Le Maroc s'est adressé directement au PDG du géant Adidas pour retirer du marché le maillot que la marque a conçu pour l'équipe de football algérienne. Les arguments du Maroc sont cités dans la lettre de mise en demeure, dont H24Info a obtenu une copie. La polémique autour du maillot de l'équipe algérienne pour la saison 2022/2023 a quitté les réseaux sociaux, en prenant une tout autre dimension, avec le ministère de la Culture qui a décidé d'adresser une mise en demeure au président-directeur général du groupe Adidas, Kasper Rorsted. La lettre notifiée via courrier électronique et par voie d'huissier, énumère les arguments du département de Mehdi Bensaid, qui a mandaté Me Mourad Elajouti, Président du Club des avocats au Maroc pour suivre cette affaire. « Le ministère de Culture marocain dont je défends les intérêts, m'a transmis des éléments dont il ressort que les motifs utilisés dans ce nouveau design, comportent des représentations de l'art du zellige Marocain, ce qui s'apparente à une tentative manifeste d'appropriation culturelle par le biais de votre marque », lit-on dans cette lettre. Lire aussi: Appropriation culturelle: le Maroc met en demeure Adidas à cause du maillot de l'Algérie L'argument exposé par les médias algériens, selon lequel le maillot s'inspire des motifs présents dans "le palais de Méchouar de Tlemcen", est lui aussi remis en cause dans la lettre, où l'on affirme même que ce palais est d'inspiration marocaine. « En effet, les carreaux de céramique émaillée sont apparus la première fois au Maroc au 10e siècle, les motifs présents dans le palais de Méchouar de Tlemcen sont d'inspiration marocaine et ont été aperçus la première fois à la madrasa Bū ʿInāniyā de Fès et à la madrasa-zāwiya de Chella », poursuit la même source, étayant son argumentaire en citant un article scientifique: "Palais du Meshouar (Tlemcen, Algérie) : couleurs des zelliges et tracés de décors du xive siècle publié par la revue ArcheoSciences 2019/2 (n° 43-2)". Des poursuites qui pourraient aller encore plus loin La partie marocaine rappelle dans ce sens que les motifs utilisés sont inspirés de ceux présents « dans les monuments de la médina de Fès et le site de Chellah, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1981 et 1985, la délimitation des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial comporte tous les attributs architecturaux et urbanistiques ». Plus encore, la médina de Fès est « protégée par des textes législatifs nationaux visant sa protection et renforçant, au niveau local, son inscription sur la liste du patrimoine mondial, notamment le décret n°2.81.25 du 22 octobre 1981 pris pour l'application de la loi n°22-80 relatives à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquité ». Et pour ce qui est de Chellah, une nécropole mérinide, elle fait partie des sites de la ville de Rabat, inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco en tant que bien culturel, souligne-t-on. « Le fait de copier des dessins et modèles sans égard pour la profonde signification culturelle qu'ils revêtent, et l'origine de leur création peut porter atteinte à l'identité d'une communauté tout entière », estime la partie marocaine. Au-delà de l'aspect économique, cette appropriation « peut s'apparenter à une manœuvre politique puisqu'il s'agit de la volonté de supprimer une culture en faveur d'une autre, poursuit l'avocat mandaté par le ministère. Lire aussi: La Fifa de nouveau accusée d'appropriation culturelle du patrimoine marocain Au vu de ces graves accusations, la partie marocaine demande le retrait du maillot algérien du marché dans un délai de 15 jours (à partir de la réception de la lettre) ou bien, « en cas de carence, prévoir une communication relative aux motifs utilisés issus de l'art de Zellige marocain », en plus de verser « éventuellement une partie des bénéfices pour les artisans marocains détenteurs de droits ». « Le ministère de culture marocain se réserve le droit d'utiliser toutes les voies de recours judiciaires possibles devant les tribunaux allemands et internationaux, ainsi que devant les organismes relatifs à la protection du patrimoine et les droits d'auteur l'UNESCO et l'OMPI, afin de protéger les éléments du patrimoine culturel marocain des tentatives illicites d'appropriation », conclut la lettre remise au PDG d'Adidas.