Loin des artifices et des mondanités, Yasmina Filali, Présidente de la Fondation Orient-Occident (FOO), est une femme simple qui aime les plaisirs simples de la vie comme la mer, lécriture ou monter à cheval. Ou encore la cuisine, sa grande passion. Des plaisirs comme se retrouver au milieu des étudiants à la Fondation Orient-Occident quelle a créée en 1994. Et pourtant, fille dun homme dEtat, Abdellatif Filali, Yasmina pouvait prétendre à une vie «facile» et luxueuse. Il nen est rien ! Née à Paris, elle vivra une vie nomade, suivant partout son père diplomate. Enfant, elle est plutôt un garçon manqué dont la vie est ponctuée par des départs et des arrivées. «Jai eu une vie de voyages où, à chaque fois, il fallait se refaire de nouveaux amis. Cest une vie à double tranchant, car même si elle ma procuré une ouverture desprit, on ne jetait jamais lancre». Ses liens avec le Maroc, elle les entretient lors des vacances annuelles. Durant ces vacances, elle sétonnait toujours de voir des étudiants réviser sous des réverbères comme sil nexistait pas de salles de lecture ouvertes le soir au Maroc Un souvenir qui va lui dicter bien des choix plus tard. Bien que sa vie denfant ait été marquée de beaucoup de facilité, ses parents lencadraient bien ainsi que son frère. Ainsi, faisait-elle, chaque matin, son lit avant de partir à lécole, par exemple. Yasmina est très fortement influencée par lart. Il faut dire que sa maman, Italienne, est issue dune famille dartistes. Et cest tout naturellement que Yasmina opte pour des études dhistoire de lart. «Les études structurent la pensée Tout sapprend sauf la dynamique de la réflexion». Quand elle décroche son Doctorat dEtat en histoire de lart à lUniversité de la Sorbonne, elle entame sa carrière dans une grande maison aux Enchères à Paris et collabore à diverses publications et revues en France. Elle est dailleurs lauteur dun ouvrage de référence sur le peintre marocain Gharbaoui. Bien installée à Paris avec une excellente carrière professionnelle, 20 ans dexpérience, rien, mais alors rien ne laissait prédire un retour au Maroc de Yasmina. Si ce nest un déclic. En effet, un soir, alors quelle est à la maison, son oncle vient lui parler de la célébration du cinquantenaire dAntoine de St Exupéry en France. «Au début de la conversation, jétais quelque peu distraite jusquà ce que mon oncle me parle de la carlingue de lavion de St Exupéry retrouvée 50 ans après sa mort. Il mavait dit que la carlingue avait laissé une grande trace sur le sable». Une trace, une empreinte de cet auteur qui avait tellement voyagé et qui a souvent séjourné au Maroc. Subitement, ce fut le déclic : pourquoi ne pas célébrer le cinquantenaire de St Expupéry au Maroc, un pays quil a tant aimé ? «De fil en aiguille, je me suis intéressée à lhistoire de cet homme des deux mondes». En fait, Yasmina a toujours porté en elle une double culture et, sa quête identitaire, elle la revivait à travers cet écrivain. Elle est dailleurs elle-même auteur dun récit «Passagers de loubli» qui retrace cette dualité. Beaucoup de gens sintéressent alors au projet de cinquantenaire de St Ex. Cette dernière a même fait une plaquette de voyage dinitiation au désert. Un peu sur les traces de Saint Exupéry. Après la célébration de cet événement au Maroc, elle a eu beaucoup déchos favorables Et le contact avec le pays lui donna lenvie de faire plus. Et pourquoi pas une bibliothèque qui ouvre même la nuit pour que les étudiants cessent de réviser sous les réverbères ? La Fondation est créée en 1994. Une idée simple qui se développera jusquà devenir un centre socio-éducatif et de formation pour accéder à lemploi. Pour sélargir à des problématiques comme celle des clandestins. Ainsi, à travers ces centres, la FOO soccupe de 8.000 jeunes entre les cours de soutien scolaire et la formation professionnelle (tourisme, informatique, audiovisuel). «Il y a 12 ans, jai effectué une visite à la Fondation des Aveugles à New York qui a élu domicile dans un gratte-ciel en plein Manhattan. Jy ai rencontré la directrice générale qui gère lAssociation comme une entreprise pour en assurer la pérennité». Et cest ainsi que la Fondation Orient-Occident est gérée, employant 100 personnes, entre salariées et délégués de la Commune. «Il faut que chaque salarié soit bien rémunéré pour être motivé. Le social est un métier à plein temps». La FOO comptant plusieurs centres, alors, pour en assurer une gestion optimale, chaque chef de projet développe le sien et le gère. Généreuse, Yasmina Filali est une femme de tempérament. Derrière son joli minois, se cache une femme de caractère. Son choix de créer la FOO lui imposait de quitter Paris pour sinstaller au Maroc. Il lui a fallu des allers-retours durant cinq ans avant de sétablir définitivement au Maroc. Mais, elle garde toujours son cercle damis. «Je pense que lhistoire dune association est dabord une aventure humaine qui devient un moteur. Pour moi, de père marocain et de mère italienne, la FOO cest concilier les deux rives». Sportive et dynamique, elle ne trouve aucun mal à courir à gauche et à droite pour dénicher des conventions et assurer un emploi aux jeunes formés par la FOO. Ce nest pas toujours facile, mais dans sa tête Yasmina ne cesse de se répéter : «Tant de gens nont pas eu la même chance que moi dans la vie, alors jai envers ces jeunes un devoir de partage». Lamitié étant également un partage, elle y accorde une importance primordiale. «La fidélité est une valeur primordiale pour moi». Très attachée au monde animal, elle est déçue du traitement quon leur réserve. Elle-même propriétaire dun chien, Opium, elle nimagine pas sa vie sans lui. «En fait, ce qui me fait peur cest de perdre les gens que jaime !». Volontaire, elle nhésite pas à faire son «Mea Culpa » et à se remettre en question. Forcément, elle napprécie pas trop les gens bornés et bourrés de certitudes. «Ces gens névoluent pas et sont dans limpossibilité daller de lavant. Le plus difficile dans la vie est daccepter la différence et cest un long apprentissage pour y arriver». Des moments difficiles, elle en a eu comme tout le monde. Mais même sil était possible de remonter le temps, Yasmina Filali ne changerait rien à sa vie. «Je nai pas à me plaindre, je mestime gâtée. Et je suis très heureuse de tout ce que jai vécu, même les moments les plus difficiles !».