L'essor de l'entrepreneuriat social au Maroc requiert non seulement des mesures fiscales, mais aussi des systèmes de financement adaptés. Plus de cent acteurs institutionnels, économiques et sociaux ont participé au «Social talk 2014» organisé récemment par Olea Institute sous le thème «Entreprise sociale : nouvelle voie pour le développement ?». Younes El Jaouhari, président d'Olea Institute, revient sur le rôle de l'entreprise sociale pour une répartition équitable des richesses. Finances News Hebdo : Peut-on parler d'un modèle d'entrepreunariat social et solidaire au Maroc ? Younes El Jaouhari : L'entreprise sociale et solidaire est un modèle qui met en avant un objectif social et qui adopte les pratiques des structures privées. Elle représente à notre sens un réel complément aux formats actuels (association, coopérative, entreprise privée). Ce type d'entreprise combine le souci social à la rentabilité. Une association devient une entreprise sociale lorsqu'elle adopte des activités génératrices de profit. Une entreprise privée devient à son tour une entreprise sociale lorsqu'une grande partie de ses bénéfices sert une cause sociale. Nous avons besoin au Maroc de mieux définir ce concept. Nous sommes conscients que les modèles internationaux ne s'adaptent pas nécessairement à notre contexte marocain. C'est pourquoi il est important de créer notre propre modèle. Cela passera d'abord par le développement d'une philosophie entrepreneuriale au service de la communauté. F.N.H. : Quelle place occupe l'entrepreunariat social dans l'économie nationale et comment a-t-il évolué ? Y. E. J. : Entreprendre dans le social a toujours existé au Maroc sous différentes formes. Nous pouvons citer l'action des associations, les coopératives, les efforts RSE ainsi que les donateurs. L'INDH participe depuis son lancement de façon active à cet effort. Nous pouvons, à ce titre, affirmer que le Maroc dispose aujourd'hui d'un tissu associatif fort important et que son action a un impact réel sur le développement de notre pays. Notre objectif à Olea Institute est de développer de nouveaux formats d'action. Le modèle «entreprise sociale» viendrait à notre avis compléter l'existant et permettrait d'adopter une façon d'entreprendre orientée vers le social avec une méthodologie inspirée du privé. F.N.H. : Quels sont les freins majeurs qui entravent l'essor de l'entrepreneuriat social ? Y. E. J. : Il est important de commencer par développer les textes réglementaires et juridiques qui permettraient à l'entreprise sociale d'exister et à l'entrepreneuriat solidaire de croitre. L'Etat devrait aussi réfléchir aux voies d'encouragement qui ne sont pas nécessairement fiscales. Il serait aussi fondamental de réfléchir aux systèmes de financement qui doivent prendre en considération les multiples variables relatives à ce type de projets. Enfin, l'essor de l'entrepreneuriat social et solidaire passe par le développement d'une réelle culture de l'entreprise rentable à vocation sociale. F.N.H. : Le «Social talk 2014» organisé récemment par votre organisme a donné naissance à la création d'un Collectif marocain pour le développement et l'entrepreunariat solidaire (CMDES). Quel sera l'objectif de ce collectif et son rôle dans l'émergence de l'économie sociale et solidaire ? Y. E. J. : Le Collectif marocain pour le développement et l'entrepreneuriat solidaires est un regroupement non formel de structures associatives agissant dans le domaine de l'entrepreneuriat social. Notre objectif est de promouvoir l'entrepreneuriat solidaire. Cela passe dans un premier temps par le développement du contexte d'action, notamment à travers la mise en place d'une réglementation adéquate et de lois qui régissent ce domaine. Le collectif sera partie prenante de cet effort. F.N.H. : Quelles sont les recommandations émises suite au débat mené ? Y. E. J. : Plus de cent acteurs institutionnels, économiques et sociaux ont participé à notre débat. Les premières conclusions font ressortir que l'entreprise sociale a un rôle majeur à jouer pour réaliser une meilleure répartition des richesses. Elle pourrait par ailleurs être un vrai levier de développement et d'épanouissement de la jeunesse. Quid de Olea Institue ? Olea Institute pour le développement et l'entrepreneuriat solidaires est une association à but non lucratif. Sa mission est de participer au développement humain et sociétal à travers le développement du contexte d'action de l'entrepreneuriat social. Sa vision consiste à créer une dynamique autour de l'entrepreneuriat social comme outil majeur de développement. Quant à son action, elle se matérialise à travers trois axes : think tank autour du développement et de l'entreprenariat solidaires ; sensibilisation des acteurs et production de contenus de réflexion et de recherche.