Edwin Sluismans aurait pu être sociologue ou psychanalyste tellement il est calé sur la question de lêtre. Le Directeur général de Greenberry, la société qui vient de lancer le sac plastique 100 % biodégradable, est pourtant dune tout autre formation. Ayant visité le Maroc à deux reprises, Edwin y revient 30 ans plus tard par un concours de circonstances. Aujourdhui, il y a pris racine et ne songe pas retourner en Belgique, son pays dorigine. Si Edwin Sluismans a rejoint le Maroc en 2001 après sa nomination à la tête de la filiale marocaine du groupe Beiersdorf, le pays ne lui est pas complètement inconnu. Edwin, ayant joui dune enfance insouciante et privilégiée en Belgique, a eu loccasion de voyager jeune avec lun ou lautre de ses parents, divorcés. Et cest lors de lun de ces voyages quil visite le Maroc au début des années soixante-dix. «La rencontre avec des gens simples et chaleureux, mais aussi cette lumière si particulière et les parfums des souks dans le Grand Sud, mont marqué à jamais Mon retour au Maroc, près de 30 ans plus tard, semblait déjà programmé ! ». Vivant jusque-là dans linsouciance, un tragique événement va propulser Edwin dans lâge adulte. En effet, sa mère trouve la mort dans un accident de voiture. Ce drame, qui survint en 1980, la fait entrer plutôt que prévu dans la vie adulte, avec la nécessité de trouver de petits boulots pour financer ses études, payer son loyer Il saccroche et parvient, en 1987, avec un BTS Marketing/Communication en poche, à entrer dans une des grandes écoles de marketing et de vente, Procter&Gamble. « Une des spécificités de cette entreprise, cest que tout le monde commence au bas de léchelle, nonobstant le prestige du diplôme. Les résultats, bien sûr, mais aussi la capacité de travailler en équipe, de faire montre de persévérance et davoir une bonne capacité dadaptation y étaient les clés de lévolution dune carrière». Après 7 ans chez P&G, Edwin Sluismans est repéré par un chasseur de têtes qui lui propose la Direction des ventes chez Beiersdorf, à Bruxelles. «Mon destin prend une nouvelle tournure avec ma nomination à la tête de la filiale marocaine du groupe Beiersdorf, en janvier 2001. Javais 35 ans, une ferme conviction de pouvoir changer le cours des choses. Le culot et linsouciance étant lapanage de la jeunesse, cela a marché : la société connaît alors une forte croissance, sengage dans un ambitieux programme de rénovation. Les résultats suivent, la marque se développe mon égo aussi ! ». A près de 40 ans, nayant pas obtenu le poste quil sétait auto-assigné, Edwin décide de claquer la porte du groupe et de recommencer une nouvelle carrière dans la communication, en agence de publicité. A retenir, entre autres, quEdwin est de ceux qui croient quau cours dune vie, il ne faut pas hésiter à changer de métier 10 fois et de vivre dans plusieurs pays différents. Pour lui, cette adaptation culturelle et professionnelle deviendra de plus en plus la norme au cours des prochaines décennies. «Quelques années plus tard, toujours au Maroc, appuyé par des partenaires solides et fiables, je crée Greenberry avec Rim Rherras, mon associée, lautre tête pensante de la société». Très attentif à son prochain dans la vie comme au travail, Edwin essaie de concilier le rationnel et émotionnel, le cerveau droit et le cerveau gauche. La raison, la rigueur, la méthode, Mais aussi lintuition, linstinct, la prise de risque, le regard différent sur une chose que lon pense établie. «Jaccorde aussi beaucoup dimportance à la qualité des relations interpersonnelles : ouverture, confiance, transparence, sont des qualités humaines qui, pour moi, font la différence dans un monde professionnel souvent trop « normatif ». Dun optimisme «outrancier», pour Edwin, le verre est toujours à moitié plein. Il sait aussi faire preuve de persévérance, de courage et ne manque pas dénergie «Je suis parfois trop dans lhyperémotivité, mais je me soigne ! ». De même quil est rare de le voir céder à la panique ou au stress. Pour lui, ce sont des phénomènes de défense de lorganisme par rapport à une agression extérieure, ce qui nest pas négatif en soi, cest même parfois salutaire, comme un signal dalerte. « Il faut juste ne pas laisser le stress simposer de manière chronique, car on est alors face à un dysfonctionnement qui peut, dans le pire des cas, devenir pathogène. Il convient alors de prendre la mesure des choses et changer ce quil convient de changer ». Se qualifiant de «lecturomane compulsif», Edwin Sluismans lit de tout, tout le temps, de tous les genres Des romans historiques en passant par les essais politico-économiques, mais aussi les newsmags français ou marocains, la presse internationale en ligne «Même la composition des céréales au petit-déjeuner, ce qui à le don dénerver ma petite famille Si je dois faire du name-dropping, je citerais volontiers des auteurs anglo-saxons comme Philip Roth, William Boyd ou John Le Carré depuis quil a cessé décrire des romans despionnage à la « 007 » Des drames où des hommes et des femmes sont confrontés à leur destin qui, souvent, les dépasse. Cest devant les fêlures intimes que les hommes révèlent le meilleur deux-mêmes, parfois, le pire aussi ». Pour les chiffres, Edwin affectionne le 5 et pour cause, ce dernier « ayant des courbes intéressantes, un bel angle droit. Equidistant entre le 0 et le 10, cest le chiffre du juste milieu et de la tempérance. Il se moque que les gens lui préfèrent souvent le 7 par convention, ou les personnes peu ambitieuses, le 3 ». Edwin croit au hasard surtout quand il fait bien les choses. Mais aussi au destin, aux rencontres qui ne sont pas fortuites, aux portes qui se ferment, ce qui permet den ouvrir dautres Père de trois enfants, il estime que lun des moments les plus intenses de sa vie est justement le jour où il assiste à la naissance de ses 3 enfants, «des instants magiques qui font de vous un homme, définitivement ». Ses enfants sont dailleurs très attachés au Maroc, ce qui ancre davantage Edwin dans notre pays. Dailleurs, il a acquis une cinquantaine de mots en dialecte quil utilise fréquemment. Grand cinéphile, Edwin se rappelle quand il était étudiant et quil lui arrivait denchaîner deux films dans la journée. «Quand les cinéastes américains de talent décident de faire des films ambitieux, avec quelques moyens, ils ont souvent une charge émotionnelle rare : «Million Dollar Baby» de Clint Eastwood mavait donné un choc, «La liste de Schindler» profondément marqué Plus léger, le dernier Georges Clooney «In the Air» est un petit bijou dintelligence». Dix ans après sêtre installé au Maroc, Edwin est serein quant à ses choix. «Nous avons tous notre lot de regrets ou de remords, je présume Jessaie de faire en sorte que ni les uns, ni les autres ne mempêchent de dormir la nuit, et ce nest pas toujours facile. Il faut juste essayer de faire en sorte que le temps quil nous reste à vivre puisse nous permettre de corriger les uns et dassumer les autres ». Dailleurs, rien ne compte plus à ses yeux que linstant présent. Et si la vie était à refaire, il ny changerait rien puisquil est occupé à la vivre dabord