Le continent africain a besoin de 40 à 50 milliards de dollars annuellement d'ici 2030. L'adaptation au changement climatique reste le parent pauvre du financement vert. Une tarification adéquate du carbone est nécessaire pour diminuer le coût du capital des projets verts. Réorienter les flux de capi- taux et les financements vers des projets peu gourmands en carbone : telle est l'ambition du Climat Finance Day (CFD), et ce depuis sa première édition qui s'est déroulée en mai 2015 à Paris. Cet événement d'envergure internationale aura été le catalyseur d'un vaste mouvement des grands investisseurs vers la finance verte. Une tendance qui ne s'est pas démentie depuis (voir entretien). Ce vendredi 4 novembre 2016 (également jour de l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris sur le climat), Casablanca a pris le relais de la capitale française pour le CFD 2016. Trois jours avant la COP22 de Marrakech, la planète finance s'est de nouveau donnée rendez-vous pour accélérer le mouvement enclenché depuis le CFD de Paris. Les quelque 500 participants à cet évènement représentant plus de 30 pays ont réfléchi à la manière de mettre en place de nouveaux instruments financiers verts, massifier les investissements climatiquement responsables, et surtout de répondre aux besoins énormes en capitaux des pays africains, continent le plus exposé aux changements climatiques. La question africaine aura d'ailleurs été au centre des débats. Pouvait-il en être autrement, quand on connaît la vocation de hub panafricain de Casablanca Finance City (CFC), hôte de l'événement ? Salaheddine Mezouar, président de la COP22, a d'emblée planté le décor : «le continent africain requiert 40 à 50 milliards de dollars annuellement d'ici 2030, pour développer des villes résilientes, renforcer la productivité et la durabilité de l'agriculture, et développer l'accès à des sources énergétiques propres». Le défi est immense, d'autant que l'adaptation de l'Afrique au changement climatique demeure le parent pauvre du financement, comme l'a souligné Mezouar. Même son de cloche du côté de Gérard Mestrallet. Le président de Paris Europlace, l'équivalent parisien de CFC, invite les investisseurs à fournir plus d'efforts pour aider à mettre en place les mécanismes d'adaptation en Afrique. Autrement dit-il, «si rien n'est fait, on risque le désastre. La catastrophe sera écologique mais aussi économique avec des conséquences sur tous nos avoirs financiers. Il est donc primordial de contracter des engagements fermes et de réduire le financement des actifs carboniques». Le président de Paris Europlace, par ailleurs président d'Engie, le géant industriel français, a touché là un point sensible, qui ferait réfléchir même le plus réticent des investisseurs : le risque climatique met en danger la finance elle-même. Mark Lewis, de la banque Barclays, le dit d'ailleurs explicitement : «Les changements climatiques font courir un risque sur la finance mondiale». Pourquoi certains financiers hésitent-ils encore ? Parce que le changement climatique ne fait pas l'objet de tarification. «Le risque de tarification pèse encore», souligne-t-il, ce qui complique la diminution du coût du capital des projets vertueux, notion chère aux financiers. Pour faire en sorte que les investissements rentables et durables dans les projets vertueux se développent davantage en Afrique, il faut plus de mesures plus audacieuses, et mettre en place la tarification carbone adéquate pour diminuer le coût du capital. Cela rendrait ces projets plus compétitifs vis-à-vis des projets émetteurs de carbone. Aujourd'hui, comme le souligne Gérard Mestrallet, «il est important de mettre une valeur sur ce risque, et de maîtriser le prix du carbone». Le prix du carbone aujourd'hui, qui se négocie autour de 6 euros la tonne, n'est pas un prix compatible avec les ambitions de l'Accord de Paris. Un corridor de prix compris entre 20 et 30 euros à l'horizon 2030 serait une tarification plus appropriée. C'est une condition nécessaire pour donner à la finance mondiale «un supplément d'âme», pour reprendre la formule de Mustapha Bakkoury, président de Masen. A. Elkadiri Green bonds Masen et BMCE BoA montrent l'exemple Le Maroc, hôte de la COP22 et du CFD2016, a donné un signal fort à la communauté internationale en matière de financements verts innovants. Mustapha Bakkoury, PDG de Masen, a ainsi profité de l'évènement pour annoncer la toute première émission au Maroc d'obligations vertes. Cette émission structurée en un temps record, d'un montant de 1,15 milliard de DH, servira à financer trois projets photovoltaïques à Lâayoune, Boujdour et Ouarzazate IV. Fait important : cette émission bénéficie de la garantie de l'Etat. Les souscripteurs sont Attijariwafa bank, la Caisse marocaine des retraites, Al Barid Bank et la Société centrale de réassurance. Autre annonce, et non des moindres, celle faite par Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur délégué de BMCE BoA. La banque a reçu le feu vert de l'AMMC, le régulateur, pour l'émission de green bonds d'une valeur de 500 millions de DH. Une première pour une banque en Afrique.