« Lorsque le scénario de la réforme de la compensation sera arrêté, nous allons lancer un débat avec tous secteurs et en particulier avec les industriels ». Invité au Club de L'Economiste du mercredi 2 janvier, Najib Boulif, ministre des Affaires générales et de la gouvernance a tenté de dissiper les craintes. La réforme tiendra compte de trois objectifs : une charge soutenable pour l'Etat, le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises. Surtout que la décompensation de produits comme le fuel ne sera pas sans impact sur l'entreprise. Les coûts des facteurs de productions se renchériraient face à une productivité peu élevée. Mais pour maintenir la compétitivité de l'entreprise, le gouvernement compte mettre en place des contrats-programmes. Il assure d'ailleurs que les professionnels ont été jusque-là « associés » aux travaux. Le gouvernement, qui a budgétisé 40 milliards de dirhams pour la compensation en 2013, ne compte pas s'attaquer aux prix uniquement. Des dispositions parallèles sont également prévues. Des économies « importantes » pourraient être réalisées sur les structures des prix des produits subventionnés. Celles-ci contiennent des rubriques jugées aberrantes. Des discussions dans ce sens ont eu lieu avec les professionnels. « Sans augmentations conséquentes des prix nous pouvons économiser entre 10 à 15 milliards de Dh. Les grandes entreprises se disent également prêtes à rembourser à l'Etat la part du fuel subventionnée », souligne Boulif. Rien qu'avec les compagnies pétrolières, les gains pourraient être de 2 à 3 milliards de dirhams. Techniquement, les scénarios sont prêts et les impacts évalués. A titre d'exemple : une décompensation de tous les produits en 2013 se traduirait par une inflation de 7%. Il s'agit là du scénario extrême qui ne risque pas d'être retenu. Si le gouvernement opte pour un système progressif à raison d'une décompensation des prix des produits subventionnés à hauteur du tiers chaque année, le taux d'inflation serait à 4%. Il serait à 2%, soit le niveau actuel, au cas où il choisirait de libéraliser le prix du sucre uniquement. Car la part de ce produit dans les subventions allouées par la Caisse de compensation ne dépasse pas 2 milliards de DH par an. En attendant que les politiques se prononcent, le scénario intermédiaire défendu par le ministre des Affaires générales du gouvernement, qui revêt pour l'occasion sa casquette de « technicien », n'est autre que celui d'une réforme progressive sur trois ans, voire quatre. « La réforme pourrait démarrer en 2013 et se terminer en 2015. Si nous avons un reliquat au niveau d'un produit on pourrait opérer un glissement jusqu'en 2016 », soutient Boulif. Pour lui, tout dépendra des cours au niveau international : « si par exemple nous avons un baril à 80 dollars en 2013 nous pourrions commencer par les produits pétroliers. Mais s'il atteint 120 dollars, il serait difficile d'augmenter les prix de manière conséquente ». Dans cette réforme, le gouvernement devra se décider sur l'épineux dossier du système des transferts monétaires. Celui-ci devra-t-il être déclaratif ou faut-il adopter une autre formule ? En tout cas, les Affaires générales du gouvernement ont travaillé sur un dispositif déclaratif : une fiche devra être établie et permettra de déterminer si la personne est éligible au système ou pas. Cette fiche comptera des éléments identiques à ceux qui figurent sur celles utilisées pour le Ramed. Elle englobera également des informations liées à la consommation des produits subventionnés. Ce qui devrait permettre de mieux cibler les catégories vulnérables et une partie de la classe moyenne. D'ailleurs, le ministre ne compte pas s'appuyer sur l'enquête du Haut Commissariat du Plan (HCP). Se défendant de remettre en cause les statistiques du HCP sur la classe moyenne, le ministre a néanmoins lancé que « sa vision était différente. Ce n'est pas la philosophie statistique du HCP qui m'intéresse. Sur la base de la fiche de scoring, nous allons déterminer la population qui recevra une aide monétaire ». Aujourd'hui, en moyenne les Marocains consomment 8% des produits compensés alors qu'ils représentent près de 42% de la consommation des catégories pauvres. Autre point sur lequel les politiques doivent trancher : les aides directes seront-elles conditionnées ? Dans son rapport sur les transferts monétaires conditionnels, la Banque Mondiale souligne que « les transferts conditionnels peuvent être préférables aux transferts inconditionnels pour des raisons d'économie politique : il y a plus de chances que les contribuables se montrent favorables aux transferts en faveur des pauvres s'ils s'inscrivent dans le cadre de l'action menée pour lutter contre la pauvreté à long terme et améliorer le bien-être des enfants en particulier ». Ce système permet aussi d'encourager les ménages pauvres à recourir davantage aux services de santé et d'éducation. « Si le ciblage monétaire est conditionné, l'on risque d'avoir un déphasage entre le prix et le pouvoir d'achat et cela peut nuire à la réforme », soutient le ministre. Source : www.leconomiste.com Khadija MASMOUDI