A l'intimité des cercles sportifs comme le Royal golf, le tir aux pigeons, les cercles professionnels, les clubs comme le Rotary qui réunissent également les puissants de même bord, les villas de luxe, il faut ajouter des rendez-vous plus décalés, cafés chics, restaurants sélect, Palaces clinquants, des lieux de pouvoir moins évidents, où il fait bon d'être vu, où des contrats sont signés envers et contre tout, où les passe-droits sont fréquents, où l'impossible devient subitement possible. El Himma a toujours préféré rencontrer les journalistes au très fermé Club nautique de Salé installé sur les rives du Bouregreg. Il y a deux ans de cela, le lieu qui appartenait à la DGED , avait été choisi pour dévoiler aux journalistes le fameux plan d'autonomie qui sera présenté aux pays membres du Conseil de sécurité peu après. Le ministre de l'Intérieur, l'ex-ministre délégué à l'Intérieur et… le patron de la DGED (Direction générale des études et de la documentation), service de contre-espionnage national, avait fait le déplacement pour parler du dossier du Sahara. Ce n'était pas la première fois que des journalistes étaient conviés à partager la table de politiques dans le fameux club et depuis, il n'est pas rare de croiser une personnalité bien en vue attablée sur les rives du Bouregreg. A l'époque, El Himma en faisait son QG informel, là que s'organise sa stratégie politique. «Ici, on se frotte aux gens qui ont du pouvoir et qui peuvent faire quelque chose pour tel ou tel dossier. On mange un coup, on boit un coup, on discute beaucoup. Autour d'une bonne bouteille, ça se passe toujours beaucoup mieux. Pour faire court, disons qu'on fait de la veille politique, pour voir qui fait quoi dans quel secteur et avec qui on pourrait travailler » précise un habitué de la maison. On raconte que la veille de la nomination du gouvernement El Fassi, Yasmina Baddou dînait à la Villa Mandarine, quand un coup de fil lui annonça qu'elle avait hérité du département de la Santé. « On dînait juste à côté et on a bien vu que Baddou n'arrivait pas à cacher sa joie. Elle parlait fort, riait à gorge déployée et tous les clients ont su ce soir, qu'il y avait un nouveau patron à la tête du ministère de la Santé et que c'était précisément, elle Yasmina Baddou», rappelle un client fortuné de ce restaurant préféré du gratin rbati, toutes sphères confondues. En effet, la Villa Mandarine, le chic et pas forcément cher restaurant de la rue Ouled Bousbaa, dans le quartier résidentiel du Souissi, est le passage obligé des politiques du pays. «On y croise systématiquement une dizaine de personnalités de premier plan», témoigne un fidèle, qui fait partie des happy few à avoir droit à fréquenter ce lieu. La cuisine du chef Wolgang Grobauer, étoilé au Michelin, explique un peu que le lieu soit aussi couru par le tout Rabat. Une notoriété disputée âprement à des enseignes comme «Chez Paul et encore Le Nôtre» dont la côte reste fonction de la fréquence des habitués et surtout de leur puissance politique du moment.... Incontournable dans le microcosme sécuritaire, mais parfaitement ignoré du grand public, les diverses tables du Hilton ont toujours la côte auprès des sécuritaires et autres James Bond locaux. La discrétion se paye à ce prix. Rien d'exceptionnel côté assiette, mais une capacité à attirer ce monde parallèle, jamais infirmée depuis l'indépendance. S'il n'est pas rare de croiser un général en exercice comme Hamidou Laânigri, les uniformes sont souvent remisés au placard et les rencontres plutôt informelles. Déjà archi in depuis quelques années, l'hôtel Soudouss ne paye pas de mine. Situé à l'Agdal, en face de la gendarmerie, cet établissement caché derrière un parking à la végétation luxuriante, est pourtant le rendez-vous privilégié des politiques qui espèrent à coup sûr faire la rencontre qu'il faut, au moment qu'il faut. Décoré grâce à des pièces d'antiquité rares sélectionnées un peu partout dans le monde, de l'Inde à la Chine, en passant par la Turquie, l'établissement cultive la discrétion à l'extrême. C'est d'ailleurs là que Abderrahman Youssoufi a séjourné les quelques mois qu'il a passés à Rabat, avant qu'on ne lui ait aménagé la résidence de Premier ministre. Il n'est pas rare de croiser une grosse pointure de la classe politique française dans le restaurant de l'hôtel. Dominique Strauss Kahn fait d'ailleurs partie des habitués de l'établissement. Mais aussi, le Restaurant L'Entrecote (Rabat), fréquenté par les ministres et autres hauts fonctionnaires, Le Nôtre (Rabat), Chez Paul (en face du Lycée Descartes, Rabat), Restaurant Rouget de liles (Casablanca), Café Fiori, Café Palma de Mallorca (Bd d'Anfa, Casablanca propriété de Badou Zaki), fréquenté par les architectes et les gros pontes de la promotion immobilière. Km 7,5 : L'antre de Basri Feu Driss Basri réglait beaucoup de problèmes, chez lui, ou au Golf. Beaucoup de ses détracteurs d'aujourd'hui faisaient le pied de grue devant sa maison, surtout dans les années 90, quand il est devenu le véritable numéro deux du régime. Tous les dossiers passaient par lui. Ainsi, un ancien dirigeant de l'ex-PSD raconte : «Basri nous a appelé avant les élections de 97 pour nous inviter chez lui à 20 heures. Une fois arrivés, nous avons pu apercevoir le comité de RSS dans un salon et deux zaïms de l'opposition de l'époque dans un autre salon. Il n'est arrivé qu'à minuit pour nous annoncer qu'il nous intégrait à la Commission nationale des élections. Nous avons attendu quatre heures pour apprendre une nouvelle qui aurait pu nous être communiquée par téléphone». Mais des dossiers brûlants, des nominations, des financements occultes..., ont été négociés chez feu Driss Basri. La villa du Km 7,5 route des zaers, a été un passage obligé durant des décennies. Si ces murs pouvaient parler, beaucoup de décideurs seraient obligés de se taire. Le siège de la COSEF On prête beaucoup d'influence à Meziane Belfkih et surtout en termes de cooptation des ingénieurs. L'homme s'en est toujours défendu. Par contre, il revendique haut et fort son attachement au dossier de l'éducation. C'est d'ailleurs au siège de la COSEF, qu'il reçoit souvent ses interlocuteurs, sa maison n'accueillant que ses intimes. Meziane Belfquih est d'une correction absolue, il est rare qu'il rate un rendez-vous et c'est toujours pour des raisons implacables. Sa ponctualité est légendaire, ce qui est rare chez nos gouvernants. Au siège de la COSEF, il traite aussi les autres dossiers, dont il a la charge en tant que conseiller. Ce sont les dossiers des grandes infrastructures de quelques établissements publics, mais aussi, ponctuellement, des dossiers politiques d'actualité. Le siège de la COSEF, a été le lieu où de grandes décisions ont été préparées et où d'autres se préparent. Il reste le lieu où Belfquih poursuit sa mission, sa passion, le suivi du dossier de l'Education. La maison d'El Himma Du temps où il était aux affaires, Fouad Ali El Himma était un homme surchargé, ne maîtrisant pas son agenda. Il était donc plus simple pour lui de recevoir ses interlocuteurs chez lui, où l'attente était plus acceptable. C'est chez lui que les premiers contacts, avec les anciens détenus politiques, ayant abouti à l'IER, ont eu lieu. C'est chez lui que les contacts pour un ensemble de changements, de ralliements ont eu lieu. Il travaillait aussi chez lui et recevait ses collaborateurs à sa demeure. Cependant, il a toujours récusé l'accusation du phénomène de cour, à tous ses interlocuteurs, il a toujours précisé qu'il ne prenait pas d'engagement au nom du Roi. Son leitmotiv a toujours été «Il n'y a pas de numéro 2, il y a Sa Majesté et l'ensemble de ses collaborateurs». N'empêche que sa maison était un lieu de pouvoir, de préparation de décisions et surtout de contacts transversaux, qui lui servent toujours dans son aventure politique.