La violence à l'école n'est plus un épiphénomène. Elle fait partie intégrante de ce que l'on pourrait appeler le contexte pédagogique actuel. Entre les élèves, c'est la jungle. Un dernier événement tragique, le suicide d'un enfant maltraité par ses compagnons, a suscité une grande émotion, alors que le phénomène est grave et connu. Dans certains collèges, les canifs font partie de la trousse à outils quand ils ne la remplacent pas. Il faut faire partie d'un groupe, d'un gang pour se protéger. Le racket est une pratique courante et il n'est pas rare qu'un enfant se fasse voler ses espadrilles, son veston, ou son MP4 par des voyous de sa classe. Les enseignants, comme sur le reste, ont démissionné. L'administration ne fait plus la loi à la recréation, dans la cour, il n'y a plus de rangées à l'entrée des classes. Pire, ils donnent des notes élevées même aux absents. Parce que sinon leur voiture est détériorée et ils ou elles risquent l'agression aux portes de l'école. Une anarchie indescriptible règne, y compris dans les écoles primaires, surtout celles situées dans les quartiers populaires. Perte de valeur Au point qu'un haut responsable affirme « j'ai lu dernièrement une comparaison intéressante, le seul environnement qui ressemble à l'école est celui du monde carcéral. On impose à des jeunes un temps particulier avec des séquences réglées, une promiscuité, d'où le stress et la violence ». Si cette comparaison est possible, c'est parce que l'école a perdu sa sacralité. L'enfant n'y va plus pour apprendre, en la considérant comme une lumière, une chance. C'est l'aura de l'école qui faisait le respect du maître, l'acceptation de la discipline, la soumission aux règles. Le ministre de l'éducation a raison quand il dit que malgré les mesures prises contre ce phénomène, il faut un débat social. La violence n'est qu'un aspect d'une crise qui marginalise le système éducatif dans son ensemble. Il est vrai que la violence augmente aussi dans la société en général. Que l'incivilité règne dans le voisinage, sur les routes, devant les lieux publics. Mais justement, l'école remise au cœur du projet sociétal doit redevenir un sanctuaire, préparant des citoyens meilleurs que les adultes d'aujourd'hui. Les mesures prises, la médiation, la protection de l'environnement immédiat des établissements scolaires sont nécessaires et l'on ne comprend pas qu'elles ne soient prises que maintenant. Seront-elles suffisantes ? On en doute, parce que la violence à l'école est l'expression d'une dévalorisation de celle-ci, de la dégradation du statut social de l'enseignant, du peu de conviction dans le rôle de l'éducation affiché par parents et élèves. Dès lors, la lutte contre la violence ne peut-être qu'un élément de la réforme de l'école, dans le cadre d'un projet de société mobilisateur.