◆ La crise liée au coronavirus appellerait à revoir le modèle de société et appréhender les finances publiques à travers ses rapports avec le secteur privé et avec d'autres disciplines. Par M. D. & C. J
Les grandes crises sont certes dévastatrices, mais elles peuvent aussi inspirer le progrès en balayant l'ordre établi et les dogmes sclérosés. Ce qui permet de générer de nouvelles voies, génératrices de progrès sur les plans politique, économique et social. Lors de son intervention à l'occasion d'une rencontre co-organisée par la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et l'Association pour la fondation internationale de finances publiques (Fondafip) sous le thème : «Quel droit à la santé au Maroc et en France ? Financement de la santé, territoires et intelligence artificielle», Michel Bouvier, président de la Fondafip, a mis l'accent sur la nécessité de procéder aux réformes multisectorielles dictées par la pandémie. «Nous avons conscience qu'il faut réformer notre système de santé. L'objectif est de faire face à la multiplication des besoins et des coûts financiers qui ne cessent de croître d'année en année sous l'effet du vieillissement de la population», soutient le professeur français. La transition démographique engendrant une massification des personnes âgées, qui représenteraient actuellement en France 10% de la population, n'est pas sans conséquence sur les dépenses publiques et celles du secteur de la santé. «Dans 20 ans, la part des personnes âgées devrait passer à 15% en France. En 1750, l'espérance de vie des Français ne dépassait pas en moyenne 27 ans. Actuellement, elle culmine à 93 ans», souligne le juriste français. Un parallèle démographique peut être établi avec le Maroc qui voit aussi le nombre de la population âgée grossir. Une facture salée de 9 Mds d'euros Tout en mettant l'accent sur la difficulté d'appréhender l'ampleur des multiples conséquences de la Covid-19, l'expert des finances publiques a révélé que la pandémie de la covid-19 devrait coûter au secteur de la santé en France plus de 9 milliards d'euros en 2020. Aujourd'hui, force est de constater que le coronavirus a engendré une crise économique au niveau des Etats développés et des pays émergents, mettant ainsi à rude épreuve les finances publiques. Au Maroc, le déficit budgétaire hors privatisation devrait presque doubler en 2020 pour atteindre 7,9% du PIB. Toujours est-il que tout l'enjeu pour les Etats est d'anticiper le coût engendré par le virus pour les années prochaines. «Le défi est énorme, mais nous devons l'assumer», dixit Bouvier. Une remise en cause profonde Tout au long de l'histoire récente, l'Etat-providence a été chahuté par plusieurs crises, mais d'après le président de la Fondafip, celle qui prévaut actuellement est totalement différente des précédentes. «Les acteurs socioéconomiques doivent s'adapter à la pandémie», suggère Bouvier. Par ailleurs, il est impératif d'appréhender les finances publiques à travers ses rapports avec la société et les autres disciplines (économie, droit et environnement, etc.). «Il existe un désarroi partagé par l'ensemble de la population, et surtout par les décideurs politiques et administratifs. Il est donc essentiel de revoir le modèle politique qui a pris un sérieux coup de vieux», précise Bouvier. Tout en soulignant la remise en cause du concept de l'Etat-providence, même s'il a prouvé son efficacité pendant des années, il attire aussi l'attention sur les limites des Etats quant à leur capacité à endiguer seuls les crises d'une grande ampleur.