La première nécessité était de trouver une solution à la médina de Casablanca, d'ailleurs seul pôle urbain existant à l'époque. Nous sommes en 1912. Henri Prost devait donc se plier aux exigences du Maréchal Lyautey et il trouve comme solution de construire une nouvelle ancienne médina. «Prost appliqua la consigne de la «séparation complète des agglomérations européenne et indigène» dans son plan, mais dans sa réalisation n'y réussit pas. Il décida de fixer définitivement l'emplacement des zones d'activités et de résidence : le commerce et l'industrie allaient avoir leurs quartiers implantés à l'est tandis que les quartiers résidentiels seraient localisés à l'ouest. Entre les deux pôles de la cité moderne devaient se situer les zones d'habitat de la population musulmane». C'est ce que les archives urbanistiques des plans de Casablanca nous apprennent. Selon les spécialistes, l'étude n'était pas si claire que cela et elle péchait par de nombreuses lacunes. Le Maréchal y était sensible, mais il fallait aussi répondre à l'urgence. Construire d'abord, résoudre un problème liée aussi à la politique de la colonisation, quitte à rectifier le tir plus tard. L'ancienne médina, à l'aube du XXème siècle, était une petite bourgade déjà saturée. On ne pouvait déjà éviter des extensions anarchiques puisque des quartiers extra-muros s'étendaient vers l'ouest en même temps que l'axe de la route de Marrakech était occupé par une quantité de commerces et d'ateliers d'artisanat. «En 1917, Henri Prost envisageait de construire une nouvelle médina (médina jadida) proche du palais. L'emplacement de cet ensemble est un vaste terrain privé dont la cession allait accélérer l'édification de cette partie de la ville. » Ce sont là les véritables pierres angulaires de ce que sera Casablanca des décennies plus tard. On prévoyait déjà la proximité du chef de l'Etat et de ses populations. Cette approche obéissait aux directives initiales de Lyautey qui voulait à tout prix éviter des soulèvements des populations. Une médina nouvelle voit le jour Dans un second point, le quartier européen était tout aussi capital. Puisqu'il était aussi le nerf de la vie nouvelle, à la fois industrielle et commerciales. Il devait être proche du port et se situer à proximité du berceau de la ville, c'est-à-dire l'ancienne médina. Donc une fois ce qui a été appelé le quartier du roi (derb sidna) mis en place, il fallait passer à l'aménagement de la ville, et surtout les quartiers d'habitat européen. «D'un point de vue d'ensemble, le plan Prost projetait l'aménagement d'une ville sur un domaine de 1000 hectares, prévu pour une population de 150 000 habitants. Ce qui avait paru hors de proportion en 1914-1918, allait bientôt s'avérer insuffisant; dès 1921, Casablanca atteignait une population globale de 97 000 habitants dont 62 000 Marocains.» Henri Prost Repères biographiques Henri Prost fait partie des architectes et urbanistes les plus connus dans le monde. Il est né à Paris le 25 février 1874 et mort le 16 juillet 1959. Il aura marqué l'architecture de plusieurs villes dans le monde dont la ville de Casablanca. Jean-Pierre Frey, architecte et sociologue, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris (Paris-XII), retrace la riche carrière d'un praticien discret et il lui a consacré plusieurs études. Il dit de son aîné : « Prost est de ces personnages qui forcent le respect par la grandeur de l'œuvre accomplie mais dont la personnalité, ou plutôt l'existence ordinaire, reste dans l'ombre portée de leur stature monumentale. Si son nom figure bien dans de nombreux articles ou ouvrages sur l'urbanisme, on ne peut que difficilement le classer parmi les théoriciens de ce profil professionnel qu'il incarne pourtant à la perfection. Il faut aussi savoir qu'il a été le co-fondateur en 1911 de la Société française des urbanistes avec les architectes Donat Alfred Agache, M. Auburtin, A. Bérard, Eugène Hénard, Léon Jaussely, A. Parenty, l'ingénieur Jean Claude Nicolas Forestier , le paysagiste Edouard Redont. Il a aussi été membre de la Société centrale des architectes en 1930. À partir de 1932, il co-anime avec Jean Royer la revue Urbanisme. Il a été élu membre de l'Académie des Beaux-Arts en 1933.Ses principaux projets et réalisations sont : 1910 : Premier prix du concours international d'urbanisme d'Anvers. 1916 - 1922 : Plans d'aménagement et d'extension de Casablanca, Fes, Marrakech et de Rabat. 1922 : Plan d'aménagement de la côte varoise. 1928 - 1935 : Projet d'aménagement de la Région parisienne par Henri Prost, Pierre Remaury et Jean Royer. 1936 - 1951 : Plan d'aménagement d'Istanbul. Le siècle des excès, de P.Touchard, aux PUF (Presses Universitaires de France) p.467