Le taux de commerce intracontinental dans les unions économiques et les zones de libre-échange de l'Union européenne, l'Asie ou l'Amérique du Nord, est respectivement de 70 %, 60 % et 54 %, contre seulement 15 % en Afrique. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ambitionne de porter ce taux à 52%. Comment y parvenir ? Les présidents des patronats africains et la conseillère principale pour l'engagement du Secteur privé au Secrétariat de la ZLECAF, réunis lors d'une plénière organisée dans le cadre du Forum International Afrique Développement (FIAD 2024) sous la thématique : "Construire les opportunités : pleins feux sur la ZLECAF », ont fait le point sur les avancées réalisées et certaines pistes à suivre. La ZLECAF représente une avancée majeure pour le commerce sur le continent. Selon la conseillère principale pour l'engagement du Secteur privé au Secrétariat de la ZLECAF, Cynthia Gnassingbé-Essonam, cet accord exhaustif et ambitieux, ratifié par 47 pays, a permis d'harmoniser les règles d'origine pour faciliter les échanges intrafricains. Gnassingbé-Essonam souligne que, avant la ZLECAF, un entrepreneur ou un industriel devait se conformer à diverses réglementations spécifiques à chaque pays lorsqu'il souhaitait exporter ses produits. Aujourd'hui, « plus de 92% des produits échangés dans le cadre du commerce intra-africain sont soumis à des règles d'origine harmonisées », applicables aux 47 pays signataires. Les secteurs du textile et de l'automobile demeurent les exceptions à cette harmonisation. Des réalisations concrètes Interpellée sur le démarrage effectif du commerce intrafricain sous la ZLECAF, Cynthia Gnassingbé-Essonam affirme que le commerce significatif a bel et bien commencé. Pour soutenir la mise en œuvre opérationnelle de l'accord, il est essentiel de développer des outils adaptés aux spécificités des économies africaines, indique-t-elle. Parmi ces outils, il y a le Système panafricain de paiement et de règlement qui permet d'effectuer des paiements transfrontaliers en temps réel, dans différentes monnaies locales. Son déploiement progressif sur le continent vise à faciliter les transactions commerciales, explique-t-elle. De plus, poursuit la conseillère principale, la ZLECAF a également mis en place un Fonds d'ajustement pour compenser les pertes de recettes liées à la réduction ou à l'élimination des droits de douane. Ce fonds comprend trois guichets, à savoir un guichet de base qui alloue les contributions des États parties et fournit des subventions et une assistance technique pour compenser les pertes de recettes tarifaires, un guichet général qui finance des projets d'infrastructures de facilitation du commerce au niveau des États ou des régions et un guichet commercial qui mobilise des fonds pour soutenir les secteurs public et privé afin qu'ils puissent s'adapter et tirer parti des opportunités offertes par l'accord. En résumé, la ZLECAF est en train de transformer le paysage commercial africain, comme le soutient Cynthia Gnassingbé-Essonam. Les mesures adoptées par cet accord créent un environnement harmonisé et favorable aux échanges intrafricains, tout en offrant des outils et des soutiens financiers essentiels pour une mise en œuvre réussie. Les perspectives offertes par la ZLECAF sont vastes et prometteuses, ouvrant de nouvelles opportunités pour le commerce et le développement économique sur le continent africain. La nécessité pour les patronats africains d'accéder à l'information Le président de l'Union Patronale et Interprofessionnelle du Congo (UNICONGO), Michel Djombo, met l'accent pour sa part sur l'importance cruciale d'accéder à l'information pour les chefs d'entreprises africains. Pour lui, cet accès est essentiel afin que les dirigeants puissent adopter une vision globale et stratégique, nécessaire à l'échelle continentale. Une nouvelle vision pour l'industrialisation M. Djombo fait remarquer par ailleurs que les activités industrielles étaient auparavant développées principalement pour des marchés locaux ou sous-régionaux. Cependant, il est désormais crucial d'accompagner les investisseurs, tant actuels que futurs, pour qu'ils se projettent au-delà des marchés locaux et envisagent un déploiement à l'échelle du continent. « Il y a des chaînes de valeurs tout entières qu'il faut repenser pour les orienter vers l'international », indique-t-il, ajoutant que le défi actuel des patronats africains est de soutenir leurs adhérents dans cette réflexion et ce changement d'approche industrielle. Quel rôle pour les patronats africains ? Les chefs d'entreprises africains "ont souvent le nez dans le guidon", ce qui peut limiter leur vision stratégique. À cet égard, le président de l'UNICONGO fait remarquer que le rôle des patronats est de « prendre un peu de hauteur », d'analyser les tendances et les chaînes de valeurs, et d'apporter des informations pertinentes sur le marché. Cette démarche vise à accompagner les investisseurs dans la réorientation de leurs stratégies et à les aider à internationaliser leurs chaînes de valeurs. Défis et solutions de financement Concernant le financement, Djombo estime que, comme dans beaucoup de régions du continent, les options disponibles sont souvent à court terme. Or, le développement industriel nécessite des ressources à long terme. Les banques se concentrent principalement sur le « trade finance », et montrent une certaine réticence à aller au-delà de ce cadre. Voilà donc pourquoi le président du patronat au Congo soutient qu'il est essentiel de développer une vision d'investissement à long terme et de collaborer avec les structures financières pour élaborer des approches adaptées. Pour ce faire, il préconise le développement de mécanismes financiers tels que les fonds souverains et le capital-investissement pour renforcer le marché financier et permettre la mobilisation de ressources à long terme. Cette approche serait cruciale pour soutenir le développement industriel sur le continent. Promouvoir le "made in africa" La ZLECAF offre une opportunité unique pour les pays africains de repenser et de restructurer leurs relations économiques et commerciales. Le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, met en avant la nécessité d'adopter une approche « made in Africa ». Selon lui, la CGEM, en collaboration avec la Banque Africaine de Développement (BAD), a mené une étude qui porte sur les complémentarités entre les pays africains et dont les résultats seront bientôt dévoilés. Les premiers retours de cette étude font apparaître que les possibilités de complémentarité économique et commerciale entre les pays africains sont très vastes, annonce Chakib Alj. Cette approche intégrée montre, selon le président de la cgem? comment les pays africains peuvent exploiter leurs forces individuelles pour créer des chaînes de valeur continentales solides. En combinant les ressources et les compétences de différents pays, l'Afrique peut produire des biens plus compétitifs sur les marchés internationaux, tout en renforçant ses économies locales. Pour réussir cette transformation, il est essentiel de dépasser les anciennes façons de penser et de se concentrer sur une collaboration interafricaine. Voilà pourquoi le président de la CGEM plaide pour une rupture avec les anciennes habitudes de penser.