Si les navires de commerce russes ne sont guère épargnés, comme les pétroliers saoudiens par les pirates somaliens écumant les mers, à telle enseigne que des navires de guerre sont dépêchés pour les escorter, ils ne sont pas mieux lotis en mouillant dans nos eaux territoriales. Le drame du navire russe Baltiyskiy-21 est incroyablement vrai car son immobilisation au port de Casablanca dure depuis 2 ans et demi (saisi le 14 juillet 2006) déjà, et a fait l'objet d'une double saisie conservatoire. L'armateur déclarant faillite a pris la poudre d'escampette, livrant l'équipage du bateau à l'enfer de la survie, sans ressources ni d'autres alternatives que la mendicité et la prostitution (2 femmes sont membres de l'équipage) pour subsister. Double saisie ? Saisie in rem (navire) ou saisie in personam (propriétaire, affréteur, capitaine)? Ou les deux à la fois ? Pour l'instant, personne ne réagit pour trouver un aboutissement ou un compromis à ce lamentable état de fait. Mais selon l'avocat expert près la Cour suprême et expert en droit maritime, Kamal Saigh, le cas du navire Baltiykiy-21 dépasse l'entendement car «c'est un cas unique dans le genre qui a fait l'objet d'une double saisie et qui est aggravé par l'inertie générale, car personne ne veut agir. Normalement, pareil cas en Europe, c'est l'administration qui l'aurait réglé ou lieu de laisser des équipages mourir de faim». Pour sa part, Faraj, un des responsables au port de Casablanca, ne décolère pas face à ce drame : «Le navire russe saisi depuis deux ans et toujours immobilisé au port de Casablanca a été abandonné par l'armateur laissant son équipage à bord, sans ressources ni d'autres alternatives que la débrouillardise avec tous les aléas négatifs et les risques encourus pouvant écorcher l'image de notre pays à l'extérieur». Quant au Directeur de l'IMCA, Fouad Azzabi, «le traitement des saisies de navires au Maroc est très spécial comparé au reste du monde. Le cas du navire russe dépasse l'entendement et traduit le comble de l'aberration de notre machine bureaucratique et juridique très rigide et pénalisante». Enfin, aux yeux du Commandant du port Atmani, «il s'agit dans le cas d'espèce d'une catastrophe humanitaire et les pires conséquences sont à craindre si les saisies de navires de commerce au port de Casablanca ne cessent pas». Aux dernières nouvelles, l'équipage aurait tout vendu à bord pour survivre, transformant leur bateau en épave flottante. Ils auraient aussi refusé de coopérer au moment où le consignataire s'était engagé à prendre en charge les frais de leur rapatriement : «Nous refusons de quitter le navire tant que nos droits, salaires et indemnités sur toute la durée de la saisie ne nous auront pas été versés». Quant au bateau, il serait devenu «fantôme» au port pour pouvoir le localiser.