Sondage En partenariat avec des chercheurs du Département des Sciences politiques de la Faculté de Droit de Casablanca, la Gazette du Maroc a réalisé un sondage sur l'impact de la guerre du Golfe sur l'opinion publique marocaine. 450 personnes, âgées entre 18 et 60 ans et issues des différentes catégories sociales, ont été interrogées. En gros, l'opinion publique marocaine semble capable de faire montre d'un haut degré de “ rationalité politique ”, nécessaire à la consolidation d'un comportement politique responsable et pondéré. Partout à travers le monde, et à l'intérieur même des Etats-Unis, les manifestations contre la guerre menée par l'administration Bush en Irak se multiplient. Cette campagne militaire est qualifiée d'agression caractérisée parce qu'elle n'a pas reçu l'aval du Conseil de sécurité. Qu'en est-il de la tendance de l'opinion publique marocaine ? Pense-t-elle que la guerre contre l'Irak est légitime ? Croit-elle encore à la résolution du conflit par des moyens pacifiques ? Jusqu'à quel point est-elle prête à soutenir le peuple irakien ? Est-ce que les régimes arabes sont capables de mettre fin à la guerre ? Comment l'opinion publique perçoit-elle l'issue de cette guerre ? D'après les résultats du sondage, la majorité écrasante des sondés décrie l'illégalité de la guerre. A titre illustratif, 99% des interrogés affirment que les USA n'ont pas respecté le droit international. Et que par conséquent, l'administration Bush a bel et bien perdu le combat diplomatique. Ces conclusions rejoignent le point de vue de la communauté internationale, scandalisée par le comportement unilatéral et irresponsable des Etats-Unis. Dans le même registre, les réponses des personnes interrogées soulèvent l'échec cuisant de la communauté internationale dans la préservation de la paix et la sécurité internationale. Pour exemple, 92% des questionnés ont affirmé que l'ONU a failli à son devoir de faire prévaloir la suprématie du droit international. Toutefois, force est de constater que la majeure partie des interviewés, près de 90%, sont tout de même en faveur d'une solution diplomatique du conflit. Par conséquent, on serait tenté de conclure que l'opinion publique marocaine affiche une “tendance pacifiste” qui récuse le recours à la violence et à la brutalité. Les Arabes dans l'impuissance D'après les résultats du sondage, il ressort que la majorité absolue des sondés, près de 65%, est convaincue que les efforts diplomatiques déployés par les pays arabes, en vue d'éviter la guerre, n'étaient pas sincères dans l'ensemble. Seulement 23% des questionnés estiment que les gouvernements arabes étaient dans l'incapacité d'influer sur la décision des Etats-Unis d'engager la guerre contre l'Irak. En d'autres termes, seulement une minorité de l'opinion publique marocaine prend en considération les rapports de forces asymétriques entre les USA et les pays arabes. D'un autre côté, les partisans de la théorie de la “conspiration politique” des régimes arabes avec les Etats-Unis ne représentent que 12% parmi les personnes interrogées. En un mot, l'opinion publique marocaine semble capable de faire montre d'un haut degré de “rationalité politique”, nécessaire à la consolidation d'un comportement politique responsable et pondéré. Contre la guerre… pacifiquement Comme prévu, la majeure partie des personnes interrogées refuse de soutenir la guerre des Etats-Unis contre l'Irak. Ainsi, près de 74% estiment que le Maroc ne doit pas soutenir les Etats-Unis même si ses intérêts économiques pouvaient être menacés. Mieux, la majorité écrasante des questionnés, près de 98%, refuse catégoriquement de soutenir militairement la guerre, au cas où les Etats-Unis parviennent à forcer la communauté internationale à former une coalition militaire par les voies de l'ONU. Cependant, derrière ce refus catégorique de soutenir la guerre, les résultats du sondage ont révélé une tendance protestataire salutaire d'une grande partie de l'opinion publique marocaine. Pour la majorité des questionnés, près de 70%, la manifestation pacifique est le meilleur moyen pour protester contre la guerre injuste menée contre l'Irak. Alors que seulement 27 % des interviewés se disent prêts à rejoindre les rangs de l'armée irakienne afin de défendre un pays musulman frère. En revanche, les partisans d'une protestation non pacifique contre les intérêts américano-britanniques au Maroc, ne représentent que 3% des personnes interrogées. Cela traduit, incontestablement, la maturité politique d'une grande partie de l'opinion publique marocaine, qui affiche un haut degré de citoyenneté et d'esprit civique. Surtout face à la flambée des sentiments de solidarité avec un pays arabo-musulman en guerre. Le pétrole : wanted ! Les résultats du sondage confirment l'idée que l'objectif principal de la guerre menée par les USA contre l'Irak est sans aucun doute : le pétrole. C'est justement l'avis de la majorité écrasante des questionnés, près de 95%, qui affirment que le pétrole est, de loin, la motivation majeure de la troisième guerre du Golfe. En fait, les Marocains sont plutôt conscients des enjeux économiques et financiers qui sous-tendent l'invasion américaine de l'Irak. En contrepartie, la majorité de l'opinion publique marocaine est persuadée que la restauration de la paix et la démocratie n'est qu'une tactique habilement véhiculée par les Etats-Unis, pour légitimer la guerre contre l'Irak. Le régime de Saddam : le compte à rebours D'après les résultats du sondage, la grande majorité des questionnés, près de 70%, est persuadée que l'Irak sortira vaincu de la guerre. Autrement dit, les Marocains sont convaincus que la guerre américaine contre l'Irak est inégale. Et que, par conséquent, le régime de Saddam est condamné à subir la loi du plus fort. A ce niveau, on serait tenté de dire que les Américains ont réussi à conditionner les représentations politiques des populations arabes. Ces dernières considèrent les Etats-Unis comme le maître absolu du monde, le seul capable de retracer les contours d'un “Nouvel ordre international”. Face à la démission de l'ONU et des régimes arabes, l'opinion publique marocaine trouve son réconfort dans les manifestations pacifiques qui dénoncent l'agression américaine.