Pour les Marocains, le recours à la science, au psychologue, rencontre beaucoup de résistance, alors que c'est une science confirmée. Travail sociétal de fond, effet de mode ou -pourquoi pas- nécessité, le rapport des Marocains à la «psy» en général, doit changer. Nul n'est prophète en son pays, paraît-il. Ici comme ailleurs. Ce n'est sûrement pas Ghita El Khayat qui nous contredira. Elle qui fut l'une des précurseurs de la prise en charge de la maladie mentale au Maroc. S'appuyant sur les savoirs ancestraux elle tenta d'amener petit à petit le malade mental marocain de la magie, plus ou moins noire, à la science. Il faut cependant garder raison. On peut bien évidemment ressentir le besoin d'aller consulter sans pour autant être malade mental. Vous me direz : à contrario, un authentique psychopathe ne se sent pas malade mental pour autant… La plupart des gens à qui l'on parle de psychothérapie répondent habituellement qu'ils “ne sont pas fous” et n'ont, par conséquent, pas besoin d'un psy. Pourtant, sans être «fou», il arrive à l'homme dit «normal» de souffrir. Or, toute souffrance peut-elle être considérée comme liée à une maladie ? Dans la vie quotidienne, chacun constate deux comportements possibles. Le dépressif va manifester sa souffrance de manière intériorisée, retournée contre soi-même. Et l'excité va l'exprimer sous forme d'agitation extérieure. Dans une tentative d'éliminer la tension interne ? Mais il faut bien comprendre qu'au niveau du fonctionnement psychologique ordinaire, ce sont bien ces deux mêmes processus que l'on retrouve ! En chacun d'entre nous, il peut y avoir une réaction interne engendrant la culpabilité, c'est-à-dire, retournement de la violence contre l'image de soi, et donc dépression; ou, au contraire, réaction externe, avec des projections mentales qui feront d'autrui le responsable de notre propre souffrance, et susciteront l'agressivité. Bien sûr, tant que cette souffrance reste modérée, on peut parler de personnalité ordinaire, avec son système de compensation habituel qui ne fonctionne pas trop mal ; mais lorsque les systèmes de compensation sont défectueux, l'ampleur de la souffrance devient plus importante, et l'on assiste alors à ce qu'il faut bien commencer à appeler la maladie mentale. Ces systèmes de compensations qui permettent à cet homme “normal” -que les psy qualifient d'ailleurs de «normosé»- de faire face à un état de souffrance modéré, sont des systèmes de fuite, comme par exemple l'habitude de boire un ou deux whiskies pour se sentir plus détendu. Il existe toutes sortes de systèmes de compensations (nourriture, sexe, affairisme…), permettant d'évacuer la tension ; mais, à un moment ou à un autre, dans la maturation, ils apparaîtront insuffisants. C'est alors que la nécessité d'entreprendre une thérapie ou une analyse, bref de partir à la découverte de soi, d'explorer la racine de la souffrance, va s'imposer. De multiples résistances Outre que personne n'aime voir révéler au grand jour ce que l'on se dissimulait depuis des années, outre que les psy passent pour des gens capables de lire les pensées de leurs patients – ce qui n'aurait, effectivement, rien d'agréable si c'était vrai -, une des raisons essentielles de la résistance à la thérapie réside dans le fait que l'on répugne à admettre ses faiblesses et à demander de l'aide à ce propos. Qu'un virus s'introduise dans un corps ou qu'un accident survienne, la responsabilité de la personne ne semble pas engagée, et il n'y a pas de honte à chercher l'aide du spécialiste pour une petite “réparation”. Mais quand c'est la personne elle-même qui faillit, la culpabilité ressentie freine considérablement la décision de chercher remède au problème auprès d'un tiers susceptible de porter sur soi un jugement dépréciateur. De plus, la souffrance psychologique étant socialement reconnue comme une véritable négation de la vie, bien souvent l'individu ne se sent plus capable d'attirer l'amour de ses proches, et encore moins celui d'un thérapeute inconnu. Aussi préfère-t-il s'isoler plutôt que de communiquer. Quant aux justificatifs que l'on invoque pour ne pas suivre une psychothérapie, ils sont de toutes sortes : «ce n'est pas une pratique culturelle qui nous est propre; on se connaît déjà suffisamment bien; il ne sert à rien de parler de ses problèmes ; on a honte de raconter ses turpitudes ; on ne pourra jamais réussir à évoquer les douloureux traumatismes du passé; on ne tient pas à se retrouver dans un confessionnal; on ne va pas suivre une thérapie si le conjoint n'en suit pas une aussi ; ce dont on a besoin c'est de boulot et non d'une séance…». En fait, tous les prétextes seront bons à l'ego pour éviter toute transformation dans sa structure, dans son économie, dans ses relations entre conscient et inconscient… En fait, la plus puissante des résistances n'est-elle pas la résistance au changement ? Les «fous» du volant. Les flics, la cible préférée ! Est-ce vrai, à en croire d'aucuns, que la psychologie a été inventée parce qu'il existe plus de fous en liberté qu'internés ? Sans oublier de préciser, toujours selon les mêmes sources officieusement académiques, que « le fou est celui qui a tout perdu sauf la…raison » ! Surtout quand ces derniers n'hésitent pas à se montrer agressifs, dangereux et même… criminels. Le comble de l'ironie des temps modernes, c'est que le recours aux certificats psychiatriques est devenu monnaie courante ou échange de marchandises pour blanchir des délinquants de leurs forfaits publiquement perpétrés. Et la justice marocaine est devenue, étrangement, réceptive à ces « arguments » délivrés sous complaisance ou sous pression de « pontes » dont le trafic d'influence dans les arcanes du pouvoir continue à faire des ravages. Sinon, comment expliquer ces comportements « primitifs » d'un membre de la famille gouvernante qui a tiré à bout portant sur un policier comme un lapin, sur la corniche d'Aïn Diab au Ramadan dernier. Un motif que les certificats médicaux de ses « psy » affirment que l'homme n'était pas en possession de toutes ses facultés mentales au moment des faits incriminés. Comment justifier la relaxation du chauffard, fils d'un Wali pour les mêmes motifs alors qu'il était poursuivi pour conduite en état d'ivresse pendant le Ramadan, délit de fuite et accident de la circulation dont un mortel ? Les flics seraient-ils subitement devenus la cible privilégiée de ces graves écarts de conduite des puissants du pays ? Comme ce fut encore le cas récemment à Marrakech où des « fous du volant » de souche privilégiée ont « savonné » sans retenue d'autres agents de la sûreté ? Et si ceux qui sont censés faire respecter l'ordre public n'inspirent plus ni le respect ni la peur du « gendarme », que craindre alors si ce sont de simples citoyens qui sont visés à leur tour ? Ces derniers en savent quelque chose sur l'efficacité douteuse des certificats psychiatriques qui ne reçoivent aucune suite utile par les tribunaux ? Où allons-nous à ce rythme puisque ces « largesses » peuvent inspirer certains « mégalomanes » ivres de gloire et de puissance pour « écraser les bakhouchs » sans grand risque, sachant qu'ils sont préalablement couverts par ces fameux certificats de non moins « fameux psy » passés maîtres dans l'art de tourner des « assassins potentiels » en « victimes expiatoires ». A quoi sert un psychologue ? Cette idée que «le psy, c'est pour les fous !» reste encore bien ancrée. La culture marocaine ambiante et l'effet boomerang de la colonisation puis des diktats occidentaux sur la meilleure - et unique - façon de vivre, ont largement contribué à alimenter cette représentation. Pourtant, les personnes qui consultent ou rencontrent un psy le font pour différentes raisons qui ne sont pas forcément liées à un «état mental pathologique» (difficultés scolaires, traumatisme lié à un accident, moments difficiles (perte d'emploi, deuil, séparation…) ; dans le cadre d'un recrutement, mobilité professionnelle…). «Seule la folie est divine» A quelle catégorie appartenez-vous ? • Le «Mejnoun», possédé par les démons. • Le « Meskoun », littéralement celui qui est habité par un autre être, un démon, un esprit ou une force inconnue. • Le «Mechiar», celui qui est frappé par une force extérieure. • Le «Mehboul», celui qui est un faible d'esprit sans agressivité et peut même porter bonheur. (L'idiot du village en Europe). • Le « Metouch », en désarroi, ne sait pas diriger son comportement. • Le « Mehaouesh », proie d'êtres de nature animale, plutôt sauvages. • Le « Mahayer », terme usité pour celui qui est en transe. • Le « Mejdoub » qui est ravi hors de lui-même, sorte de fou de cour, au service du grand public des croyants. Ce sont des déviants édictant des vérités, des poésies sur les états intérieurs et sur l'existence. Nombre d'entre eux deviennent des saints après leur mort, auprès desquels on va implorer santé, guérison et toutes sortes de bonnes choses. • Il y a aussi le « Memlouk » qui est possédé aussi. • Le « Mekhalkhal », le « secoué » qui a acquis un comportement physique et psychique incohérent et incompréhensible. • Le « Mouessoues », qui est obsédé par la même préoccupation ou le névrosé obsessionnel. • Est ensorcelé celui que l'on qualifie de «Meshour». • Le «Mehouar» est le débile inoffensif, inconscient dans son inconséquence. • Et finalement il y a « Al Ahmaq » que l'on ne peut traduire autrement que par le fou. D'après Ghita El Khayat