On se dit que plus tôt l'enfant s'habitue aux nouvelles technologies, plus vite il devient intelligent. Que nenni. Une spécialiste nous explique. Qui n'a jamais donné un smartphone ou sa tablette mobile à un enfant, ou l'a mis en face de la télé ou l'ordinateur, juste pour le calmer? En ballade, à la maison, au supermarché, en voiture, etc., les plus grands ont en effet très souvent recours à cette solution pour que leurs rejetons, même ceux en bas âge, se tiennent tranquilles. On se dit que plus tôt l'enfant s'habitue aux nouvelles technologies, plus vite il devient intelligent. C'est pourtant tout le contraire. En effet, ces comportements ne font que créer une addiction chez les enfants à l'écran et aux nouvelles technologies. «On reçoit tous les jours beaucoup de bébés de 3 à 4 mois, qui sont attachés sur une poussette devant des émissions télé toute la journée, et ces enfants, à 2 ans ou 3 ans, ont des problèmes de langages, des problèmes de structuration de la personnalité, de graves dépressions, etc.», déplore la pédopsychiatre Ghislaine Benjelloune. L'exposition précoce à l'internet, à la télévision ou aux jeux vidéo peut certes être positive, mais ses effets néfastes sont nombreux, car les enfants ont accès à un nombre de choses pour lesquelles ils ne sont pas matures. Les spécialistes de l'enfance sont unanimes: aucun enfant qui ne parle pas encore, qui n'est pas socialisé, ne devrait être mis devant un écran; c'est totalement interdit avant l'âge de trois ans. Et cela vaut également pour les enfants qui ont accès aux jeux vidéo entre trois et six ans. Les parents ont l'impression que la télé et les jeux vidéo éduquent l'enfant et lui permettent de développer une intelligence, mais les effets secondaires sont tellement énormes. Le docteur Benjelloune dénonce cette tendance de certains parents à léguer l'éducation de leur rejeton aux appareils technologiques, ce qui est «extrêmement délétère pour la relation parent-enfant et pour le développement intellectuel et affectif de l'enfant». Ces enfants se retrouvent tout seuls avec un écran, sans contrôle sur ce qu'ils regardent. Nombreux sont les cas d'enfants qui ont été exposés à des images pornographiques ou à du sexe alors qu'ils étaient en train de jouer, ou à des choses qu'ils ne sont absolument pas préparés à absorber. Et les conséquences sont nombreuses: états de stress, d'angoisse, vision de la sexualité perverse, envie d'expérimenter, etc. Dans la vidéo ci-dessous, le docteur Benjelloune explique les nombreuses pathologies auxquelles sont confrontés les enfants exposés trop tôt aux nouvelles technologies et le rôle à jouer pour les parents. http://www.h24info.ma/wp-content/uploads/2018/02/pedopsy.mp4 La situation est d'autant plus inquiétante que les dangers de l'exposition et de l'addiction aux nouvelles technologies chez les enfants sont très souvent abordés dans les médias, mais visiblement sans effet. «En consultation, beaucoup de parents avouent savoir que c'est dangereux, qu'ils ont péché, qu'ils n'auraient pas dû laisser cela arriver», dénonce la pédopsychiatre. Le problème qui émerge alors est celui de la démission des parents, qui ne passent pas assez de temps avec leurs enfants. Pourtant, «l'enfant a besoin d'un bain de langage, qui soit humain avec des visages humains. Il a besoin qu'on lui parle pour constituer son stock de langage». Et ce n'est pas l'écran qui pourra le faire. Quid des programmes télévisés comme «Dora l'exploratrice» et autres? «Là c'est encore plus grave, parce que 'Dora' va s'adresser à l'enfant. C'est un objet qui s'adresse à l'enfant et qui attend une réponse, l'enfant s'adresse donc à l'écran, on est dans le délire total», répond Ghislaine Benjelloune. De plus, on est ici dans l'apprentissage de l'anglais (ou l'arabe classique, l'espagnol, etc. selon le programme), alors que l'enfant ne sait même pas encore parler et s'adresser à ses parents dans sa langue maternelle. Alors, à partir de quel âge peut-on laisser les enfants regarder la télévision? «À partir du moment où l'enfant parle et s'exprime de manière fluide, soit à partir de 3 ou 3 ans et demi, il peut être exposé à la télé une heure par jour, et idéalement en présence d'un adulte, qui parle avec lui de ce qu'il regarde», conseille notre pédopsychiatre. Et concernant internet, les spécialistes conviennent que c'est à partir de 9 ans que l'enfant peut entrer sur internet, mais en présence d'un adulte. À partir de 12 ans, il peut le faire seul, mais l'adulte doit régulièrement parler avec lui de ce qu'il est en train de regarder. Par ailleurs, il faut savoir qu'élever un enfant commence bien avant sa naissance. «Pendant la grossesse, une maman doit déjà s'adresser à son bébé, lui parler. Un bébé comprend très bien, entend la voix de sa mère et a les capacités cognitives pour s'habituer à elle». Le docteur Benjelloune en veut pour preuves plusieurs études qui montrent à quel point un fœtus a déjà énormément de compétences auditives, visuelles, d'habitation, etc. Ainsi, la vie fœtale et les deux premières années de vie de l'enfant sont très déterminantes pour sa santé mentale future. Un dernier conseil pour les parents dont les enfants présentent avoir une addiction aux écrans: il faut arrêter complètement les écrans à la maison, sans demi-mesure. Dès lors, on remarque des changements chez l'enfant, qui regarde plus, qui est jovial, qui commence à émettre des syllabes, et qui s'intéresse aux adultes. Et à ceux qui craignent de brusquer leurs tout-petits en les privant de télé d'un coup: «Dès que vous vous intéressez à eux, leur proposez une alternative humaine, à travers des jeux et autres activités, les enfants sont preneurs, ils sont contents», rassure le docteur Benjelloune.