Le verdict est tombé mardi dernier, tard dans la soirée. Le Maroc a été exclu du MSCI Emerging Markets pour se retrouver sur Frontier Markets. Cette décision, qui prendra effet en novembre prochain, n'est pas une surprise en soi. Analystes et observateurs avertis l'avaient prédit, tant la situation actuelle du marché boursier est critique, pour ne pas dire très critique. Le manque de profondeur, le déficit cruel de liquidité, la passivité des investisseurs dont la confiance dans le marché est fortement minée depuis plusieurs mois, sont autant de facteurs qui légitiment cette rétrogradation du Maroc. La pilule est difficile à avaler, quand bien même, au niveau de la place on essaie de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Karim Hajji, Directeur général de la Bourse de Casablanca, dit à ce titre que «La sortie du MSCI n'est pas si grave que ça», soulignant que c'est d'ailleurs mieux pour le Maroc de se retrouver dans l'indice MSCI Frontier Markets. Certes, il n'y a pas mort d'homme, mais son assertion reste assez explicite pour qui sait lire. Car, «ce n'est pas si grave que ça» veut dire je crois, à mon humble avis : c'est grave, mais pas trop. Faisons mieux passer la pilule et disons donc que c'est juste... un chouya grave (sic). Il est vrai que la place casablancaise n'était représentée dans l'indice MSCI Emerging Markets qu'uniquement par trois valeurs (Maroc Telecom, Attijariwafa bank et Addoha) pour un poids total de seulement 0,095%, mais elle avait au moins le privilège d'être citée parmi les places figurant dans cet indice. C'est... un chouya grave parce que le marché boursier passe de presque invisible dans l'indice MSCI Emerging Markets (vu la faiblesse de son poids) à carrément invisible aux yeux des gestionnaires de fonds dédiés aux marchés émergents. C'est... un chouya grave parce qu'en une décennie, le Maroc est passé de douze valeurs représentées au sein de l'indice à zéro valeur. Certes, on peut toujours se consoler en se disant que «le reclassement dans le Frontier Markets donnerait plus de visibilité à la place avec une pondération comprise entre 7 et 9% et une représentation avec 10 valeurs. Mais, reconnaissons quand même que si douze valeurs ont été éjectées de l'indice MSCI Emerging Markets depuis 2002, c'est qu'il y a un sérieux problème au niveau de la place. Cela, tous les intervenants du marché le savent, en premier lieu l'autorité de tutelle. Et on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de signaux d'alerte : 12 valeurs en 2002, 10 en 2003, 11 de 2004 à 2007, 6 en 2008, 4 en 2009, puis 3 de 2010... jusqu'à mardi dernier. Aujourd'hui, toutes les rencontres consacrées au marché des capitaux, dont la dernière a d'ailleurs eu lieu lundi, sont l'antre de répétitions : tout a été déjà dit sur les réformes à initier pour faire face au déficit structurel de liquidité qui plombe le marché. Reste plus qu'à passer à l'acte. Mais ça, c'est une autre paire de manche. A force d'attendre et de tergiverser, les autorités ont fragilisé le marché boursier qui se voit infliger sa première sanction. Et elle est de taille !