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Yasmina Filali, femme de deux cultures
Publié dans Finances news le 01 - 07 - 2008

Loin des artifices et des mondanités, Yasmina Filali, Présidente de la Fondation Orient-Occident (FOO), est une femme simple qui aime les plaisirs simples de la vie comme la mer, l’écriture ou monter à cheval. Ou encore la cuisine, sa grande passion. Des plaisirs comme se retrouver au milieu des étudiants à la Fondation Orient-Occident qu’elle a créée en 1994.
Et pourtant, fille d’un homme d’Etat, Abdellatif Filali, Yasmina pouvait prétendre à une vie «facile» et luxueuse. Il n’en est rien ! Née à Paris, elle vivra une vie nomade, suivant partout son père diplomate. Enfant, elle est plutôt un garçon manqué dont la vie est ponctuée par des départs et des arrivées. «J’ai eu une vie de voyages où, à chaque fois, il fallait se refaire de nouveaux amis. C’est une vie à double tranchant, car même si elle m’a procuré une ouverture d’esprit, on ne jetait jamais l’ancre». Ses liens avec le Maroc, elle les entretient lors des vacances annuelles. Durant ces vacances, elle s’étonnait toujours de voir des étudiants réviser sous des réverbères comme s’il n’existait pas de salles de lecture ouvertes le soir au Maroc… Un souvenir qui va lui dicter bien des choix plus tard.
Bien que sa vie d’enfant ait été marquée de beaucoup de facilité, ses parents l’encadraient bien ainsi que son frère. Ainsi, faisait-elle, chaque matin, son lit avant de partir à l’école, par exemple.
Yasmina est très fortement influencée par l’art. Il faut dire que sa maman, Italienne, est issue d’une famille d’artistes. Et c’est tout naturellement que Yasmina opte pour des études d’histoire de l’art. «Les études structurent la pensée… Tout s’apprend sauf la dynamique de la réflexion». Quand elle décroche son Doctorat d’Etat en histoire de l’art à l’Université de la Sorbonne, elle entame sa carrière dans une grande maison aux Enchères à Paris et collabore à diverses publications et revues en France. Elle est d’ailleurs l’auteur d’un ouvrage de référence sur le peintre marocain Gharbaoui.
Bien installée à Paris avec une excellente carrière professionnelle, 20 ans d’expérience, rien, mais alors rien ne laissait prédire un retour au Maroc de Yasmina. Si ce n’est un déclic. En effet, un soir, alors qu’elle est à la maison, son oncle vient lui parler de la célébration du cinquantenaire d’Antoine de St Exupéry en France. «Au début de la conversation, j’étais quelque peu distraite jusqu’à ce que mon oncle me parle de la carlingue de l’avion de St Exupéry retrouvée 50 ans après sa mort. Il m’avait dit que la carlingue avait laissé une grande trace sur le sable».
Une trace, une empreinte de cet auteur qui avait tellement voyagé et qui a souvent séjourné au Maroc. Subitement, ce fut le déclic : pourquoi ne pas célébrer le cinquantenaire de St Expupéry au Maroc, un pays qu’il a tant aimé ?
«De fil en aiguille, je me suis intéressée à l’histoire de cet homme des deux mondes». En fait, Yasmina a toujours porté en elle une double culture et, sa quête identitaire, elle la revivait à travers cet écrivain. Elle est d’ailleurs elle-même auteur d’un récit «Passagers de l’oubli» qui retrace cette dualité.
Beaucoup de gens s’intéressent alors au projet de cinquantenaire de St Ex. Cette dernière a même fait une plaquette de voyage d’initiation au désert. Un peu sur les traces de Saint Exupéry. Après la célébration de cet événement au Maroc, elle a eu beaucoup d’échos favorables… Et le contact avec le pays lui donna l’envie de faire plus. Et pourquoi pas une bibliothèque qui ouvre même la nuit pour que les étudiants cessent de réviser sous les réverbères ? La Fondation est créée en 1994. Une idée simple qui se développera jusqu’à devenir un centre socio-éducatif et de formation pour accéder à l’emploi. Pour s’élargir à des problématiques comme celle des clandestins.
Ainsi, à travers ces centres, la FOO s’occupe de 8.000 jeunes entre les cours de soutien scolaire et la formation professionnelle (tourisme, informatique, audiovisuel).
«Il y a 12 ans, j’ai effectué une visite à la Fondation des Aveugles à New York qui a élu domicile dans un gratte-ciel en plein Manhattan. J’y ai rencontré la directrice générale qui gère l’Association comme une entreprise pour en assurer la pérennité». Et c’est ainsi que la Fondation Orient-Occident est gérée, employant 100 personnes, entre salariées et délégués de la Commune. «Il faut que chaque salarié soit bien rémunéré pour être motivé. Le social est un métier à plein temps». La FOO comptant plusieurs centres, alors, pour en assurer une gestion optimale, chaque chef de projet développe le sien et le gère.
Généreuse, Yasmina Filali est une femme de tempérament. Derrière son joli minois, se cache une femme de caractère. Son choix de créer la FOO lui imposait de quitter Paris pour s’installer au Maroc. Il lui a fallu des allers-retours durant cinq ans avant de s’établir définitivement au Maroc. Mais, elle garde toujours son cercle d’amis. «Je pense que l’histoire d’une association est d’abord une aventure humaine qui devient un moteur. Pour moi, de père marocain et de mère italienne, la FOO c’est concilier les deux rives».
Sportive et dynamique, elle ne trouve aucun mal à courir à gauche et à droite pour dénicher des conventions et assurer un emploi aux jeunes formés par la FOO. Ce n’est pas toujours facile, mais dans sa tête Yasmina ne cesse de se répéter : «Tant de gens n’ont pas eu la même chance que moi dans la vie, alors j’ai envers ces jeunes un devoir de partage».
L’amitié étant également un partage, elle y accorde une importance primordiale. «La fidélité est une valeur primordiale pour moi».
Très attachée au monde animal, elle est déçue du traitement qu’on leur réserve. Elle-même propriétaire d’un chien, Opium, elle n’imagine pas sa vie sans lui. «En fait, ce qui me fait peur c’est de perdre les gens que j’aime !».
Volontaire, elle n’hésite pas à faire son «Mea Culpa » et à se remettre en question. Forcément, elle n’apprécie pas trop les gens bornés et bourrés de certitudes. «Ces gens n’évoluent pas et sont dans l’impossibilité d’aller de l’avant. Le plus difficile dans la vie est d’accepter la différence et c’est un long apprentissage pour y arriver».
Des moments difficiles, elle en a eu comme tout le monde. Mais même s’il était possible de remonter le temps, Yasmina Filali ne changerait rien à sa vie. «Je n’ai pas à me plaindre, je m’estime gâtée. Et je suis très heureuse de tout ce que j’ai vécu, même les moments les plus difficiles !».


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