Qui était Mehdi Benbarka, le leader marocain, fondateur de l'USFP et du parti de l'«Option révolutionnaire» disparu il y a 41 ans en plein centre de Paris. Un «royaliste révolutionnaire» ? Un «républicain putshiste» ? . Portait de l'homme politique marocain le plus controversé. En Octobre 1965, Je me trouvais, par hasard ou par aventure, en compagnie de quelques amis de classe dans une station de train au cœur de la capitale française Paris. Nous partions pour le Proche-Orient arabe à la recherche d'une nouvelle formation. En même temps un nouveau courant politique venait de naître en dehors du Maroc : le parti de «L'option révolutionnaire» et son leader charismatique Mehdi Benbarka. Le plus proche de Mohammed V On ne pensait pas en cette journée du 28 octobre que notre leader révolutionnaire était traqué de toutes parts par les escadrons de la mort dirigés par un homme sanguinaire du nom du Général Mohamed Oufkir. Nous étions encore des jeunes de vingt ans, nationalistes arabes, nassériens, un peu socialistes et un peu «trotskistes» rêveurs d'une révolution dont on ne savait rien, sauf qu'elle signifie la victoire des couches populaires et pauvres sur les voleurs, le triomphe du mouvement estudiantin sur les philosophes et les machiavéliques, des authentiques nationalistes sur les traîtres, les valets du colonialisme et les arrivistes. Le martyr Mehdi Benbarka nous offrait à cette époque le meilleur exemple du jeune marocain dynamique, voué à l'action politique et syndicale au service de son pays, prêt à consentir tous les sacrifices pour accéder à l'ère de la liberté, de la dignité, de l'égalité des chances et pour une distribution équitable et plus juste des revenus et des richesses nationales. C'est par son intelligence et rien que pas son dynamisme qu'il se fera vite remarquer auprès du feu le Roi Mohammed V. Il le choisira dans une première phase pour faire partie du corps enseignant de l'Ecole Royale à Rabat où le Prince Héritier Moulay Al Hassan, le futur Roi Hassan II poursuivait ses études tout au long des années 30 et 40. Une grande amitié et une relation fondée sur un authentique sens du nationalisme va lier désormais Benbarka à Mohammed V, à son Prince Héritier Moulay Al Hassan et à toute la famille royale. Une lune de miel qui dura jusqu'à l'avènement de l'indépendance avec le retour d'exil de la famille Royale. Les édificateurs du Maroc indépendant Il sera d'abord élu député dans le premier parlement marocain de 1963. Une élection qui couronne un brillant itinéraire marqué par son adhésion au mouvement de la résistance et à l'armée de libération nationale, puis par ses démêlées avec ses camarades et compagnons du parti de l'Istiqlal, jusqu'à la première scission dont il était le principal instigateur et qui conduira à la création de l'Union Nationale des Forces Populaires (UNFP) ancêtre de l'actuel USFP. C'était aussi le premier accroc enregistré au sein du mouvement national marocain. Feu Allal El Fassi, irrité par une telle décision, se lancera dans une guerre ouverte non seulement contre Mehdi Benbarka, mais aussi contre le futur conseiller Ahmed Réda Guédira qu'il accuse de vouloir diviser les partis progressistes artisans de l'indépendance nationale. C'est pendant ces années des grands «règlements de compte», que Mehdi Benbarlka était accusé d'être à l'origine de l'assassinat du combattant riffain Abbes El Messaâdi et aussi du Fquih istiqlalien, le Cheikh Abdellaziz Bendriss basé à Tahanaout près de Marrakech. Un manœuvrier politique hors pair On gardera de Benbarka, le souvenir d'un manœuvrier politique hors pair. En 58- 59, il réussira à rallier à sa cause tous les adversaires du parti de l'istiqlal. Qu'ils soient issus du Hizb Choura (PDI), de la seule centrale syndicale existant à cette époque, l'Union Marocaine du Travail (UMT) de Abdallah Ibrahim et les chefs de file du mouvement de la résistance. Parmi les grandes personnalités qui ont parrainé le nouveau parti de Benbarka, citons le Sadr Al Aâdam feu Moulay Larbi Alaoui et les personnalités les plus brillantes au sein du PDI dont notamment Ahmed Bensouda, Abdelhadi Boutaleb, Thami El Ouzzani, et Mohamed Hajji el Ammouri dont on se débarrassera en 1963. Mais l'histoire retiendra aussi le fait que sa plus grande erreur, il l'avait commise avec soi même et avec son Roi Hassan II lorsqu'il décide d'aller à contre courant et de soutenir le pouvoir algérien dirigé alors par Ahmed Ben Bella, contre son propre pays lors de la guerre entre les deux pays. La fameuse «guerre des sables» s'était déclenchée en cette année 1963. Cette attitude sonnera le glas de Mehdi. Car elle a eu comme effet de pousser nombre de jeunes militants marocains à se démarquer de Benbarka et à rebrousser chemin en abandonnant ses rêves chimériques, ses idées et son option révolutionnaire calquée sur le système algérien. L'homme de la tricontinentale A l'extérieur Mehdi Benbarka a parcouru le monde entier, plus spécialement les pays du tiers-monde représentant les trois continents du sud de la planète en l'occurrence l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale et les Caraïbes. Il oeuvrait jusqu'à sa disparition pour créer un grand regroupement international entre ces trois continents qui seraient alors soutenus par les pays du bloc socialiste d'Europe de l'est et à sa tête l'ex-Union Soviétique et la Chine. Une démarche qu'il considérait comme étant le seul moyen d'affronter l'hégémonie de l'impérialisme. Mais l'histoire retiendra qu'avant de couper les ponts avec le palais royal il était connu pour être un «royaliste convaincu» et l'une des personnalités politiques nationales les plus proches de la famille royale. Il se transformera quelques années plus tard, en militant révolutionnaire défendant la cause des travailleurs, des paysans et des intellectuels, avant d'opérer une «volte face» sans précèdent et devenir le «républicain convaincu» qui complotait pour le renversement du régime. Sans doute, c'est la soif du pouvoir qui allait le moduler de cette façon durant ces années de plomb. Il rêvait de faire du Maroc, une mini-république maoiste à défaut d'un pays dirigé de main de fer selon les méthodes staliniennes. Rien d'étonnant si le nombre de ses ennemis ne va cesser d'augmenter et que la résultante sera la convergence des idées et des intentions de ses adversaires visant sa liquidation pure et simple, par divers moyens. Ils choisiront la plus mauvaise solution : l'enlèvement en plein centre de Paris et l'assassinat odieux. Pourtant, feu le Roi Hassan II aspirait durant de longues années au retour de Mehdi Benbarka. Il a dépêché un émissaire spécial auprès de lui en Allemagne et en France pour le convaincre de rentrer au Maroc et sceller une nouvelle ère de réconciliation et d'entente nationale. Le sort aura voulu que les choses se passent autrement. Sa disparition a porté un sérieux préjudice à son pays, au Roi Hassan II et surtout à l'avenir. Traduit de l'arabe par Omar El Anouari Prochain article Cheikh Ahmed El Hiba Le sultan sans couronne