* Né en 1737, Cheikh Ahmed Tijani est un Saint qui a su rassembler des fidèles partout à travers le monde, notamment au Sénégal. Cest la terre marocaine qui a accueilli le vénérable Cheikh Ahmed Tijani et cest Fès, ville lumière, qui a renforcé par son existence son statut de carrefour spirituel inégalé au Maroc mais aussi dans toute la région. Né à Aïn Madhi, en Algérie, il est lun des descendants du Prophète Mohammed (PSL). Après avoir assimilé les enseignements et secrets des grands maîtres soufis et avoir acquis le titre de Moqqadem, Cheikh Ahmed Tijani est propulsé au rang de Saint des saints après avoir reçu le sceau de Sainteté du Prophète (PSL) en état de veille, à lâge de 46 ans. Il devint donc le dépositaire de la voie spirituelle du Prophète lui-même. Il reçut ainsi lordre dappeler les gens à cette voie quest la Tariqa Tijania qui renferme toutes les autres voies. La Tariqa prenait une expansion telle quil a dû sexiler à Fès en 1213. Il prêcha la Tariqa jusquen 1230 où il séteint à lâge de 80 ans. Ses disciples, eux, continuent à relier la voie dans les quatre coins du monde. Aujourdhui, daprès les chiffres qui se répétaient lors de la rencontre de la Tariqa récemment à Fès, cette voie rassemblerait plus de 150 millions de fidèles et serait, de ce fait, la première confrérie musulmane dans le monde. Cette importance est palpable au Maroc puisque selon une source proche, si les affaires des confréries au Maroc sont gérées par le ministère de tutelle, celles de la confrérie Tijania sont directement gérées par le Cabinet royal. Ce grand intérêt accordé à la Tariqa nest pas du goût de lAlgérie qui se positionne comme un autre lieu de rencontre de cette influente confrérie. Mais selon nombre dobservateurs, Fès est la terre de prédilection de cette communauté. Elle est et restera le seul point de ralliement reconnu. Après Fès, Tivaouane Le Sénégal est un pays où lon compte plus de 90 % de musulmans et qui accueille deux principales confréries religieuses : les Tidjanes (51 %) et les Mourides (30 %), selon des chiffres officieux. Tivaouane (92 km de Dakar) est lune des grandes capitales de la Tijania et un centre d'enseignement de la culture islamique avec l'établissement de plusieurs écoles coraniques nommées «daaras». Léquipe arrivée en cette fin davril à laéroport International Léopold Sedar Senghor à Dakar est à sa dernière étape de cette (en)quête spirituelle. Demblée, il faut adapter le vocabulaire; il ne sagit pas ici de parler de la Tariqa Tijania mais de la Tarikha Tidjane. Premier constat, le premier Sénégalais rencontré vous dira beaucoup plus dinformations sur la Tijania quun Marocain. Et pour cause, pratiquement chaque Sénégalais musulman sattache à un guide spirituel ou à un marabout. La Tariqa ou la Tarikha est bien enracinée ici. Notre ignorance de son histoire est presque choquante pour les Sénégalais Tidjanes. Ces Tidjanes se rendent régulièrement, et ce depuis le 19ème siècle, en pèlerinage à la Zaouïa Tijania à Fès, un retour aux sources pour raviver la flamme de cette confrérie et maintenir intacts les enseignements de son vénéré fondateur. Léquipe se rend dans une des plus importantes Zaouïas de Dakar, au quartier Fass, entretenue par la famille SY Djamil, dont le chef Serigne Mansour est un Cheikh soufi doublé dun financier ayant fait ses armes à la Banque Islamique. La Zaouïa, qui connaît des travaux, est érigée sous forme de mosquée typiquement marocaine. La mosquée accueille le mausolée où repose El Haj Abdou Aziz SY, dont le fils Serigne Mansour a assuré la succession à la tête de cette famille tidjane. Pour perpétuer la tradition, il a lancé avec ses autres frères la construction dun institut islamique. Lidée est de créer un grand complexe socio-éducatif et culturel dont la structure académique centrale va s'inspirer du programme éducationnel d'Al Azhar, à tous les niveaux d'enseignement (primaire, secondaire, supérieur). De telle sorte que l'étudiant qui y termine son cycle puisse poursuivre ses études sans problème dans les grandes Universités arabes ou du Sénégal. Lambition est de faire de l'Institut Islamique Seydi Mouhamadou Moustapha Sy Djamil une structure d'encadrement des enfants des familles à revenus modestes pour mieux les préparer aux examens. Mais pour lheure, les talibés y reçoivent linstruction islamique dans la pure tradition musulmane, cest-à-dire assis par terre, les pieds croisés, les planches entre les mains face à un maître qui les éduque depuis leur jeune âge. Les visiteurs du mausolée effectuent également une visite chez la famille qui accueille à cur joie les fidèles qui sont, parfois, invités à partager les repas de la famille comme le veut la tradition sénégalaise. Mais le must reste la rencontre avec lun des chefs de la famille, que ce soit Serigne Mansour ou Serigne Ahmed ou lun de leurs autres frères comme Omar par exemple. Ils récitent une prière pour le visiteur et lui donnent la Baraka. Et les Sénégalais ont cette habitude de la réclamer avant tout événement important dans leur vie comme un départ pour les études ou le mariage. Mais les zaouïas connaissent la plus grande affluence lors du Gamou (rassemblement annuel pour célébrer la fête de l'Aïd El Mawlid), qui draine des centaines de milliers de fidèles qui se réunissent à Tivaouane. Les chefs Tidjanes perpétuent leur savoir à travers les conférences et débats organisés, de même que les Lilas, des veillées de zikr, qui connaissent une grande ferveur religieuse. Les chefs Tidjanes ont, au-delà du statut religieux, un rôle politique indéniable. Un cheikh a plus de poids quun ministre, et pour cause, il rassemble les gens autour de lui et jouit dune légitimité religieuse plus importante encore que le statut politique. Les politiciens nhésitent pas à courtiser les marabouts pour lorgner les électeurs. Certains voient dun mauvais il linfluence du religieux dans le politique, notamment concernant les grandes décisions démocratiques qui ne peuvent aboutir sans le soutien des dignitaires religieux. Dautres pensent que la proximité des zaouïas des citoyens et les actions de solidarité quelles mènent leur donnent tous les droits de sexprimer au nom même de ces citoyens. Les choses se corsent quand il sagit du Président de la république Abdoulaye Wade. Lui-même étant Mouride et proche de sa confrérie, cette situation est pour le moins inconfortable puisque les chefs Tidjanes veillent au grain. Il existe une sorte de dualité entre les deux confréries très puissantes politiquement ; lune fait le garde-fou pour lautre. Un équilibre très subtil et fort à la fois, soutenu par une population très soudée, quel que soit le courant religieux. Ce pays est pour le moins étonnant car, à limage du Maroc, les chefs religieux ont des parcours universitaires surprenants : ingénieurs, financiers cette nouvelle génération de religieux donne la réplique à un population très hétéroclite. Pour lanecdote, les Sénégalais, étant bons vivants, ne sortent (généralement) pourtant pas le soir du jeudi et préfèrent rester en famille, car le lendemain cest jour sacré : le vendredi où ils se parent de leurs plus beaux habits pour se rendre à la prière solennelle du vendredi. Un Islam dans lair du temps, dont on a beaucoup à apprendre !