Les pays du Sahel annoncent leur plein soutien au Maroc et saluent l'initiative stratégique « Rabat – Atlantique »    Service militaire 2025 : Début de l'opération de recensement    Crans Montana. L'initiative atlantique Royale est historique et porteuse de paix    Le ministre des Affaires étrangères du Mali : le Maroc, voix de sagesse dans un temps de divisions... et un allié fiable sous la conduite du Roi Mohammed VI    Le Président français se félicite du lancement par S.M. le Roi des travaux de réalisation de la Ligne à Grande Vitesse Kénitra-Marrakech    Maroc Telecom. Près de 80 millions de clients et de nouvelles ambitions    Congrès du PJD. Le casse du siècle    Ligue des Champions CAF : Pyramids FC rejoint Mamelodi Sundowns en finale    Averses orageuses avec grêle locale et rafales de vent, vendredi dans plusieurs provinces du Royaume    2èmes Assises du Féminisme, pour l'égalité économique    Résultats de la 9ème édition du Grand Prix National de la Presse Agricole et Rurale    Mawazine 2025 : Michael Kiwanuka, la soul britannique sous les étoiles de Rabat    Taghazout Bay célèbre l'humour marocain et l'âme d'Edith Piaf    Le Casa Fashion Show souffle sa 20ème bougie    Procédure pénale : L'accès des associations à la Justice oppose Ouahbi à deux instances consultatives ( Décryptage)    LDC.CAF : Aujourd'hui, les demi-finales égypto-sud-africains ''retour''    CAN(f) Futsal Maroc 25 / Ce vendredi, journée off : Le Maroc grand favori !    Championnat africain de football scolaire de la CAF : L'Equipe nationale (f) U15 en demi-finale cet après-midi    PSG : Achraf Hakimi, troisième latéral le plus cher d'Europe    SIAM 2025 : les régions en vitrine, entre ambition agricole et fierté territoriale    L'Inspecteur Général des FAR effectue une visite de travail en Ethiopie    L'Humeur : Démission après chômage    Interview avec Loubna Ghaouti : « Les réalisations des Marocains du Canada manquent de visibilité au Maroc »    Gabon/Présidentielle: la Cour constitutionnelle confirme l'élection de Brice Clotaire Oligui Nguema    Rome : Akhannouch représente SM le Roi aux funérailles du Pape François    Le baril continue de dévisser alimenté par les tensions commerciales et les incertitudes    France-Algérie : la tension continue de monter autour des expulsions et des visas    Les patronats marocain et égyptien explorent les moyens de booster les échanges commerciaux    Visa y Maroc Telecom firman una alianza estratégica para los pagos móviles en África    Ex-Raja Casablanca president Mohamed Boudrika extradited to Morocco for bad checks    Settat : Détention du suspect principal dans l'horrible affaire de meurtre à Ben Ahmed    Indignations après les actes de vandalisme au Stade Mohammed V    Banque mondiale : 83 % des entreprises au Maroc opèrent dans le secteur informel    DeepTech Summit : Comment l'IA transforme l'innovation    Algérie... La liberté d'expression à la merci des militaires    SIEL 2025 : Des illustrateurs marocains valorisent le patrimoine de Rabat    Comediablanca : Pour le meilleur et pour le rire    La FRMF choisit un partenaire stratégique pour la gestion de la billetterie    L'ONMT crée trois pôles stratégiques    ONU: Omar Hilale élu président du Comité de haut niveau sur la coopération Sud-Sud    Walid Regragui : Le Maroc offre aux joueurs binationaux un projet de cœur et de conviction    Le Crédit Agricole du Maroc et la société TOURBA s'allient pour promouvoir l'agriculture régénératrice    Effondrement... Trois éléments du "Polisario" fuient et se rendent aux Forces Armées Royales    La Chine dément toute négociation commerciale avec Washington : pas de consultations ni d'accord en vue    Quand le régime algérien fabrique ses propres crises : d'un simple hashtag à un règlement de comptes interne au nom de la souveraineté    Les prévisions du vendredi 25 avril    Mustapha Fahmi amène Cléopâtre et Shakespeare au SIEL 2025    Un chef patissier marocain bat le record Guinness, en réalisant le plus long fraisier du monde    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Amhamdi Larbi «dissèque» l'artiste Boujamaâoui : Du «bordel philosophique à «kass Hayati»
Publié dans La Gazette du Maroc le 29 - 02 - 2008

Sous l'égide du ministère de la Culture, l'artiste peintre Mustapha Boujemaâoui expose à la Galerie de Bab Rouah à partir du 1er février jusqu'au 12 mars prochain. La «botte secrète» du maître : le mariage réussi entre les beaux-Arts et la philosophie. Le témoignage de l'expert Amhamdi Larbi, professeur d'esthétique et des sciences de l'art à l'ENS (Ecole nationale d'architecture) de Rabat est révélateur de la personnalité et du talent de l'artiste natif d'Ahfir en 1952.
La Gazette du Maroc : Comment pouvez-vous nous expliquer la méthode et le style qui sous-tendent l'œuvre picturale de l'artiste Mustapha Boujemaâoui ?
Amhamdi Larbi : L'œuvre d'art picturale envisagée sous un angle purement physique, n'est qu'un assemblage de forme et de couleurs, une sorte de bricolage de traits, de formes, de volumes et de contours pour emprunter une expression chère à Lévi-Strauss. Un bricolage qui est, cependant, loin d'expliquer la nature subtile des sentiments et des émotions qu'il suscite. Les représentations formelles et chromatiques qu'engendre ce bricolage sont toujours dotées d'un sens, ce qui permet d'y déceler les essences subtiles et les symboles d'une réalité profonde. Le soin revient ici à l'esprit décodeur de l'invisible et au cerveau «mémoire» qui traite par association les éléments physiques. La perception de telle ou telle forme ou assemblage de formes n'est que le médium de base qui servira donc à la perception esthétique du signifiant et du signifié.
La peinture de Boujamâoui, ensemble d'événements plastiques intitulés «Kass Hayati», est souvent construite, soit par des volumes de forme d'un cône tronqué à l'envers avec à sa partie supérieure une anse, soit par des verres simples mais richement décorés. Les premiers se veulent transparents avec des bulles d'air emprisonnées dans la masse de son verre témoin du processus artisanal même de fabrication de celui-ci.
Les seconds, par opposition aux premiers, se veulent parfaits, puisque fabriqués selon un processus industriel de série. Mais, abstraction faite des deux modes de fabrication du verre, les deux verres traduisent à eux seuls l'opposition, la complémentarité, la coexistence, bref, toute la complexité de la tradition et de la modernité au sein de la société marocaine. Les représentations formelles et chromatiques dont le peintre plasticien Boujemaâoui a usé, oeuvrent ensemble pour dégager une réalité profonde. Mais que cherche à communiquer objectivement cette peinture ? des verres à thé ou de thé «Ataï», l'kass hlou qui a arraché à Lhadja Hamdaouia, une de ses célèbres chansons populaires ?
Quelles peuvent être les évocations socioculturelles que ce genre de peinture suscite à l'égard des traditions et du vécu de la société marocaine ?
L'art de Mustapha Boujamaâoui est de nature plus complexe pour le spectateur. En effet, où se situe dans la création picturale, la part intrinsèque qui incombe au-dedans, et celle plus externe qui incombe au-dehors ? Que cherche cette peinture à nous révéler ? Des formes physiques effectives ou affectives? Le cérémonial du thé traditionnel? Il faut dire que cette imbrication intrigante de la tradition et de la modernité est à jamais dissociable pour le Marocain, toutes générations comprises. Sinon, comment dès lors expliquer l'hospitalité et le partage d'une société multiple qui se veut ouverte et qui accepte la différence, ou bien simplement un agencement esthétique de formes plus effectives qu'affectives ? À quel moment, et en quel lieu l'artiste est, tout à tour, l'acteur créateur et le spectateur de sa propre création. Pour nous, récepteurs de l'œuvre, sommes-nous portés par l'énergie créatrice ou par une pensée créatrice des œuvres de cet artiste?. «Ce que l'on voit sur un objet, c'est un autre objet caché» affirme Magritte. Mieux encore, «l'art c'est de démontrer ce qui est invisible par ce qui est visible» écrit au VIIème siècle, le Pape Grégoire II.
Où en est le personnage renouvelé du peintre Boujemaâoui depuis ses débuts dans les années 80 jusqu'à aujourd'hui et quel parallèle établissez-vous entre lui et le célèbre Picasso ?
Justement, qu'en est-il de Boujamâoui? Sachant que les périodes d'incubation de «Kass hayati» reviennent aux années quatre-vingt cinq et continuent à se développer sans que jamais l'artiste n'arrive à en venir à terme, Boujemâoui vit depuis longtemps déjà des «moments de chaleur», comme dirait Diderot, qui lui ont permis une grande variété de toiles, mais l'œuvre majeure s'est elle à présent construite ? L'histoire des «Demoiselles d'Avignon» de Picasso, semble curieusement ressembler à la démarche de Boujamâoui. Picasso a commencé son projet en 1906 et ne le termina qu'une année plus tard, Boujamâoui travaille sur «Kasse Hayati» depuis1985. Mais avec l'actuel exposition à Bab Rouah, est-t-il parvenu à lui arracher son secret ultime ? Picasso a effectué pas moins de dix-neuf esquisses, sans compter les recherches isolées, Boujamâoui a effectué une centaine sur ce thème de «kass hayati», décliné sous un bon nombre de formes plastiques, sans compter leur multiplication au sein d'une même œuvre. Le titre initial donné à l'œuvre de Picasso était «le bordel philosophique», le titre donné par Boujamâoui est «Kass Hayati». Avouons que les deux titres sont révélateurs de biens des significations. Picasso a dessiné sept personnages, cinq femmes dont le regard se trouve orienté vers un marin situé à gauche, et un homme placé à droite.
Mais ces sujets masculins disparaîtront dans la composition ultime, alors que le regard des demoiselles s'y retrouve orienté face aux regards des spectateurs. Ses dernières œuvres se réduisent aux successions de différents cercles matérialisant la forme du verre sur des fonds chargés et ou soumis à l'esthétique de l'horreur du vide. Si les «les Demoiselles d'Avignon» ou le «bordel philosophique», révèlent les meurtrissures de la vie intime de l'artiste, ses angoisses en face des ses périodes bleues et roses, son intérêt pour l'art dit primitif, mais aussi l'influence de ses fréquentations de la Closerie des Lilas; les «kass esthétiques» de Boujamâoui révèlent eux aussi des situations propres à l'artiste. Des situations puisées à la fois dans l'expérience personnelle et dans l'être profond de la société marocaine.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.