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Tagzirt : Segmentarité, pouvoir local et territoire
Publié dans Jeunes du Maroc le 07 - 09 - 2009

" Au Maroc, si on peut montrer la disparition probablement irréversible de certains rapports sociaux forts anciens (esclavage, corvée…), si on peut se demander encore si la domination du mode de production capitaliste est en passe de devenir hégémonique, on ne peut parler de liquidation de l'ordre segmentaire. Celui-ci reste latent et ressurgit parfois violemment sur le devant de la scène au moment où on l'attend le moins -l'épreuve électorale en est un test remarquable de ce point de vue".
Paul Pascon : Segmentation et stratification dans la société rurale marocaine, pp118-119 BESM 138-139 /1979
Dans la tradition de Durkheim, l'école anthropologique et sociologique anglo-saxonne a développé la théorie segmentaire. John Waterbury, en 1968, l'a adoptée comme base pour sa fameuse œuvre de sociologie politique en forgeant un type idéal du système segmentaire marocain. Cette thèse, sur le pouvoir et le comportement des élites au Maroc, qui a fait couler beaucoup d'encre, est elle- quarante ans après- obsolète ? Rien n'est moins sûr, car ses instruments, ses paradigmes et les faits avérés, permettent de mieux comprendre et d'expliquer l'impact du social et du politique sur les représentations et les comportements humains face au pouvoir dans une société comme la nôtre. En outre, elle demeure toujours incontournable pour quiconque s'intéresse au système politique marocain. Le modeste auteur de ce papier propose d'essayer d'apporter, à travers cet important apport scientifique, un éclairage et quelques éléments de réflexion, d'une situation vécue et analysée sur le territoire de la commune rurale des Ait abdllouli de Tagzirt . Territoire, comme condition sine qua non de la « segmentation », selon les tenants de cette théorie.
Il y a certes, le risque de tomber dans les pièges du subjectivisme et de paraitre comme « le classeur inclassable » de Pierre Bourdieu. Néanmoins, je ne tenterai pas de justifier un échec électoral comme je ne prétendrai nullement à la neutralité axiologique. J'assume, tout en laissant aux lectrices et lecteurs, la latitude de prendre ce texte, comme un témoignage vivant pour l'histoire de cette commune ou tout simplement comme un genre d'humeur.
Segmentarité et pouvoir local
Candidat de l'union socialiste des forces populaires à la circonscription de cette commune pour la chambre d'agriculture, j'ai cru avoir le vent en poupe en ayant le soutien du parti, de la famille et de la nouvelle majorité écrasante des élus communaux. Trop de consensus tue le consensus !
D'abord le parti. Le secrétaire de la section du parti de Tagzirt et chef de file de la majorité sortante de la commune, a conditionné son soutien à ma candidature par celui de la nouvelle majorité. En réalité, lui comme d'autres usfpéistes, ne se définissent pas par l'idéologie qu'ils affichent. Ceci n'est qu'une façade de modernisme illusoire .Ce qui prime ce sont les rancunes et les rivalités personnelles. Ainsi avec sa minorité usfpéiste, il va faire volte face ; en demandant l'accréditation du parti pour l'autre candidat, mon adversaire et consanguin de Feriata .Ce qu'ils n'obtiennent pas, grâce à la vigilance des responsables du parti. Ce groupe de l'élite locale ,se donne à lui-même une assurance collective ,en proposant et en soutenant un autre candidat à la Machiyakhat des Ait hbibi ; forte de sa cohésion socio- lignagère et de plus de 500 électrices et électeurs. L'indécrottable toubib des Ait Ouddi qui troque « le serment d'Hippocrate » contre un « serment d'hypocrite » et garde un petit pied à Tagzirt , s'allie à mes détracteurs , dont il est pourtant un invétéré adversaire . C'est ce que Waterbury appelle « Le style politique de l'élite » qui consiste en un jeu de bascule pour affaiblir le plus fort /menaçant, de constituer des alliances défensives, d'aider les plus faibles .Bref d'aller des déséquilibres partiels vers d'autres déséquilibres partiels. Secundo, ce jeu faisait aussi l'affaire du notable traditionnel de la famille et « Jouisseur du jeu politique local » : victoire et soumission du vaincu .Ayant présidé aux destinées de la commune pendant plus de trente ans, il a été renversé par la « révolte » des jeunes, conduite à l'été 1992, par le médecin des Ait ouddi et la « fronde » des Ait hbibi. Depuis lors , il a cherché à rétablir le déséquilibre en sa faveur .Il y parvient, 17 ans après, à l'occasion des dernières élections communales ,en prenant sa revanche avec l'appui de jeunes élus , issus du travail associatif local à Feriata et de la totalité des élus de la Machiyakhat d'Ait ihamd .Sa réélection à la circonscription électorale des Ait hamou ou aissa de Feriata -sa « Tiggami »- s'est faite dans la fission du lignage des Ait al maaoun -son « ighass ». Fission entre lui ,un autre candidat de la même famille et l'opposition de son futur candidat préféré à la chambre .Situation à laquelle succédera la fusion entre ces rivaux d'hier contre l'autre candidat usfpéiste d'aujourd'hui ,à la même circonscription et membre à part entière de ce lignage et de cette famille . C'est le principe « d'opposition complémentaire », base du système politique des sociétés segmentaires, développé par Evans Pritchard dans son étude sur les « Nuers ».
Pour leur part le « compagnon de route » et le shrif -« successeur à la fois mal à l'aise et complice de la génération du protectorat »- ont succombé aux délices d'un jeu politique à somme nulle en tombant dans le piège du comportement d'imitation du groupe familial. Ceci est d'autant plus effectif que l'arbitrage du « grand chef » leur est acquis, sous la férule hypnotique du sorcier notable, nonobstant la couleur « mal pesée » et honnie par la famille, choisie par le candidat adulé .C'et le principe de la « relativité structurale » : les lignages ne sont pas des unités permanentes, ils n'ont d'existence qu'en cas de conflits ou de lutte avec des groupements équivalents. Ce qu'illustre bien ma candidature en juillet 2009 par contraste avec celle de l'élection du « frère » cousin en juillet 1997, à la chambre d'agriculture et à la même circonscription.
Tertio, la majorité des élus qui m'a soutenu « officiellement », quant à elle, a eu « l'attitude de méfiance secrète ». Ce n'était pas de la paranoïa mais les joies de jeunes connaisseurs engagés dans une partie délicate sans stratégie offensive. Ils cherchent à ce que leurs tactiques à court terme continuent d'être payantes pour le futur. Durant la campagne, ils ont essayé de protéger leurs flancs contre des amis d'aujourd'hui qui peuvent devenir des ennemis de demain et maintenir le contact avec des ennemis récents qui peuvent devenir des amis dans le futur. C'est dans ce sens, que certains élus d'Ait ihamd, pourtant membres de la majorité -qui soi disant a fait de moi son cheval de bataille - a encouragé et soutenu la candidature d'un des leurs. Mais ces jeunes en prenant l'avantage sur les autres groupes, dans les élections communales, risquent eux-mêmes d'être les victimes de ce jeu, puisque comme le souligne Waterbury « les autres, toutes les unités se coalisent pour détruire ou contrebalancer le pouvoir accumulé ». En somme un jeu à somme nulle !
Enfin, comme si ces groupes ne suffisaient pas, il fallait les renforcer par un segment allogène, représenté par le notable éclectique et politicien véreux des Ait Saïd ouaali, prétendant à la présidence à vie de la chambre d'agriculture. En Khaldunien naïf, j'ai cru que les Feriatis allaient se coaliser autour de moi, contre cette intrusion. Mais l'esprit segmentaire l'a emporté sur celui de l'Assabiya !
Dans ce jeu il n'y a pas d'opposition .Il y a des oppositions à une sorte de « cheval de Troie » ! Les équilibres ne sont jamais rompus. Les décisions ne sont jamais prises définitivement. C'est l'immobilisme. Le statu quo politique.
Territoire versus tribalisme
Finalement tous ces acteurs politiques ont joué et gagné « la belle » !
En réalité, le grand et véritable vainqueur de ce jeu est le sous développement. Celui des populations et du territoire ! Celui ci, est nécessaire, comme on a l'a vu, pour « la « segmentation ». Cette dernière, ne peut être perçue que comme un habitus au sens de Pierre Bourdieu, c'est-à-dire un ensemble durable et transposable de schèmes communs de pensée, de perception, d'appréciation et d'action. Autrement dit, un arbitraire culturel dominant qui est imposé ; sans qu'il soit perçu par ceux à qui on l'inculque ni même le plus souvent par ceux qui l'inculquent. Ce genre d'habitus commun à la société tribale est le fondement le plus caché mais le plus sûr de son intégration. Il n'exige pas un chef charismatique ou traditionnel pour s'ancrer dans la tribu ou dans le groupe. C'est, comme dirait Bourdieu : « Une orchestration sans chef d'orchestre » ! Cet élément de base de la culture politique se forme dans des conditions particulières, qui font que nous constatons un décalage entre les ordres structurés dans le passé et les situations présentes. C'est ce qui explique les occasions manquées et l'impuissance continue, à reconnaitre le territoire ainsi que de ne penser ses crises, qu'avec des catégories de perception et de pensée passéistes. Mais une culture politique, ne peut être défaite que par une autre culture politique. Les forces vives, éprises des valeurs de liberté et de progrès pour le changement à Tagzirt, sont interpelées, désormais, à faire en sorte que la construction du territoire renverse la vapeur de cet habitus culturel politique aliénant et rétrograde.
Que prioriser alors, l'espace géographique ou les populations ?
L'immobilisme auquel a conduit le tribalisme et son avatar le segmentarisme, trouve ses racines, comme on l'a vu dans l'histoire, la culture et la socio-psychologie. Il a été et reste renforcé par le découpage électoral communal, conçu sur des bases patri-lignagères. Ce qui a consolidé l'emprise politique des notables et des apprentis notables, qui, au lieu de jouer leur rôle d'arbitres entre les populations et entre celles-ci et le makhzen ; légitiment et attisent les divisions intestines à l'intérieur des tribus et entre elles. Preuves en sont, s'il en était besoin : Les conflits préfabriqués sur les eaux de la petite et moyenne hydraulique, le problème de l'eau potable à Ait ihamd et Ait ouddi, le non aboutissement du projet d'irrigation moderne des 1500 ha de Feriata … La liste n'est pas exhaustive. La nouvelle équipe communale continuera t- elle à cautionner cet archétype atavique et tenace ? Le changer est-il une entreprise prométhéenne ? Non, du moins je l'espère. Ne dit- on pas : L'utopie d'aujourd'hui c'est la réalité de demain.
Tagzirt dispose de certains atouts. Le plus faible taux de pauvreté de la région (4,4%), une économie sociale et solidaire en plein essor, des revenus de transfert importants, des sites touristiques porteurs …Autant dire que le premier axiome de la rareté des ressources de la thèse segmentaire, doit être relativisé pour le cas d'Ait abdllouli.
De nos jours, Le changement passe par une liaison étroite entre la population, ses besoins et ses attentes d'une part et son territoire, ses problèmes et ses enjeux d'autre part ; indépendamment de l'appartenance ethnique, tribale, sociale, voire politique, des femmes et des hommes vivant sur cette entité géographique et administrative
Pour cela, une démarche de diagnostic territorial renseigné par les données économiques, sociales, environnementales et culturelles s'impose. Objectif : évaluer les potentialités et les faiblesses actuelles de notre territoire, pour mieux appréhender sa vocation et favoriser son essor, dans le cadre d'une stratégie visant le développement durable et solidaire .L'absence de cette vision, ne pourra se traduire que par des coûts économiques, sociaux et environnementaux et fera que les responsables locaux navigueront à vue en se cantonnant dans l'électrification, l'eau potable … et le train- train quotidien de la commune.
Mais déjà, les données dérivées d'une étude de la banque mondiale en 2007, à Foum Zaouia et 8 autres communautés marocaines ; mettent en lumière certains défis de politique importants, que la commune confronte. Ces défis consistent notamment à :
Encourager la diversification des moyens d'existence et l'entreprenariat
Améliorer la capacité communautaire à bénéficier de la migration et des transferts de Fonds
Développer l'accès à l'infrastructure et aux services sociaux
Remédier aux inégalités de genre
Intégrer les jeunes à la vie économique et politique.
C'est là un grand challenge pour le jeune président de la commune et son équipe .Puissent ils en être à la hauteur !
Sur ce territoire où le pathos l'emporte largement sur l'èthos et le logos, ma candidature était en elle-même un défi. Elle était ainsi « du Monde où les plus belles choses – Ont le pire destin – Et rose elle vivra ce que vivent les roses quand elles sont en fer forgé » . Un bouquet donc, de ces roses éternelles aux membres de la famille qui m'ont soutenu franchement et inconditionnellement et un autre à mes vrais amis de toujours .
Enfin, à celles et à ceux qui ont voté pour moi, je paraphraserai Victor Hugo et Montaigne pour leur dire : S'il ne restait qu'un être humain pour défendre votre cause, je serais celui-là car le meilleur héritage des descendants tient dans ce que leurs ascendants ne leur ont pas transmis


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