Sur la côte de la grande île d'Hawaii, la baie d'Hilo semble un havre de paix. Avec sa petite ville universitaire et son vieux quartier, tout respire le calme... Cependant, les apparences sont parfois trompeuses, puisque, en ces lieux, la terreur a déjà frappé durement. Le 1er avril 1946, à 7 heures du matin, il fait beau. Tout est tranquille dans la baie d'Hilo. Quelques instants plus tard, un mur d'eau de 10 mètres se rue à l'assaut de la ville. Le tsunami le plus destructeur du siècle vient de frapper la petite ville. La première vague emporte un pont. Quinze minutes plus tard, une deuxième vague casse, comme des brindilles, des palmiers adultes de 20 mètres de hauteur ! Mais c'est la troisième vague qui fait le plus de dégâts : tout le centre-ville d'Hilo reçoit un formidable coup de poing. La vague fracasse tout sur son passage. Les rails de chemin de fer sont arrachés. Un wagon vient emboutir une boutique 100 mètres plus loin. Les commerces, éventrés, répandent leur contenu aux quatre coins du quartier des affaires. La mer roule des pierres grosses comme des voitures jusqu'au centre-ville. C'est la dévastation. À Hilo seulement, on compte 95 morts. D'où proviennent les tsunamis ? On sait aujourd'hui que les tsunamis, ce n'est pas une affaire de raz-de-marée, mais plutôt de glissements de terrain, d'éruptions volcaniques sous-marines et, surtout, de tremblements de terre. Comme tous les phénomènes telluriques, les tsunamis sont d'une puissance redoutable. Depuis 1946, on estime à 50 000 les morts qu'ils ont causées dans la région du Pacifique. Le Pacifique est l'endroit rêvé pour les tsunamis, car l'écorce terrestre y est très active. À l'endroit où les plaques tectoniques se rencontrent, le plancher océanique glisse sous le plateau continental, plus léger et plus flexible. Au point de rencontre, une tension s'installe qui peut se relâcher de façon très soudaine. Résultat : des tremblements de terre. Lorsqu'un gros tremblement de terre se produit, il arrive que des milliers de kilomètres carrés de plancher océanique se soulèvent. Ce mouvement de la croûte terrestre déplace à son tour une large masse d'eau. L'eau soulevée fait une montagne à la surface. Puis, elle se sépare en deux et se dirige à toute vitesse vers les côtes. Géologiquement parlant, trois zones du Pacifique sont particulièrement actives : la fosse océanique Chili-Pérou au sud, la fosse Alaska-Îles-Aléoutiennes au nord, et la fosse Kamchatka-Kourile-Japon à l'ouest. Année après année, ces trois zones sont les principales sources de tsunamis. À la différence des vagues générées par le vent, comme celles des ouragans - qui sont essentiellement un phénomène de surface -, les tsunamis partent du plancher océanique lui-même. Par conséquent, elles forment des ondes très longues contenant une énergie colossale. À leur arrivée sur le littoral, les tsunamis se transforment en vagues monstrueuses. C'est de cette manière que se dissipe l'incroyable énergie qu'elles contiennent. Dans un gros tsunami, la hauteur des vagues varie entre 5 et 10 mètres. Dix mètres, c'est l'équivalent d'un édifice de trois étages. Cependant, on a déjà observé des vagues de 100 mètres de hauteur ! On estime à 7 ou 8 le nombre de grosses vagues qui font des dommages avant que l'énergie d'un tsunami ne soit dissipée. Et, en moyenne, entre 15 et 30 minutes séparent l'arrivée de chacune. Et la plus grosse vague n'est pas nécessairement la première... Que les amateurs de surf se ravisent : les tsunamis n'offrent pas ces superbes vagues qui font des rouleaux majestueux. À quoi ressemblent ces vagues ? Leur comportement varie beaucoup selon le littoral. Une vague brisée, par exemple, peut retourner vers la mer et créer un reflux. Si une seconde vague arrive au même moment, il se développe parfois un mur d'eau. Souvent associés aux tsunamis, les murs d'eau sont pourtant rares. Les vagues de tsunami ont plutôt tendance à simplement submerger les côtes. À quelle vitesse voyage les tsunamis ? En haute mer, la vitesse moyenne d'un tsunami est d'environ 800 km/h, une vitesse comparable à celle d'un avion à réaction qui traverse l'océan. Le Japon est régulièrement éprouvé par des tsunamis qui proviennent parfois d'aussi loin que le Chili. En 1960, à la suite d'un violent tremblement de terre près de la côte chilienne, un tsunami a voyagé pendant 22 heures et traversé plus de 10 000 km d'océan pour frapper le Japon avec des vagues hautes de 6 à 10 mètres. Les pays du Pacifique sont de plus en plus conscients du danger que représentent ces vagues tueuses. En 1992 et 1993, elles ont encore fait des milliers de morts au Chili, dans les Philippines et au Japon. On tente donc par tous les moyens de perfectionner les méthodes de détection de ce phénomène imprévisible. Peut-on détecter les tsunamis avant qu'ils ne frappent ? Oui, en traquant les tremblements de terre qui en sont la source. Au Pacific Tsunami Warning Center, des sismographes servent d'oreilles aux géologues. Lorsqu'un tremblement de terre se produit, le mouvement de la secousse est amplifié et enregistré par les sismographes afin de déterminer la position du séisme et sa magnitude. Dès que l'alarme est donnée, on tente de déterminer si le tremblement de terre a généré un tsunami. En fonction de l'épicentre du séisme, on calcule le trajet et l'heure possible d'arrivée des vagues en différents endroits. Ensuite, on se fie aux données des milliers de détecteurs de marée installés un peu partout le long des côtes du Pacifique pour tenter de suivre le parcours possible du tsunami. Une fois par seconde, ces détecteurs mesurent le niveau de la mer. Dix minutes avant l'arrivée probable des vagues, les géophysiciens prennent contact avec la station de mesure de l'endroit et surveillent le niveau de la mer, guettant un possible changement. Si le niveau de l'eau s'élève ou chute rapidement, on peut alors supposer qu'un tsunami important vient d'atteindre le détecteur de marée. Dès que ce constat est fait, l'information circule rapidement, car certains tsunamis locaux peuvent frapper en moins de 30 minutes ! La force d'un tremblement de terre ne génère pas toujours un gros tsunami. On ne sait pas encore vraiment pourquoi. Les chercheurs admettent qu'ils sont loins de tout connaître sur les tsunamis, ce qui complique la tâche du directeur du Pacific Tsunami Warning Center, Mike Blackford. Il doit prendre, sans se tromper, des décisions importantes, car des vies sont en jeu... En attendant de prendre sa retraite, Mike Blackford continue sa vigile. Une alerte peut survenir à tout moment. Le prochain grand tsunami peut frapper dans 10 ans. Ou dans les prochaines heures... Source : radio-canada.com