Le Ministère de la Santé a annoncé le lancement imminent d'une campagne de sensibilisation sur la vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV), dans le but de contribuer à réduire le taux de morbidité lié au cancer du col de l'utérus au Maroc. Dans cet entretien, Dr. El Korchi Tobi Saâdia, gynécologue et obstétricienne aux 30 années d'expérience, explique qu'est-ce que le HPV et l'importance de la vaccination dès le plus jeune âge dans la prévention de ce cancer, qui emporte près de 2.500 vies par an au Maroc. Qu'est-ce que le papillomavirus humain ? Les papillomavirus humains sont un groupe de virus qui regroupent près de 200 génotypes. Quarante de ces types infectent les organes génitaux chez les hommes et les femmes, mais les souches les plus dangereuses sont les n°16 et 18. Le HPV se transmet essentiellement lors d'un contact sexuel. L'homme comme la femme peuvent être porteurs du virus, et tous les deux peuvent développer des cancers dûs à l'infection : cancer de l'anus, de la gorge, et du pénis chez l'homme; cancer du col de l'utérus chez la femme, explique la spécialiste. L'infection est plus fréquente chez les jeunes, et celle-ci ne conduit pas forcément à un cancer du premier coup, clarifie-t-elle. "Dans la majorité des cas, l'immunité du corps se charge d'éliminer le virus de l'organisme durant la première année qui suit l'infection. Mais dans une minorité des cas, l'infection persiste et génère des lésions pré-cancéreuses, des condylomes (verrues génitales), et même un cancer". Le cancer du col de l'utérus au Maroc en chiffres "Le Maroc ne dispose pas d'un registre national qui documente exactement les cas déclarés de cancer du col de l'utérus. Les seuls chiffres dont l'on dispose sont les cas déclarés dans les centres d'oncologie, qui sont estimés à 3.300 en moyenne par ans desquels résultent près de 2.500 décès", explique Dr. El Korchi. C'est le deuxième cancer le plus répandu dans le monde après le cancer du sein chez la femme de plus de 50 ans, ajoute-t-elle. Le HPV a été reconnu par la communauté scientifique mondiale comme la première cause du cancer du col de l'utérus, résultant d'une infection durable au virus. Quel sont les vaccins utilisés dans la vaccination contre le HPV au Maroc ? Depuis 2006, plusieurs vaccins sont disponibles : Gardasil, qui prévient contre le cancer du col et les verrues génitales. Il est quadrivalent et prévient donc contre 4 types de HPV : n°6, n°11, n°16 et n°18. Il y a également le Cervarix, qui protège contre les HPV n°16 et n°18, qui sont les génotypes les plus dangereux. Et puis, dernier vaccin en date, le Gardasil 9, qui protège contre 9 types de HPV comme son nom l'indique, les n°6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58. Révolution en la matière, des recherches sont actuellement en cours autour d'un vaccin à but curatif contre le HPV. Si cela aboutit, cela permettra de soigner les personnes déjà infectées à un stade précoce et donc d'annihiler toutes chances de développer un cancer, ajoute la gynécologue. Quel est l'âge idéal pour se faire vacciner contre le HPV ? Pour être efficaces, ces vaccins doivent être injectés chez les enfants, garçons et filles, avant le début de leur vie sexuelle, c'est à dire avant toute infection au virus, idéalement entre 11 et 14 ans, explique la spécialiste. Chez les jeunes femmes, ce délai est extensible à la première année qui suit leur premier rapport sexuel parce que le corps prend au moins une année pour éliminer le virus. Chez les jeunes hommes, l'âge de la vaccination peut s'étendre jusqu'à 26 ans. Cela permet d'éviter l'infection une fois pour toutes. Si une fillette se fait vacciner avant de contracter le HPV, elle à 100% de chances de ne jamais développer un cancer du col de l'utérus. Les effets indésirables de ces vaccins sont les même imputables à n'importe quelle autre vaccination : fièvre légère, douleur au point de piqûre, maux de tête... Pour les femmes qui ont une vie sexuelle depuis plusieurs années, continue Dr. El Korchi, elles peuvent toujours se faire vacciner contre le HPV a condition d'effectuer un dépistage qui doit s'avérer négatif. Cela veut dire qu'elle n'est pas infectée et elle peut donc toujours se faire vacciner. Le cas échéant, si le dépistage est positif, il est trop tard pour se faire vacciner. Le dépistage reste primordial malgré la vaccination "Ce n'est pas parce qu'une femme est vaccinée qu'elle doit omettre de se faire dépister", prévient la gynécologue. Le dépistage est préconisé dès l'âge de 25 ans en effectuant un frottis. Si celui-ci est satisfaisant, la femme doit se conformer à un calendrier de dépistage chaque 2 ans. Attention "même en ayant des rapports sexuelle protégés avec un préservatif, une femme peut toujours être infectée au HPV, puisqu'il peut exister dans les parties génitales qui ne sont pas couvertes", avertit-elle. Le dépistage se fait en trois stades : le frottis, la colposcopie et le typage viral. Si le frottis est positif au HPV, la colposcopie (examen du col de l'utérus) doit être effectué afin de mesurer l'ampleur des dégâts causés par le virus. Le typage viral permet ensuite de reconnaître quelle souche cause exactement l'infection et de traiter en conséquence. Plus une femme se fait dépister tôt, plus ses chances de guérir sont élevées. Les cas dépités précocement ont plus de chances de ne pas subir une ablation de l'utérus, et donc de pouvoir avoir des enfants dan le futur si elles le souhaitent. A contrario, les cas dépistés à un stade très avancés n'ont que 5% de chances de survie. Quid de la grossesse, de l'allaitement, et de l'accouchement lorsqu'on est infectée au HPV? "Les études scientifiques ont démontré qu'une femme infectée au HPV ne peut pas le transmettre à son foetus. Le virus n'a pas été détecté dans le liquide amniotique", explique Dr. El Korchi. Néanmoins, la vaccinattion contre le HPV n'est préconisée pour une femme enceinte qu'après son accouchement. Aussi, une femme qui présente des condylomes génitaux (verrues génitales) ne doit jamais accoucher par voix basse, parce que pendant l'accouchement, le bébé peut être contaminé par ces verrues et d'en développer au niveau du larynx, l'empêchant ainsi de respirer. Il est obligatoire d'accoucher par césarienne, développe la gynécologue. De même, "ni le HPV ni le vaccin contre celui-ci ne se transmet pas dans le lait maternel. Il est donc possible pour une femme allaitante de se faire vacciner", fait savoir le Dr. El Korchi
Enfin, Dr. El Korchi insiste sur l'importance de la mise en place d'un programme national de lutte contre le HPV, fait de sensibilisation, de vaccination en milieu scolaire, de dépistage périodique obligatoire pour les femmes mais aussi de formations du personnel de santé (sages-femmes, infirmières...). Cela restant le seul moyen de voir faire retomber les chiffres du cancer du col de l'utérus au Maroc.