* L'accord de libre-échange signé avec l'Union européenne prévoit un démantèlement tarifaire progressif de 1995 à 2011. Les véhicules dont la cylindrée est inférieure ou égale à 1,8 litre sont les plus prisés mais demeurent les plus taxés. * Les délocalisations des équipementiers étrangers au Maroc restent à encourager. * La suppression de l'exonération de la TVA pour les entreprises exerçant la LOA aura certainement des incidences sur le court terme pour le secteur. Finances News Hebdo : Sur le plan mondial, l'industrie automobile a été caractérisée par une multiplication d'accords régionaux et bilatéraux. Comment se présente cette industrie aujourd'hui ? Mohamed Larhouati : Quand on parle d'une industrie automobile, il faut savoir si elle concerne la fabrication ou si elle englobe l'ensemble de l'activité, c'est-à-dire la conception, la fabrication et la distribution. C'est la deuxième définition qu'il faut retenir et, dans ce cadre-là, toute l'industrie automobile est détenue réellement par les constructeurs qui sont généralement les concepteurs de leurs modèles, de leurs produits; et puis ce sont eux les principaux donneurs d'ordre pour la sous-traitance. Ce sont également les constructeurs qui sont responsables de la promotion du produit une fois qu'il est testé et prêt à être commercialisé. Il faut dire que l'industrie automobile mondiale est concentrée dans trois zones : l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie où le Japon et la Corée jouent les principaux rôles. F.N.H. : Le Maroc a signé différents accords de libre-échange. Est-ce que la profession a commencé à en ressentir les retombées ? M. L. : Justement, dans ce cadre-là et comme vous le savez, le Maroc a signé un accord de libre-échange en particulier avec l'Union européenne et, au niveau de l'UE, il existe plusieurs constructeurs qui bénéficient de cet accord de libre-échange. Cet accord prévoit une diminution des droits de douane cadencés entre 1995 et 2011. On arrive en 2007 déjà à des situations intéressantes en matière de réduction des droits de douane, puisque, pour tous les véhicules dont la cylindrée est supérieure à 1,8 litre, les droits de douane à partir du mois de mars prochain ne seront plus que de 16,25% au lieu de 32,5%. Pour les véhicules dont la cylindrée est inférieure ou égale à 1,8 litre, les droits de douane seront de 27,5%. F.N.H. : On peut en déduire que les importateurs ont supporté cet accord de manière différenciée. Par exemple, les importateurs de l'UE seraient-ils plus privilégiés que les autres ? M. L. : D'abord, les importateurs ont ressenti cet accord d'une manière différenciée au sein de la même gamme pour les Européens. La gamme qui se vend le plus est constituée de véhicules de cylindrée inférieure à 1,8 litre et qui continuent à être relativement taxée, à 27,5 % au lieu de 32,5%. On a gagné 5 points de réduction, mais la taxe reste toujours élevée. Pour le reste, c'est-à-dire les véhicules de cylindrée supérieure à 1,8 litre, ils sont taxés à 16,5%. Donc, nous avons cette différence que le consommateur continue à supporter. La deuxième chose, aussi importante, est le décalage désormais beaucoup trop grand entre la taxation des véhicules européens et celle appliquée aux véhicules provenant de pays non européens. Aujourd'hui, on arrive à une différence qui se situe dans certains cas entre 16,5% et 32,5%. Ce qui fait que les véhicules européens sont plus protégés chez nous qu'en Europe même. Parce qu'en Europe, les droits de douane sont de 8 et 10%, alors que chez nous le différentiel atteint 16%. Cela pose un problème et nous demandons aux autorités compétentes de remédier sans trop tarder à cette situation. Ceci d'autant plus que les Marocains consomment déjà les véhicules européens plus que les Européens eux-mêmes. F.N.H. : D'après-vous, quels sont les motifs d'un tel attachement ? M. L. : Pour des raisons historiques d'abord. Il existe un autre point aussi essentiel qui est le diesel. L'Europe a développé le diesel, ce que les autres ( Asie, USA ) n'ont pas fait. Mieux encore, ici au Maroc il y a une taxation favorable au diesel, ce qui fait que le marché est orienté vers ce carburant et, par voie de conséquence, vers les véhicules provenant d'Europe. F.N.H. : Et concernant l'accord de libre-échange avec les USA, est-ce qu'il a eu un impact sur le marché marocain ? Ou, plus précisément, une délocalisation des équipementiers étrangers vers le Maroc est-elle effective ? M. L. : Honnêtement, au niveau de l'automobile, on ne le voit pas encore parce qu'il est encore à ses débuts et au niveau des droits de douane, les produits ne sont pas encore favorisés. Concernant les équipementiers, il y a quelques projets qui sont en cours, mais il est toujours très tôt pour se prononcer. Il y a Delphi qui a des usines au Maroc depuis longtemps et d'autres tractations sont en cours. F.N.H. : Les entreprises qui exercent la location avec option d'achat (LOA) ne bénéficieront désormais plus d'une exonération de la TVA comme ce fut le cas auparavant. La suppression de cette faveur ne risque-t-elle pas d'avoir un impact sur le secteur de l'automobile ? M. L. : Vous savez, d'une manière générale, tout avantage sur la TVA perturbe le système. Le fait qu'il y ait une exonération de TVA en soi conduit à des incohérences. Parce que la TVA n'est valable que dans le cadre d'un système continu. Certes, à un moment donné, l'exonération était accordée mais elle se répercutait surtout sur les intermédiaires. C'étaient les importateurs qui avaient des encours énormes de TVA. La LOA dont vous venez de parler en a bénéficié à un moment donné ; tant mieux, parce que nous aussi nous en avons bénéficié. Mais tôt ou tard, nous serons tenus de retourner à la normale. Effectivement, aujourd'hui, les sociétés de leasing, en particulier celles qui paieraient une TVA de 20% à l'entrée, alors qu'elles ne facturent qu'une TVA moindre à la sortie, pourraient voir augmenter leur encours de TVA. F.N.H. : Un an après le Programme Emergence dont la sous-traitance automobile a été l'un des secteurs-phares, quel premier bilan pouvez-vous en faire ? M. L. : Ce que je peux dire, c'est que des efforts importants ont été fournis par les autorités. A ce niveau-là, il y a du succès qui s'annonce puisqu'on parle d'un certain nombre de groupes qui projettent de s'installer soit à Tanger, soit à Berrechid. Donc, il y a des choses dans le tunnel. Mais il est encore très tôt pour pouvoir juger parce que les investissements ne se décident pas en l'espace d'un an. Mais je pense que, très prochainement, nous commencerons à voir les retombées. Le ministre du Commerce et de l'Industrie ainsi que le Premier ministre se démènent suffisamment là-dessus et nous les félicitons à ce sujet. Bientôt nous commencerons à récolter les fruits de toutes ces actions.