À chaque époque, des voix sélèvent pour sinquiéter du manque de pertinence des connaissances acquises à lécole ou de la difficulté de les mobiliser en dehors des périodes dexamen. Mais quand des voix sélèvent pour manifester contre le prosélytisme au sein des écoles, collèges ou lycées, on doit se demander quel est le vrai rôle de lécole dans une société hétérogène comme la nôtre. Ne serait-il pas judicieux dimmuniser lécole contre certaines idéologies et positions politiques à même de compromettre son rôle initial ? Quand une enseignante déducation islamique dans un collège renvoie une élève juste parce que cette dernière porte un t-shirt demi-manche, quand une autre apporte des CD dun prédicateur égyptien, quand un professeur met à la porte une élève parce quelle ne porte pas le voile, ny a-t-il pas de quoi sinquiéter ? Les transformations de notre société et les questions dactualité affectent certainement lécole. Mais, est-ce le terrain indiqué pour débattre des divergences ? En tout cas, lécole marocaine, qui doit être un lieu déveil de la conscience critique, nest plus épargnée. Cest dautant plus grave quau lieu de protéger des mineurs, favoriser leur émancipation, leur intégration dans la société où ils vivent et leur apprendre lautonomie individuelle, lécole expose très tôt les jeunes à subir les divergences de plusieurs façons. La dangerosité de cette exposition réside dans le fait que les adolescents ou élèves sont, à ce stade de leur vie, encore fragiles, sujets aux influences et aux pressions extérieures. Lécole doit leur permettre dacquérir les outils intellectuels destinés à assurer à terme leur indépendance critique. Doù la nécessité de défendre la liberté de conscience individuelle contre tout prosélytisme. Et cette exigence sapplique dabord à lenseignement où les élèves doivent pouvoir sinstruire dans un climat de sérénité afin daccéder à lautonomie de jugement et du choix une fois en âge de décider de leur sort. Lécole au centre des batailles idéologiques Ceci, bien évidemment, devra se faire dans le respect de notre identité arabo-musulmane tout en sinscrivant dans une démarche douverture sur lautre, pour barrer le chemin à ceux qui prétendent être plus musulmans que les uns, ou plus démocrates que les autres. Car, honnêtement, il ny a pas que lislamisme montant qui peut constituer une menace pour lécole, mais aussi labsentéisme, les programmes fades, des classes en sur-effectifs, la condition financière des enseignants qui laisse à désirer, qui ne les motive pas à sinscrire dans une démarche positive de mise à niveau de lécole, etc. Actuellement, les revendications liées à des prescriptions idéologiques ou autres vont, à terme, affecter sérieusement les missions de lenseignement. En effet, il est inadmissible quun prof donne ses notes sur la base de la conformité de ses élèves à ses propres idéologies, comme cela a été le cas dans un collège de la ville de Kénitra. De même, il est inacceptable quon ravisse son droit au savoir à une fille qui porte le voile pour faire plaisir à un prof « anti-voile ». Ceci met sérieusement en cause le lien social quest censée produire lécole et cette cohésion entre toutes les composantes de la société. L'école joue un rôle dans l'intégration sociale de plusieurs façons. Le sociologue Emile Durkheim l'a mis en évidence. Mais, elle a de plus en plus de difficulté à jouer son rôle d'institution, puisquon croit de moins en moins au rôle de l'école pour favoriser l'ascension sociale. Eh ben, nous avons tort. Lécole est le laboratoire de la société; tout ce qui sy fait se répercute directement sur la vie des citoyens. Redéfinir le rôle de lécole Aujourd'hui, l'école est traversée par de nombreux conflits, à limage de la société elle-même. Son rôle est à redéfinir, puisque cest elle qui doit inculquer les normes et les valeurs de façon impersonnelle et non pas se soumettre aux exigences dune mouvance. Elle est traversée par un phénomène d'incivilité et de non-respect des règles de vie en société. Elle doit donc renforcer, voire se substituer à lentourage des élèves en transmettant des règles de civilité et de vie en société. Bien sûr, les enseignants sont tous influencés par les conséquences de décisions qui relèvent du pouvoir politique ou idéologique, mais il est important que leurs divergences ne soient plus débattues dans les classes. Il ne sagit pas pour eux de reproduire leurs clones, mais de transmettre le savoir. Parce quà lécole, lapprentissage de la vie en commun passe par une certaine réserve dans laffirmation de son identité philosophique, politique ou idéologique. Rappelons que lécole doit non seulement donner les garanties de la neutralité, mais en présenter aussi les apparences. Aujourdhui, il ne sagit pas de légiférer comme ce fut le cas en France, car nous sommes un pays musulman et non laïc, mais de contrôler ce qui se fait dans les écoles. Lécole doit assurer à tous les élèves des chances égales démancipation sociale et participer à la promotion dun idéal commun et non communautaire. Cela vaut aussi bien pour les islamistes que pour les autres courants ultramodernistes.