Une information capitale qui occupe la une des médias espagnols depuis hier soir. La recrudescence, ces derniers mois, des traversées de pateras et les vives tensions qu'elle génère de part et d'autre du détroit de Gibraltar prennent une autre dimension, avec l'implication avérée de ressortissants espagnols. Une dimension dramatique avec l'interception, par la force, d'un go-fast entre M'diq et Fnideq, par la Marine Royale marocaine. Devant la présence suspecte sur ses eaux territoriales de cette embarcation qui a pris le départ du préside de Sebta, d'un lieu appelé « Kantra », une unité de combat de la Marine Royale a dû faire feu devant le refus d'obtempérer du conducteur du go-fast, accompagné selon le quotidien El Pais qui cite des sources diplomatiques espagnoles, d'un complice d'origine marocaine et de nationalité espagnole. Dix-huit candidats à l'émigration clandestine, tous marocains, se trouvaient à bord, peu visibles au cours des tirs, car ils étaient allongés dans l'embarcation, selon différents témoignages. Une jeune femme de 20 ans, originaire de Tétouan, a été mortellement blessée et est décédée à l'hôpital de M'diq où elle avait été transportée. Trois autres personnes ont été blessées dont une grièvement. Le cas grave a été transporté d'urgence vers une unité hospitalière de Rabat où il devait, hier soir, subir une opération. Un conducteur multirécidiviste Le pilote espagnol de l'embarcation, 32 ans, n'a pas été blessé et est interrogé depuis hier soir à M'diq. Son profil de multirécidiviste, condamné 25 fois (16 détentions) occupe les premières lignes des publications espagnoles, qui citent l'agence Europa Press, qui a obtenu les détails du profil criminel de J.D.Q auprès de sources de la Guardia Civile. Profil violent confirmé par les témoignages recueillis auprès des rescapés de la traversée clandestine. Plusieurs auraient déclaré dans leurs interrogatoires qu'ils ont tenté d'empêcher le pilote espagnol de prendre la fuite devant les tirs de sommations de la Marine Royale, en vain. Quant au conducteur, connu des services espagnols, il raconte qu'il a été contacté par ses relais en Espagne pour « assurer » cette commande, moyennant la somme de 5.000 euros, selon une source sécuritaire interrogée par 2M.ma. Un réseau spécialisé démantelé à Tanger A cette interception dramatique d'hier, s'ajoute cette opération à Tanger cette fois-ci, menée par la sûreté nationale. Selon un communiqué rendu public hier soir, la police judiciaire de Tanger a procédé à l'arrestation de deux individus, un espagnol résidant illégalement au Maroc, et un marocain. Tous deux seraient des membres présumés d'un réseau criminel spécialisé dans l'escroquerie et l'organisation d'opérations d'émigration clandestine. Ils auraient extorqué de grosses sommes d'argent à un groupe de candidats à l'émigration clandestine ; candidats âgés de 35 à 45 ans, qui devaient faire cette traversée à bord d'embarcations pneumatiques, toujours selon le communiqué rendu public par la DGSN. Des réseaux mafieux organisés Dans ces deux affaires, il ne s'agit pas de simples pateras, avec son lot de candidats au départ, embusqués sur les côtes nord, dans l'attente d'une météo favorable. Tous les éléments recueillis vont dans le sens de véritables réseaux criminels organisés, disposant d'embarcations rapides et puissantes que l'on retrouve dans les opérations de transport de drogue. Le profil multirécidiviste de J.D.Q contribue à préciser les moyens utilisés et le mode opératoire de ces réseaux. Dans le même sens, on peut s'interroger sur la capacité et les moyens avec lesquels les 18 candidats à l'émigration clandestine allaient être retenus, en territoire espagnol, en attendant que leurs familles respectives paient le prix de la traversée. Recrudescence des opérations De nombreuses questions pour un trafic extrêmement lucratif, quand on sait que depuis le début de l'année, selon le ministère espagnol de l'intérieur, 33.215 migrants clandestins seraient arrivés sur les côtes espagnoles parmi lesquels toujours selon les mêmes sources, 6433 marocains. Côté marocain, le travail colossal destiné à faire avorter les départs peut être résumé à un chiffre : 54.000 tentatives d'émigration clandestine ont été déjouées à fin août dernier, selon le porte-parole du gouvernement. A Mustapha El Khalfi d'ajouter que sur ce chiffre, les marocains ne représentent que 13%. Ce sont également 74 réseaux criminels actifs dans la traite des êtres humains et l'émigration clandestine qui ont été démantelés par les services de sécurité marocains. Au total et sur la même période, 1900 embarcations ont été saisies. Des drames humains Au-delà des chiffres et statistiques, ce sont de véritables tragédies humaines qui endeuillent chaque année des centaines de familles, comme celle de Hayat, arrachée hier aux siens à l'âge de 20 ans. Elle sera enterrée ce mercredi après-midi après la prière d'Al Asr, à Tétouan, sa ville natale.