Contrairement à la manière avec laquelle son recrutement s'était effectué, son limogeage ne s'est pas fait attendre. L'épisode Roger Lemerre aura été de courte durée, juste le temps d'essuyer quelques douloureux revers, et pas des moindres. Les millions de fans du Onze national ne pouvaient supporter de voir le Onze Gabonais dicter sa loi à celui-ci ou que l'équipe du Togo ne vienne lui brûler la politesse chez lui. Entre temps, il y a eu un nul peu convaincant et quasi inutile face à des Camerounais vieillissants. Maintenant que l'on s'achemine vers une autre étape après avoir enterré, vite fait, celle de Lemerre, il conviendrait de se poser quelques questions et d'essayer de délimiter quelques responsabilités, sachant que le vieil entraîneur français n'a pas démarqué au Maroc tout seul ou sur un coup de tête. Mais il en a été prié et même longuement et ardemment attendu, et surtout grassement payé. Force est de reconnaître cependant que Roger Lemerre est loin d'être un novice ou un illustre inconnu. Son palmarès particulièrement éloquent, plaide pour lui et surtout pour son titre de champion d'Europe avec les Tricolores ou celui d'Afrique avec la Tunisie. Ses limites, c'est avec cette dernière sélection qu'il les affichera. Tant que les résultats étaient de la partie, on lui passait ses caprices, car il était connu pour être irascible et peu affable. Mais le blocage a fini par prendre le dessus pour que les critiques fusent de toutes parts. C'est donc un gars en plein doute que l'on est allé chercher, mais cela ne l'a pas empêché de discuter au mieux les termes de son contrat. Rien à voir avec les petits salaires qu'il avait perçus jusque- là, que ce soit en France ou en Tunisie. Et dès la prise en main de ses fonctions, il a laissé ses dernières cartouches à Tunis, mais pas son air hautain ni sa mauvaise humeur. Et ce n'est pas la presse marocaine, qu'il a magistralement snobée, qui dira le contraire. Mais ce serait faire preuve de cécité que de ne pas relever qu'en débarquant de ce côté-ci, il a dû comprendre qu'il n'y avait pas grand-chose à se mettre sous les dents. L'équipe du Maroc avait trop tourné en rond en attendant son arrivée. Celui promu directeur technique national, Morlan, qu'il avait ramené dans ses bagages, pour assurer la restructuration d'un football battant de l'aile, ne savait par quel bout commencer. Il avait une autre idée sur le sujet, avant qu'il ne soit choqué par le vide régnant. Si Lemerre a montré ses limites parce qu'il était obligé de s'exhiber, Morlan, lui, n'a pas grand-chose à se reprocher. Il aura brillé par sa discrétion. Tant il est vrai qu'il s'attendait à un tout autre décor. Disons-le enfin : ce n'est pas qu'une affaire de techniciens, le problème est beaucoup plus grave. C'est ce que ne comprennent pas ces valeureux parlementaires qui ne se souviennent de l'existence du football que lorsque le Onze national essuie de tristes revers. C'est là qu'ils se manifestent pour nous gratifier de « fatwas » de novices. Genre, il faut un entraîneur marocain. Amen. Sauf qu'il faut bien le trouver, celui-là, avec le profil adéquat, le CV respectable et la compétence. Ce serait un crime que de confier une si lourde responsabilité à un débutant ou à quelqu'un qui n'est pas en mesure de se targuer du moindre titre. Et puis, tant que l'on n'a pas tenté une vraie réforme depuis la base, depuis les clubs et à travers toutes les catégories des jeunes, on risque fort de ne pas se démarquer de la case départ.