseaux de diffusion spécialisés…Ces produits mettent en avant dans leur composition des ingrédients très traditionnels. Le Maroc bénéficie dans ce domaine à la fois d'un savoir-faire millénaire et d'une image véhiculée depuis le temps de la colonisation, des contes orientaux, l'imaginaire du harem, celui de la femme aux yeux de braise inaccessible sous ses voiles…Autant d'éléments d'orientalisme et d'exotisme qui font rêver les “occidentaux” et leurs femmes. Quittant le monde des chimères et des préjugés, il faut concéder que la Marocaine possède ancrés en elle-même une éducation et un goût de la mise en valeur de sa personne. Les Marocaines ont un talent tout particulier dans la mise en beauté et l'utilisation de ces sortilèges “attrape-cœur”. C'est aussi bien une question de mentalité avec la tradition du Hammam par exemple et de critères de séduction. Plus concrètement, le Maroc est aussi un lieu de production de substances nécessaires à ce type de soins. Le pays en fait un commerce important : une production nationale mais aussi destinée de plus en plus à l'exportation. La “femme du Maroc” demeure toujours dans cette position qui la caractérise, entre tradition et modernité, entre émancipation et carcan social. A travers la diffusion de son image, en s'inspirant d'un savoir-faire ancestral, elle arrive à en faire un outil de son émancipation sur la scène internationale. C'est peut-être la fin du “sois belle et tais toi” pour le début du “sois belle et assume toi ”… Entretien avec Abdelhaï Sijelmassi, pharmacien Des bonnes recettes Auteur de deux best-sellers sur ce thème : “Plantes médicinales du Maroc” et “Recettes de beauté des femmes du Maroc”, ce dernier ouvrage va d'ailleurs être prochainement diffusé en Europe par la grande chaîne de magasins “Nature et Découverte” en pleine expansion. La Gazette du Maroc : comment perce-t-on les secrets de beauté des femmes marocaines ? Abdelhaï Sijelmassi : en fait, c'est en recueillant le mode de préparation des plantes médicinales typiques du Maroc pour mon autre livre que j'ai en même temps découvert l'étendue des recettes concernant les soins de beauté au Maroc. Ces secrets sont encore détenus par des femmes d'une autre génération et j'en ai reçu pas mal de ma propre mère. Les femmes de ce temps prenaient vraiment un grand soin de leur corps. Surtout dans des milieux un peu favorisés comme celui auquel ma mère appartenait. Comme elles avaient des domestiques pour la maison et les tâches ménagères, cela leur laissait du temps libre à consacrer exclusivement à leur beauté. Une grande partie de leurs occupations était consacrée à la préparation de toutes ces mixtures. A titre d'exemple, la séance du hammam durait une journée entière et cela nécessitait une autre journée rien qu'à la préparation de ce jour particulier. Ce qui a motivé la mise par écrit de ce savoir, c'est la disparition progressive et inéluctable de ces générations, de ce mode de vie et donc de ces pratiques. A l'heure actuelle, les jeunes femmes vivent différemment et n'ont peut-être plus ni autant de temps ni autant d'intérêt pour ce type de préparations. Je voulais donc consigner par écrit cette science.Passionné de randonnées et de marche en montagne, j'ai aussi profité d'un savoir ancestral et de certaines recettes gardées précieusement dans les petits villages reculés. Autant pour la préparation des plantes médicinales, les guérisseurs étaient souvent réticents à livrer ce qui est en fait leur fonds de commerce, autant je n'ai pas rencontré trop de difficultés pour recueillir auprès des femmes leurs secrets. Elles ne se cachent pas et sont généralement fières de transmettre leurs recettes les plus typiques. Il faut travailler à la préservation de ce savoir. L'attraction et la curiosité qu'il exerce à l'étranger pourra peut-être aider à le conserver vivant… Le hammam : un lieu de soin Le premier type de soins de beauté parmi les plus répandus et les plus traditionnels au Maroc est le rituel du hammam. Tout un art. Hérité de l'antiquité et des thermes romains, ces bains chauds et tout le cérémonial de la toilette qui les entourent appartiennent à l'imaginaire de l'exotisme oriental. Très diffusés chez nous ( il y en a même un au sein de la grande mosquée Hassan II ), ils incarnent un véritable style de vie et un certain rapport au corps. Ils ont été récupérés en Occident et sont souvent proposés dans les stations thermales et de thalassothérapie en Europe, au même titre que les saunas. Ce sont à la fois des lieux de détente et de soins puisque ce type de chaleur est reconnu fortement bénéfique pour la circulation sanguine et les voies respiratoires. Le hammam est ainsi le lieu où s'effectuent les soins qui ont contribué à la réputation de sensualité des femmes marocaines : l'épilation à la cire , au miel et au citron ( recette reprise dans la plupart des instituts de beauté en vogue à l'étranger) , le gommage au savon naturel produit à Taza par exemple qui rend la peau d'une douceur inégalée , l'utilisation du ghassoul, issu d'une couche argileuse que l'on ne trouve qu'au Maroc et en Californie, exporté massivement vers l'Algérie et la Tunisie et surtout du henné , produit roi pour la santé des cheveux et leur brillance dont la meilleure qualité est récoltée du côté de Ouarzazate. Une grande partie de cette image de raffinement que dégagent les femmes marocaines est aussi à lier à l'utilisation généralisée d'une gamme de produits d'embellissement et à un goût sûr pour le maquillage. Tous les sens sont mis à contribution: La vue particulièrement, avec l'utilisation experte du khôl obtenu à base d'antimoine ou le rouge à lèvres de Fès; l'odorat avec les senteurs de musc, d'ambre et l'eau de rose dont regorgent les vallées du Sud de l'Atlas…Certains produits traditionnels du pays sont presque des exclusivités mondiales . Ils ne sont disponibles quasiment qu'au Maroc. L'huile d'Argan est l'un de ces produits dont la demande ne cesse d'augmenter alors que le Maroc est un des seuls fournisseurs sur la scène internationale. Le Maroc va peut-être miser sur la beauté de ses femmes et l'exportation de leur art secret pour reconnaître et réutiliser économiquement la qualité de certains produits locaux. Féministe et musulmane, pas de contradiction La proclamation du nouveau Code de la famille par sa Majesté et l'avancée radicale de la condition de la femme au Maroc ont provoqué de nombreuses réactions à l'étranger. Cela a fait réagir et a relancé le débat sur la scène internationale. La voix des féministes qui se battent en terre musulmane pour que l'on reconnaisse enfin leurs droits se fait de nouveau entendre. Contrairement à ce qui est malheureusement communément pensé, la notion d'égalité entre les sexes et la mentalité féministe ne sont pas forcément incompatibles avec les préceptes de l'Islam et la fidélité à la religion musulmane. C'est une des choses dont il faut plus que jamais tenir compte face à la menace grandissante de l'intégrisme. On constate ainsi que les féministes qui applaudissent le nouveau statut de la femme ne rejettent pas pour autant la dimension et les croyances religieuses, au contraire. Cette tendance se retrouve au sein de nombreuses prises de position un peu partout dans le monde musulman. Ce qui est mis en évidence par les manifestantes c'est l'égalité entre les sexes comme une idée spirituelle en phase avec la religion. En considérant la femme comme l'égale de son partenaire masculin, la réforme de la Moudawana a donné l'occasion aux féministes du monde musulman de se mobiliser et de faire entendre leur espoir. Zineb Tamène, journaliste au Matin à Alger exprime cette espérance "je crie à toutes les femmes que notre président pour 2004, c'est celui qui doit sans équivoque accepter et faire respecter la démocratie c'est-à-dire le système politique dans lequel le pouvoir émane de tout le peuple et où hommes et femmes sont citoyens, sans élitisme , sans ségrégation , sans sexisme ni favoritisme…N'ayez pas peur de nous , hommes d'Algérie, nous luttons uniquement pour retrouver notre citoyenneté afin de vivre ensemble et avec vous en harmonie ". Cet appel témoigne d'une aspiration générale au sein du monde musulman .Le problème du statut précaire de la femme apparaîtrait comme une mauvaise interprétation du Coran. Chirine Ebadi, le prix Nobel de la Paix 2003, a écrit que "l'égalité des femmes et des hommes devant la loi est depuis le dernier siècle un enjeu dans la plupart des pays musulmans. L'Islam a été traditionnellement interprété et analysé par des juristes hommes, à travers une culture patriarcale, ce qui explique la place des femmes dans les lois des pays musulmans. Il est fondamental qu'à long terme des femmes juristes religieuses soient formées pour présenter une autre lecture de la religion ". On peut lutter pour l'égalité des femmes et des hommes face à la loi sans pour autant attaquer la religion dans son essence. Zainah Anwar, en Malaisie, est la dirigeante des "Sœurs en Islam", une organisation non gouvernementale qui lutte pour les droits de la femme en cadre musulman. Elle démontre que l'Islam pose même comme une de ses bases l'égalité entre les croyants quel que soit leur sexe : "il n'est pas question que je rejette la religion pour pouvoir vivre ma vie en féministe. Je suis croyante et je veux trouver des solutions sans renier ma foi. Je suis donc revenue au Coran pour trouver des réponses. Le livre parle d'amour, de compassion, d'égalité, de justice, de liberté et de dignité. Il parle de responsabilité égale pour les deux sexes dans ce monde et de récompense égale dans l'autre. Le Coran dit : "que vous soyez homme ou femme vous êtes membres l'un de l'autre." Dans le verset final révélé par Dieu sur les relations entre les hommes et les femmes, il dit que "chacun est l'ami, le gardien et le protecteur de l'autre. ". Je ne vois rien sur la supériorité ou l'infériorité d'un sexe ou de l'autre dans le Livre que je connais."Le nouveau statut attribué aux femmes vers une plus grande égalité et une réelle équité n'est donc pas en contradiction avec la loi religieuse.La reconnaissance de la femme est au sein même de la religion musulmane. Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler qui fut la première personne que le prophète convertit à la toute nouvelle religion musulmane alors à peine révélée...Nul autre que Khadija son épouse, la compagne qui ne l'a jamais abandonné…