Le bras de fer entre les écoles privées et les parents d'élèves se poursuit, sur fond de la crise sanitaire liée au Covid-19 dans le pays. En effet, des parents d'élèves dénoncent le comportement « irresponsable » de certains « lobbys » des écoles privées qui exigent le paiement des frais de scolarité des mois de mai et juin, malgré la « suspension » de l'enseignement depuis le mois de mars. Les détails. L'annonce de l'arrêt des cours présentiels pour les trois cycles d'enseignement et le cycle supérieur, par le ministère de l'éducation nationale à partir du le 16 mars, a été accompagné par la mise en place de l'enseignement à distance, dans le but de protéger les élèves et cadres de l'enseignement du Coronavirus. Cependant, plusieurs écoles privées ont montré un manque de "solidarité exceptionnel", selon plusieurs parents d'élèves, surtout après la polémique, soulevée par une organisation qui défend les intérêts des écoles privées, qui avait demandé à l'exécutif de bénéficier du fond de gestion de la pandémie, suite à la crise économique qui les as impactés. Pour se défendre, les écoles privées, qui prennent en charge près de 17% de la totalité des élèves au Maroc, ont indiqué que la crise engendrée par cette suspension des cours, a mis à mal leur "business" et elles ne trouvent plus de quoi payer leurs salariés, ce qui les as poussées à en licencier plusieurs. Mais si on se réfère aux derniers chiffres du ministre du travail, Mohamed Amerkeaz, quelque 48.000 salariés ont été déclarés en arrêt temporaire de travail par des écoles privées marocaines, et profitent ainsi du fonds spécial Covid-19, à travers la CNSS, ce qui soulève plusieurs interrogations. "Nous avons accepté de payer le mois d'avril, malgré la crise sanitaire qui a impacté notre revenu. Mais de là, à nous demander de payer le mois de mai et juin, nous ne l'accepterons pas pour plusieurs raisons, notamment le fait que nos élèves ne sont pas partis en classe et n'ont pas profité des cours bien comme il se doit, sans oublier que l'enseignement à distance n'a pas été appliqué pour tous les élèves du privé qui étaient obligés de suivre les cours mis en place par le ministère de tutelle sur les chaînes nationales pour ne pas râter leur année ou encore sur la plateforme internet", explique ce parent d'un élève du premier cycle à Casablanca, et à qui l'école exige un paiement de 5.000 dhs ( mai et juin). Un autre parent d'élève qui s'est confié à Hespress FR, s'est interrogé, "où est-ce que les écoles mettent tout cette argent?". « C'est de l'escroquerie pure et dure ! D'un côté, les écoles privées demandent l'aide de l'Etat, et de l'autre, elles disent avoir licencié des salariés parce qu'elles n'avaient plus de quoi les payer alors qu'ils sont pris en charge par la CNSS, mais à côté elles continuent de faire payer les parents sans qu'il y ait de cours, et malgré la perte de revenu de certains parents. On se demande où va tout cet argent encaissé et où est le sens du patriotisme de ces établissements qui nous pompent le sang depuis des années », déplore-t-il. Ce que dit la loi Les écoles privées doivent-elles exiger le paiement des frais de scolarité des mois de mai et juin ? Les parents d'élèves doivent-ils ou non s'acquitter de ces frais ? Autant de questions qui reviennent en force récemment après l'annonce du ministre de l'éducation nationale de la reprise des cours en septembre 2020, une mesure que les patrons des écoles privées qualifient de « décision unilatérale ». Un représentant d'une organisation qui défend les intérêts des écoles privées, a même refusé de se prononcer sur le sujet, malgré les nombreuses sollicitations de Hespress Fr. Mais que dit la loi dans ce sens ? Selon la loi 06.00 formant statut de l'enseignement scolaire privé, et précisément dans son chapitre 5 sur l'enseignement à distance, en aucun cas « l'aspect financier » en cas d'arrêt des cours suite à une crise quelconque et l'instauration de l'enseignement à distance, n'a été explicité. Selon maître Mourad Elajouti, avocat au barreau de Casablanca, « les écoles privées, n'ont pas le droit d'obliger les parents d'élèves à payer les frais de scolarité, puisqu'on est dans une crise exceptionnelle qu'on n'a jamais vécue auparavant ». De plus, l'avocat souligne que « la prestation exigée n'a pas eu lieu comme mentionné dans le contrat, même tacite, liant les deux parties ». « Le contrat, entre les deux parties (parents et écoles), même s'il existe, ne prévoit pas l'enseignement à distance dans une telle situation. Et la prestation normalement entre ces deux parties, à savoir le suivi des cours à l'école, exige une contrepartie de la partie tierce. Or, dans ce cas de figure, il n'y a pas eu de contrepartie. Et de ce fait, les parents peuvent ne pas payer, puisque la prestation attendue n'a pas été réalisée », explique-t-il Concernant les cours à distance, notre interlocuteur a estimé que le ministère de l'éducation nationale, a mis en place l'enseignement à distance gratuitement sur les chaînes nationales et sur une plateforme digitale gratuite. « À ma connaissance, les écoles privées suivent le même programme que les écoles publiques à l'exception des missions. Et si les écoles privées ont assuré de leur côté l'enseignement à distance au profit de leurs élèves, elles pourraient exiger un paiement, à condition que les élèves aient réellement suivi ces cours», avance Maître Elajouti. « Je pense que c'est illégal d'imposer des frais pour une prestation non-réalisée. Les écoles privées ne peuvent pas obliger les parents à payer. L'école, en tant que prestataire, doit fournir la prestation payée par les parents à savoir, les cours en présentiel en classe, ce qui n'est pas le cas. Sans oublier que le ministère de l'éducation a indiqué que le réussite des élèves (ou pas) se fera sur les notes obtenues jusqu'en mars, le report des cours à septembre et l'organisation des examens en juillet pour le baccalauréat. Donc ça n'a aucun fondement légal, sauf si les écoles privées exercent la pression sur les parents en contrepartie de la récupération des bulletins de notes, ou tout autre motif », explicite notre interlocuteur. Et ça, c'est de « l'extorsion » estime Me Elajouti, qui souligne le fait « qu'il y a des parents qui ont réglé toute l'année scolaire ». La question, rappelle-t-il en outre, a été abordée par le ministre du travail « qui s'est déjà prononcé sur la question des écoles privées devant les parlementaires, précisant notamment les écoles ont été payées pour le mois d'avril par les parents, tout en déclarant leurs salariés à la CNSS » pour arrêt d'activité.