Le rendez-vous historique 2002-2003 La généralisation de l'enseignement a été durant quarante ans un objectif majeur et un sujet politique. A quelques jours du rendez-vous historique du Maroc, fixé pour septembre 2002, la généralisation de la scolarisation des enfants ayant atteint l'âge de six ans, il paraît légitime de cultiver le plus grand optimisme. L'ensemble de nos régions devrait enregistrer des taux d'inscription allant de 95 % à 100 %. Dans le scénario le plus pessimiste, la moyenne nationale de scolarisation des enfants âgés de six ans ne sera pas en deçà des 97 % lors de la rentrée de septembre 2002. L'année dernière déjà, il s'agissait de réaliser le grand saut quantitatif vers la généralisation, j'avais alors présenté mes “statistiques d'espérance”. On sentait la réalisation de l'objectif à portée de notre pays. Là, l'année scolaire actuelle a été plus que satisfaisante de ce point de vue. En effet, le Maroc dépasse, pour la première fois, le seuil de 90 %, comme taux de scolarisation des enfants âgés de six ans. Les effectifs globaux des élèves de l'enseignement primaire franchissaient la barre de quatre millions. Pour accueillir les nouveaux inscrits, plus de 4.000 salles d'enseignement supplémentaires ont été construites. Au cours de l'année 1996-1997, aucune salle n'avait été construite sur le budget des collectivités locales, celui-ci s'étant subitement fermé à l'éducation, contrairement aux années précédentes, pour des raisons politiques aujourd'hui encore ambiguës. La décision a été prise de ne plus procéder au financement de l'école par les ressources des collectivités locales. Rien n'avait été prévu non plus sur le budget de l'Etat cette année-là. A qui imputer ce grave oubli ? La situation ne semble avoir été sauvée que grâce aux crédits résiduels des exercices antérieurs et de quelques réorientations des financements à caractère spécial. Il s'en est suivi un ralentissement des constructions scolaires au cours des années suivantes. La moyenne de salles livrées au titre des rentrées 1997-1998 et 1998-1999 fut réduite de 40 % par rapport aux années précédentes. La scolarisation ne touchait que les enfants âgés de sept ans. Ceux âgés de six ans ne constituaient en réalité que des sortes d'“intrusions”. On les évalue à quelque 37 % au plus en 1997-1998. Mais il faut dire qu'en ce temps-là, la scolarisation des enfants de six ans n'était pas l'objectif central de la politique générale de scolarisation de l'Etat. Nous sommes aujourd'hui au milieu d'un mouvement d'ensemble de scolarisation que nous voulons irréversible. Le choix de scolariser les enfants de six ans date en réalité de 1998. La rentrée de 1998-1999 constitue le véritable point de départ de cette action de la politique de généralisation de l'enseignement. La chose était radicalement nouvelle. Sans doute remonte-t-elle aux programmes des partis de la Koutla et de sa mouvance. Elle fut consacrée par la déclaration du premier ministre devant le parlement en 1998, plus d'une année avant que la charte ne l'ait finalement reprise en juillet 1999. La charte confirma cet objectif non plus seulement comme celui d'une coalition gouvernementale, mais comme l'objectif de la nation entière. L'option en elle-même exprime d'abord une volonté politique, clairement affirmée et définie, marquée par une démarche mettant tous les moyens possibles au service de la réalisation de l'objectif. Avant 1998, le ministère avait pris l'habitude de travailler “en interne”, avec ses propres services, ses propres réseaux, ses mécanismes particuliers. A partir de 1998, il s'efforce de susciter et de développer la mobilisation sociale la plus large et la plus intense autour des objectifs de la généralisation effective et durable de la scolarisation pour cette nouvelle tranche d'âge (les six ans) et de parfaire celle des tranches d'âge concernées par la phase précédente (les sept ans), et qui, cette année-là encore étaient loin d'être entièrement intégrées. Aussi une impulsion forte fut-elle donnée aux nouvelles inscriptions. Les efforts déployés par le ministère de l'éducation nationale tant au niveau central qu'au niveau des services provinciaux et régionaux afin de susciter une demande de scolarisation plus ample, et la volonté de garantir une offre plus conséquente, ont constitué les principaux éléments nouveaux. Les indicateurs de scolarisation ont fortement progressé au cours de la période s'étalant de 1997-1998 à 2001-02. Le taux de scolarisation des enfants de six ans est passé de 37 % à 91 % soit une moyenne d'accroissement annuel de l'ordre de 13 %, alors que l'augmentation annuelle moyenne des nouveaux inscrits en première année de l'enseignement primaire ne dépassait pas 3 % entre 1990 et 1997. La stratégie adoptée qui privilégiait les zones d'intervention prioritaires et les groupes défavorisés s'est traduite par une augmentation rapide du taux de scolarisation des enfants âgés de 6-11 ans en milieu rural qui est passé de 55 % à 84 %, et par une participation plus accrue des filles qui a atteint 44 % contre 37 % en 1997-1998. Désormais, il est établi que l'appareil statistique relatif à la scolarisation s'est considérablement amélioré. Le système d'information devient relativement fiable. De grandes précautions ont été prises pour asseoir toute la crédibilité possible aux données relatives à notre enseignement (techniques de recensement, formation des enquêteurs, normalisation des méthodes, recours aux modèles universels, aux nomenclatures, indicateurs et typologies usuels …etc). Mais tous les problèmes n'ont pas été résolus pour autant. L'un des principaux d'entre eux est celui de l'actualisation permanente des données, les enfants qui rentrent et ceux qui sortent, ceux que l'on perd d'un côté, que l'on récupère effectivement et ceux que l'on retrouve par ailleurs, ceux qui deviennent durablement rebelles à l'école… Que penser de ces appels qui s'élèvent parfois pour attirer l'attention sur le fait que des nombres variables d'enfants en âge d'être scolarisés et qui ici, là et ailleurs, ne le seront pas, pour diverses raisons, (non-fonctionnement des cantines, longues distances que les enfants doivent parcourir pour atteindre l'école, les irresponsables maîtres et maîtresses qui ne font cours que formellement ou en font aussi peu…). Sont-ils toujours à l'école, quelques mois, voire quelques semaines après, ceux que l'on a inscrit en début de saison ? Loin de là. Lorsque la généralisation aura été assurée, d'autres fronts de lutte de portée considérable pourront être ouverts, tel le maintien à l'école, le travail sur la qualité, l'amélioration de la formation, l'embellissement constant des espaces scolaires… Une sorte de conflit a toujours prévalu entre les données pouvant provenir des ministères successivement chargés des statistiques sur la population qui affirment officiellement ne pas disposer de projections crédibles à partir du recensement de 1994 et les responsables régionaux du même ministère qui entrent souvent en conflit avec les responsables des services extérieurs du ministère de l'éducation nationale au niveau régional en affirmant quant à eux en disposer. Il pourrait être utile de rééditer l'expérience de 1992 lorsque le ministère de l'éducation nationale avait procédé lui-même à son propre recensement des enfants scolarisables ? Peut-être conviendrait-il mieux de consacrer des journées nationales de collecte des informations nécessaires, afin de mieux maîtriser les données d'une réalité changeante. Dans tous les cas de figure, il convient de tenter de construire en permanence un schéma qui reflète autant que possible la réalité, un schéma de proximité. Nous savons que nous progressons et nous sommes conscients de nos limites. Nous avançons aussi bien sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Les conditions semblent aujourd'hui réunies pour que l'on progresse davantage. D'ores et déjà, il semble s'affirmer que l'image de notre enseignement s'est améliorée au cours des deux dernières années, aussi bien à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Dans le plus modeste des scenarii, nous atteindrons 97 %, comme taux de scolarisation des enfants de six ans et 95 % en ce qui concerne les enfants âgés de 6 à 11 ans. Pour accueillir les nouveaux inscrits et les encadrer, près de 3.100 salles supplémentaires seront ouvertes et 7.000 enseignants nouvellement affectés. Nous allons probablement passer de la tendance de la société marocaine à une scolarisation plus large, à une tendance à la plénitude de la scolarisation, avec des réponses appelées à devenir plus adaptées aux problèmes pouvant survenir à l'avenir. Il s'imposera de stabiliser cette œuvre d'intégration massive de la tendre enfance marocaine à l'école, de la consolider et d'en mieux sculpter la configuration sur le plan des contenus, du niveau, des contours, des formes, des profils, des débouchés, de l'ancrage dans la société… Pour l'heure, le rôle principal dans la tâche de généralisation de la scolarisation incombe à l'école publique. La responsabilité de l'Etat est incontournable dans les conditions présentes. Il ne s'agit pas de fatalité, mais d'une nécessité dictée par la nature de l'étape. Les conditions pourraient être plus mûres afin que le privé et l'associatif prennent le relais. La carte du mouvement civil autour de la généralisation reste disparate dans notre pays. L'initiative “civile” a de beaux jours devant elle, et des opportunités considérables pour s'investir dans la construction d'internats, l'amélioration des conditions de la restauration scolaire, la formulation de réponses appropriées aux problèmes de transport… En essayant de réussir jusqu'au bout, et dès la rentrée prochaine, l'œuvre de généralisation, nous tentons de réaliser une rupture historique avec un passé de non-scolarisation ou de scolarisation incomplète et imparfaite. En même temps, nous sommes conscients de la relativité de cette réalisation. Dans quelques pays du monde seulement, la généralisation couvre aujourd'hui des tranches d'âges plus basses, touchant jusqu'aux deux ans et demi. Ces pays constituent pour nous des modèles. En 2004 nous devrions avoir généralisé notre enseignement préscolaire pour les quatre ans. Plus tard, ce devra être le tour de l'enseignement collégial, et pourquoi ne pas rêver par la suite à l'horizon de toute “une génération détentrice du baccalauréat”… Ce qui semble à notre portée dès la rentrée prochaine, septembre 2002, la généralisation de la scolarisation des enfants de six ans, constituera sans conteste un grand pas dans cette voie, et facilitera tous les grands rendez-vous à venir de la nouvelle école marocaine. Aussi historiques les uns que les autres. Choix et orientations dans le domaine de l'organisation des études Pour que l'organisation des études dans les différents cycles d'éducation et de formation assure une qualité optimale de l'acte pédagogique - par le biais du renforcement de l'efficacité de l'enseignement et l'utilité de l'apprentissage ainsi que par le recours à des espaces pédagogiques adéquats -, elle est appelée à se référer au principe de la progression d'un cycle à l'autre et ce en vue de garantir : • pour l'enseignement fondamental, la souplesse requise dans l'organisation des horaires scolaires et l'adaptation des contenus aux besoins des apprenants et aux exigences de l'environnement social, culturel et économique immédiat ; • le passage de l'organisation actuelle en années scolaires à une organisation en sessions semestrielles d'une part et le passage de programmes reposant sur des matières obligatoires en intégralité, dans le secondaire, à des programmes formulés en modules obligatoires et facultatifs. L'organisation des études, conformément à des critères objectifs susceptibles de répondre aux nouveautés envisagées dans les divers cycles, nécessite : • l'organisation de chaque année scolaire en deux sessions de dix-sept semaines chacune au moins, soit une somme de six sessions pour l'enseignement qualifiant y compris la session réservée au tronc commun, un ensemble de six sessions pour le cycle préparatoire et de douze sessions pour l'enseignement primaire ; • la consécration de la même importance et du même horaire à tous les modules quelle que soit la matière enseignée dont ils relèvent de sorte qu'il soit possible de trouver une adéquation des matières apparentées lors du passage d'un pôle à un autre dans le cycle qualifiant d'une part et par le biais de modules ayant été l'objet d'une autoformation dans le cadre de projets orientés par les enseignants d'autre part ; • le recours à des solutions pédagogiques permettant de travailler selon des rythmes variés en fonction du niveau des apprenants et de la cadence de leur apprentissage et ce en vue d'augmenter la rentabilité de l'établissement et d'optimiser la bonne gestion de l'infrastructure et des équipements scolaires ; • l'intégration d'un horaire imparti à l'évaluation formative indispensable à tout enseignement, en liaison organique avec le rattrapage dans le cadre d'une pédagogie de maîtrise au sein de l'horaire prévu pour chaque module dans le cycle qualifiant et pour chaque matière dans le cycle préparatoire et primaire ; • la réservation de plages horaires aux activités culturelles et artistiques dans les séances hebdomadaires. Afin d'améliorer la rentabilité dans les établissements de l'enseignement primaire, il est impérieux de considérer ce qui suit dans l'organisation des études ; • l'adaptation à l'environnement social, économique et culturel ; • la souplesse dans l'organisation des séances scolaires et des vacances ; • le recours au soutien pédagogique régulier susceptible de consolider les acquis et d'augmenter le taux de flux. Etant donné que le cycle qualifiant précède immédiatement l'enseignement supérieur et y prépare et que ce dernier repose sur l'approche des programmes fondés essentiellement sur les contenus de spécialisation. Eu égard à l'âge des apprenants dans le cycle qualifiant, en vue de répondre aux goûts et aux tendances tout en les éduquant au libre choix, il convient, au terme du tronc commun, d'organiser les études dans le cadre des pôles scolaires suivants : • pôle de l'enseignement original ; • pôle des lettres et des sciences humaines ; • pôle des arts ; • pôles des sciences ; • pôle des technologies. Afin d'activer les passerelles entre les différents pôles scolaires du cycle qualifiant dans l'esprit d'une éducation au libre choix, chaque pôle se doit d'être organisé en deux composantes : • une composante obligatoire dans laquelle s'inscrivent des modules organiquement liés à la nature même du pôle ainsi qu'aux modules complémentaires ; • une composante optionnelle dans laquelle s'inscrivent les modules liés à ceux de la composante obligatoire, ce qui devrait permettre à l'apprenant de se rattraper, de circuler via les passerelles d'un pôle à un autre ou de se préparer à l'accès aux établissements de l'enseignement supérieur. Les chiffres de la scolarisation L'accélération du rythme de développement de la scolarisation constitue l'un des domaines d'intervention prioritaires pour le Gouvernement de l'alternance qui s'est fixé des objectifs ambitieux résumés ci-après. A l'horizon 2002 Généraliser la scolarisation des enfants de 6 ans en 2001 : le taux d'inscription net des enfants âgés de 6 ans passera de 32,7% en 1997-98 à 100% en 2001-2002. En termes d'effectifs, les nouveaux inscrits âgés de 6 et 7 ans passeront de 522 394 en 1997-98 à 731 100 en 2001-2002, soit un accroissement moyen de 9% par an. Généraliser la scolarisation du premier cycle fondamental, et des enfants de 6-11 ans en 2002. De ce fait, le taux de scolarisation dans ce cycle passera de 68% en 1997-98 à 100% en 2002-2003. Les effectifs passeront de 3 119 025 à 4 086 300 durant la même période, soit un accroissement moyen de 5,6%. A l'horizon 2008 Généraliser la scolarisation du 2e cycle fondamental en 2008. De ce fait, le taux de scolarisation dans ce cycle, passera de 53% en 1997-98 à 100% en 2008. Les effectifs passeront, durant la même période, de 935 000 élèves à 1 800 000. A l'horizon 2010 Permettre à 60% des effectifs d'une classe d'âge d'atteindre le niveau du baccalauréat à 40% des effectifs d'une classe d'âge d'obtenir le baccalauréat. Les effectifs du secondaire passeront de ce fait de 399 466 en 1997-98 à 1 094 700 en 2010, en accroissement moyen de 8,8%. L'enseignement technique, qui représente en 1997-98 seulement 5% des effectifs du secondaire, passera à 10% en 2002, sur la base d'un objectif de 20% en 2010. 2,2 millions d'enfants entre 8 et 16 ans ne sont pas scolarisés ou ont quitté l'école prématurément. Le Ministère de l'Education Nationale a élaboré un programme d'éducation non formelle, afin de garantir l'accès à l'éducation pour tous et juguler le taux des analphabètes. Son objectif est de réinsérer les enfants dans l'enseignement fondamental ou la formation professionnelle et les préparer à la vie active. La promotion de l'enseignement fondamental et secondaire privé fait partie des choix stratégiques gouvernementaux pour développer le système éducatif et améliorer son équité et son efficacité. Elle se traduit par d'importantes mesures : révision de la réglementation ; institution de mesures incitatrices ; création d'écoles associées et sous contrat ; couplage de mesures incitatives et de procédures d'évaluation rigoureuse ; formation d'enseignants ; assouplissement des conditions de scolarité, d'organisation et de conception des programmes ; mise en place d'un dispositif de suivi et d'évaluation ; mise en place de procédures de régulation. L'objectif pour le Ministère de l'Education Nationale, à l'horizon 2010, est que le secteur privé absorbe 20% des effectifs globaux de l'enseignement et continue à prendre en charge l'ensemble des effectifs de l'enseignement préscolaire avec l'appui de l'Etat et des Collectivités locales. • Le préscolaire est déterminant dans la formation de la personnalité de l'enfant et sur sa scolarisation. Renforcer et promouvoir cet enseignement nécessite un statut spécifique défini par des textes législatifs et réglementaires. • Ce type d'enseignement doit être développé avec l'aide des collectivités locales. • L'objectif est d'encourager ce type d'enseignement, notamment avec l'appui de l'Etat et des Collectivités locales, pour le généraliser à l'horizon 2004-2005.