Acteurs associatifs, juristes et militants de droit de l'homme ont appelé, samedi à Casablanca, les autorités marocaines à réformer le Code de la famille et des lois marginalisant les mères célibataires et leurs enfants. «Le Code de la famille marocain ne met pas tous les enfants au même pied d'égalité et crée une discrimination dangereuse entre les enfants nés dans le cadre du mariage et ceux nés hors mariage», ont dénoncé à l'unanimité les intervenants lors d'un débat sur le thème du «droit des enfants à la filiation», organisé samedi 10 à Casablanca par la Commission régionale des droits de l'Homme de Tanger, dans le cadre de la participation du CNDH au Salon du livre. A cette occasion, acteurs associatifs, juristes et militants de droit de l'homme ont réitéré leur appel pour une réforme du Code de la famille et des lois marginalisant les mères célibataires et leurs enfants. Et pour cause, ce phénomène prend de l'ampleur avec plus de 50.000 cas de naissances hors mariage enregistrés annuellement au Maroc et 6.000 cas d'abandon d'enfants via les procédures juridiques, a indiqué Khalid Laghlimi, pédiatre, président de l'association tangéroise « 100% maman ». «La société doit aujourd'hui regarder le problème en face et arrêter de mettre toute la responsabilité sur le dos des femmes. Ceci, alors que le père biologique n'est redevable d'aucun compte et reste dédouané au regard de la société de toute responsabilité dans la naissance d'un enfant hors mariage», a martelé Khalid Laghlimi. Pour sa part, Anas Saadoun, membre du club des magistrats a pointé du doigt un certain nombre de dispositions de la loi marocaine en contradiction avec les normes et conventions internationales consacrant l'égalité entre les êtres humains, notamment l'article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme, objet de cette conférence sur les droits de l'enfant. Parmi ces contradictions, Anas Saadoun a souligné la distinction par le Code de la famille entre la filiation légitime et celle non légitime. Il a aussi soulevé le fait que «la parenté biologique d'un enfant peut être contestée par le père en recourant à un test ADN. Alors qu'à contrario, elle ne peut être reconnue via ce même test si le père refuse de reconnaître l'enfant». Abondant dans le même sens, Nada Bakkali, avocate au barreau de Tanger a relevé que «ce vide juridique permet au père de dissimuler la vérité à la justice et de se départir de sa responsabilité parentale. Il bafoue ainsi le droit de l'enfant à la filiation, impactant négativement la psychologie de ce dernier». Anas Saadoun a cité une autre incohérence qui existe dans le cadre juridique: «Le Code de la famille peut dans certains cas priver la fille non légitime de porter le nom de son père, situation qui ne protège pas cette dernière du risque d'une relation incestueuse avec son frère ou son père», s'est-il scandalisé. Par ailleurs, les intervenants ont rappelé leur indignation suite à la décision de la Cour d'appel de Tanger en octobre dernier d'annuler un jugement émis en première instance condamnant un père biologique à indemniser une maman célibataire. Cette dernière avait fourni, pour appuyer sa demande, les résultats d'un test ADN prouvant le lien biologique entre le père et sa fille. «Un droit aussi important que le droit à la filiation et constitutif de l'identité d'un individu ne doit pas dépendre des interprétations des lois. L'ambiguïté de textes juridiques qui peuvent manquer de clarté ne doit pas conditionner et fixer le sort d'un enfant», a conclu M. Saadoun.