* Le taux de scolarisation, de 60 %, est loin des 100 % prévus en 2004 ! * La réforme nest pas venue à bout de labandon scolaire. * Programmes longs, quantité des matières à assimiler dépassant les capacités de lélève, autant de facteurs ayant participé à cet échec. Personne ne les a consultés ni ne leur a demandé leur avis lors de la mise en place de la réforme de 1999. Eux, ce sont les enseignants qui appliquent sur le terrain le contenu de la réforme de lenseignement. Et a priori, selon les quelques enseignants consultés, léchec de la réforme de lenseignement est confirmé. Les raisons évoquées de cet échec restent globalement très vagues mais les preuves sont évidentes. Ainsi, à fin 2007, les chiffres sont plus quévocateurs. Et ce malgré la composition de la Commission spéciale de léducation et de la formation (Cosef) qui a veillé à lapplication de cette réforme baptisée «Charte nationale déducation et de formation». En effet, huit ans après lavènement de cette réforme, le constat est amer. Le taux de scolarisation des enfants dans le primaire ne dépasse pas 60 %, alors quavec la Charte nationale déducation et de formation, la Cosef sétait tracé comme objectif datteindre un taux de scolarisation de 100 % en 2004. Pire encore, la réforme na pu mettre fin à lhémorragie que constitue labandon scolaire. Ainsi, au cours de lannée scolaire 2005-2006, près de 400.000 élèves ont quitté lécole et durant la même année, plus de 240.000 lycéens et collégiens ont mis prématurément fin à leurs études. De même que lopération de départs volontaires, pilotée par le ministère de la Modernisation des administrations publiques, a provoqué une autre hémorragie. Celle des compétences. Selon les chiffres avancés par Ahmed Akhchichine, ministre de lEducation nationale, de lenseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique, lors de la discussion du budget de son département par la Commission des affaires sociales au sein du Parlement, quelque 2.900 enseignants manquent dans les cycles primaire et secondaire. Le sous-effectif touche également les universités marocaines. Lesquelles avaient besoin de 2.000 enseignants au titre de 2006-2007. Plus grave encore, le déficit financier de lenseignement supérieur qui sest élevé en 2007, selon le ministre, à 568 millions de dirhams. Et pourtant, léducation nationale accapare 25 % du Budget annuel de lEtat, soit la première de la liste juste devant le Budget consacré à la défense nationale. Les enseignants galèrent ! Léchec nest pas une nouveauté en soi, mais disons quil faut en tirer les enseignements nécessaires pour quil ny ait pas un ratage, surtout quil y en a eu par le passé (1975, 1985, 1995). La nouveauté est que la grogne est montante au sein du corps enseignant. Notamment dans le secondaire. Contacté par nos soins, C. N., professeur de français du second cycle, nous brosse un peu le vécu des enseignants depuis lavènement de la réforme. Cette dernière sest traduite par des programmes plus longs et lapparition de nouvelles filières dans les sections lettres et sciences. Un peu la pagaille en quelque sorte. «Au quotidien, les élèves suivent un programme chargé et ambitieux qui ne tient pas compte des lacunes antérieures. En plus de lobligation de ramener des livres (coûteux et différents selon les régions même pour des classes d'examen», explique cet enseignant. Ces facteurs conjugués rendent quasiment improbable la tâche des enseignants. «Depuis la réforme, les élèves ont des difficultés à suivre le rythme effréné et à assimiler la quantité dinformations que nous leur inculquons à chaque cours. Donc, le problème est dordre plus quantitatif que qualitatif. Conséquences : les résultats sont insatisfaisants par rapport aux attentes. Et malgré les séances de renforcement et de soutien, les élèves souffrent de désorientation et sont tellement dépassés, ce qui explique en partie les tentatives de fraudes flagrantes lors des examens», poursuit C. N., qui estime que léchec de cette réforme émane du fait que les programmes proposés ne sont pas adaptés au niveau réel des élèves. De même que la conception des programmes sest faite sans consultation des personnes sur le terrain, notamment les enseignants. Ajoutez à cela le nombre surélevé des élèves par classe et un manque voire labsence doutils pédagogiques; autant dire quil faut croire au miracle plutôt quà la réussite dune quelconque réforme dans les conditions actuelles. «Je pense quil faut revoir les programmes et les méthodes au primaire et au collège et il faut adapter les contenus à la réalité quotidienne et à lactualité tout en tenant compte des mutations de la société et des besoins sur le marché du travail. Enfin, il serait opportun de favoriser une formation pragmatique aux dépens dune formation académique», conclut cet enseignant dépité par les conditions dexercice de son métier.