Un peuple qui fait face à la maladie sans avoir les moyens de se soigner, est un peuple structurellement handicapé. Il n'est pas une seule famille marocaine, citadine ou rurale, nombreuse ou nucléaire, qui ne goutte quasi-quotidiennement aux affres de l'indigence sanitaire. Comment, dans ces conditions-là, prétendre construire une citoyenneté solidaire, puisque l'un des premiers droits humains, n'est autre que l'intégrité physique, face à l'armée des microbes, virus, staphylocoques et autres agents du pathos ? Chez nous, les pauvres n'ont pas le droit d'être malades. Même les riches doivent subir la vénalité d'un nombre incalculable de cliniques privées où pullulent les charlatans, les charcutiers et autres adeptes de l'incompétence médicale. Un plan d'action quinquennal (2008-2012) a certes été élaboré par le ministère de la Santé. Mais ses chances d'aboutir demeurent minces. En effet, au vu de l'Etat de délabrement avancé du secteur, il est permis de douter de l'efficacité d'un tel Plan. Au Maroc, la Santé présente des maux structurels alarmants : Un taux de mortalité maternelle (TMM) de 227 pour 100.000 naissances vivantes, un taux de mortalité infantile (TMI) de 40 pour 1.000, un fort déséquilibre en matière de services de santé d'une part, entre les régions et d'autre part, entre le milieu rural et le milieu urbain, une couverture médicale ne dépassant guère 30 % de la population. Par ailleurs, le système présente des dysfonctionnements organiques qui se sont gaillardement installés au fil des décennies : Les difficultés d'accès aux soins de santé pour les plus démunis et pour la population en milieu rural, une gestion calamiteuse des hôpitaux publics, l'absence d'une véritable politique de gestion et de développement des ressources humaines, inexistence d'une véritable politique de médicaments, absence d'une politique de partenariat avec la société civile et le privé qui, en marge du système de santé, n'est motivé que par le gain rapide, sans participation aucune dans l'effort de formation et de moralisation. En vérité, s'il faut se féliciter de la baisse significative, en quatre décennies, du taux d'accroissement démographique (2,7% à 1,4%) comme de l'indice de fécondité (2,5 en 2004), on ne peut que regretter les points noirs que sont le taux de mortalité maternelle (TMM) et celui de la mortalité infantile (TMI). Désespoir des patients La corruption, le centralisme administratif, le coût exorbitant des soins et tant d'autres tares continuent à vicier le système. Le plan d'action quinquennal, lui-même, a pointé les dysfonctionnements et fixé une dizaine d'objectifs que le ministère énumère ainsi?: 1) Réduire le TMM à 50 décès pour 100.000 à l'horizon 2012, et réduire le TMI à 15 Décès pour 1.000 à l'horizon 2012. 2) Assurer l'équité de l'offre de soins entre régions et entre les milieux rural et urbain. 3) Faciliter l'accès aux soins pour les plus démunis et surtout pour la population rurale. 4) Disposer d'un service public de santé compétitif et performant (taux d'hospitalisation à 5% de la population à l'horizon 2012). 5) Rendre au citoyen la confiance dans le système de santé par l'amélioration de l'accueil, l'information, les urgences, la propreté, l'équité, la disponibilité des médicaments. 6) Réduire le coût des soins de santé et des médicaments. 7) Renforcer la veille et la sécurité sanitaire. 8) Réduire la part supportée par les ménages dans le financement de la santé à moins de 25%. 9) Prendre totalement en charge les affections de longue durée (ALD) telles que le Sida, le diabète et les maladies cardiovasculaires. 10) Moralisation du secteur de la santé. Pour la réalisation de ces objectifs, le Plan d'action propose une stratégie à quatre axes. 1) Le repositionnement stratégique des différents intervenants dans le système de Santé au Maroc. 2) Mettre à la disposition du citoyen une offre de soins accessible, suffisante en quantité, de qualité et équitablement répartie sur l'ensemble du territoire. 3) L'introduction de la planification stratégique à moyen et long terme par la mise en place de plans nationaux spécifiques et ciblés. 4) La prévention, la sécurité et la veille sanitaire. Une stratégie ambitieuse qui s'apparente donc à une véritable révolution. En avons-nous les moyens et, avant tout, la volonté politique ? Il est permis d'en douter, tant le virus de la nonchalance et son cousin de la corruption ont noyauté profondément l'administration, le secteur privé sanitaire et même l'environnement syndical qui est censé être la conscience de la famille de la santé. Chez nous, le malade doit être muni de ses médicaments, d'un billet pour chaque blouse blanche, de fil en cas d'opération chirurgicale, d'une couverture et…d'un proche bien placé dans la hiérarchie. Par quel bout faut-il donc prendre la problématique sanitaire dans notre pays ? Faut-il des assises nationales, une unième commission ad hoc, un «Ifrane» -un «Grenelle» à la marocaine- pour remettre à plat l'ensemble des aspects de la question sanitaire ? Que peut Yasmina Baddou, arrivée à ce département ministériel d'une galaxie qui n'a rien de médical ? Il y a de quoi privatiser ou donner en gestion déléguée un secteur agonisant que la corruption et le management hasardeux ont mis par terre ! Le désespoir des patients et des (honnêtes) professionnels est à son paroxysme. Non-assistance à peuple en danger !